Epilogue (2010-2011)

 

  I L’échec d’une tentative de nouvelle transaction

 

Au mois de Septembre 2010, le journal Sud-ouest s’est fait l’écho des différentes assemblées générales et réunions publiques où un projet de transaction a été présenté. Il a, de même, rendu compte du conseil municipal de La Teste au cours duquel Monsieur le Maire a indiqué que le texte incriminé n’était pas celui qui avait été négocié et a dévoilé la participation, à ce travail, de l’association Pro Silva. Etant données les informations parfois « approximatives » qui ont été distillées, il me semble normal de rétablir un certain nombre de vérités.

Je le dois aussi à la mémoire de Didier Müller, vice président de Pro Silva France, accidentellement disparu le 15 août 2010, qui fut l’inspirateur de tout ce qui concernait la régénération de la forêt et les méthodes qu’on devait y appliquer.

 

L’actuelle municipalité de La Teste a  toujours publiquement  manifesté son intention de négocier une nouvelle transaction afin de sortir de l’anarchie et de l’état d’abandon du massif forestier tout en préservant les droits d’usage et l’environnement. Ces préoccupations rejoignaient celles qu’avec mes amis de l’association Pro Silva, nous avions toujours préconisées, aussi était-il logique que nous ayons une série d’entretiens à la suite desquels nous avions résumé, une fois de plus, nos positions dans la lettre ci-dessous adressée le 30 Mars 2009 à Monsieur le Maire de La Teste.

 

« La forêt usagère de La Teste est une forêt privée grevée de droits d’usage dont les propriétaires n’ont, quant à l’utilisation du bois, que les mêmes droits que les usagers.

-Les textes qui la régissent font qu’elle échappe au code forestier et aux arrêtés préfectoraux qui ne peuvent juridiquement s’y substituer.

-La forêt usagère doit être régénérée mais

           . L’attitude des propriétaires  et leur refus de tous les plans qui leur ont été proposés ainsi que leur volonté (souvent appuyée par certaines Administrations), d’y appliquer des méthodes destructrices de la biodiversité,

           . la volonté des usagers ou de leur association de ne rien changer,

            . les conflits liés au cantonnement,

ont contribué depuis trente ans à bloquer le système.

-Les prélèvements usagers actuels ne sont pas suffisants pour régénérer la forêt.

Régénérer la forêt, ce n’est pas l’exploiter, c’est permettre à ce massif dont l’originalité est reconnue de se perpétuer et de redevenir une vraie chênaie-pineraie  jardinée dont la biodiversité sera préservée. Pour cela les méthodes existent (ce qui n’était pas le cas il y a trente ans), c’est la « sylviculture proche de la nature » préconisée par l’association « Pro Silva », comprenant des propriétaires et des experts forestiers.

Ces techniques peuvent très bien y être appliquées puisque le « Schéma Régional de gestion sylvicole des forêts privées d’Aquitaine» approuvé par le Gouvernement le 21 Juin 2006 prévoit le cas des « futaies irrégulières » destinées à « produire du bois d’œuvre de haute qualité sans jamais découvrir le sol pour éviter en particulier l’érosion et maintenir un niveau de biodiversité constant » ce qui suppose une sylviculture d’arbre, donc la réduction de la taille des coupes rases à leur plus simple expression

-les propriétaires ont droit, l’usage une fois satisfait, à des revenus qui soient au moins suffisants pour couvrir les frais, mais l’extrême diversité des propriétés comme les caractéristiques de la forêt (relief…) réduisent les possibilités de gestion individuelle et obligent à la création d’une coopérative de propriétaires seule à même de recruter les techniciens aptes à pratiquer les méthodes évoquées plus haut et seule capable d’obtenir les aides et subventions nécessaires.

Pour toutes  ces raisons  une transaction est nécessaire.

Elle devrait préciser de façon très détaillée

-             les techniques de gestion, les règles de délivrance des bois (en particulier le problème des chênes),

-             la qualité des bénéficiaires de l’usage (il faudra aussi régler une fois pour toutes les cas d’Arcachon et de la partie anciennement testerine de la presqu’île du Ferret. Le cas de Gujan étant lié au résultat des instances judiciaires en cours).  

    - affirmer la liberté de circulation et de promenade de tous les habitants (et sa gratuité), en définir les modalités et prévoir un engagement de la commune pour l’entretien des sentiers, afin  que cette liberté ne soit pas ultérieurement remise en cause.

- prévoir la répartition des fonds et décider du maintien ou non de la caisse syndicale et des cotisations qu’elle percevait.

- préciser le rôle du « pôle forestier » restant entendu que le Maire est seul représentant des usagers et que les syndics des usagers, chargés de contrôler la délivrance des bois, ne dépendent que de lui.

 

Cette transaction, étant données les multiples protections qui affectent le massif (sites, Natura 2000….) devra être approuvée par la Commission Départementale des Sites afin qu’elle s’inscrive dans la charte officielle du massif. »

 

Nous fûmes alors conviés (Didier Muller et moi-même) à participer à une commission de travail informelle composée des représentants de la mairie et de ceux des « propriétaires ». Pendant un an  un texte fut l’objet d’une multitude de navettes (internet est bien utile) et de réunions de travail, les dernières en présence des avocats des deux parties.

Ce travail ne concernait que la municipalité de La Teste, représentante légale des usagers, et responsable, sur le plan environnemental, de ce qui se fait sur son territoire, puisque pendant la même période, la commune de Gujan Mestras plaidait devant la Cour d’Appel le maintien de son cantonnement amiable.

Le 25 janvier 2010 la Cour rendit son verdict et condamna les « propriétaires » et la commune de Gujan Mestras, (décision définitive puisqu’il  n’y a pas eu de pourvoi). Le texte qui était pratiquement mis au point fut donc repris pour tenir compte du retour de Gujan dans la communauté usagère et c’est en mai 2010 que la mouture définitive fut,  transmise, pour accord, à Madame le Maire de Gujan Mestras.

Le 13 Juillet 2010, profitant de la torpeur estivale, le responsable du site internet des propriétaires donnait une première analyse incomplète  et inexacte du texte qui avait été négocié par leurs représentants et le 4 Septembre lors de leur assemblée générale, c’est un texte modifié unilatéralement qui a été proposé et largement diffusé par l’intermédiaire de la presse et des associations, ce qui a provoqué une vague d’indignation compréhensive. Dans le même temps, le conflit qui opposait la municipalité de Gujan aux propriétaires quant à la remise des terrains que la Cour d’Appel l’obligeait à rendre, avait bloqué le processus.

 

 Le texte auquel la commission avait abouti était un compromis, certaines questions n’avaient pas été abordées en particulier en ce qui concerne les cas du Ferret et d’Arcachon, mais nous avions tous conscience d’avoir sauvegardé l’essentiel  et ne nous attendions pas à ce que les responsables des « propriétaires » qui avaient, avec leurs avocats, négocié ce texte, cèdent devant ceux qui, rêvant toujours de coupes rases étendues, voire de cantonnement, veulent  se comporter en maîtres uniques du massif.  Ces responsables ont donc accepté la falsification des accords qu’ils avaient eux-mêmes négociés !

Quant aux  réactions indignées des associations qui n’ont eu connaissance que du texte des « propriétaires » elles sont tout à fait compréhensibles car certains passages constituaient une véritable provocation, mais il est dommage que  la passion et les règlements de compte politiques entre élus (dont la presse s’est faite largement l’écho) aient pris le pas sur l’information.

Soumis pendant toute cette période à la discrétion, nous ne pouvions pas en parler tout en ayant souhaité, sans succès, que l’association des usagers en soit informée.

Les falsifications apportées unilatéralement au texte préalablement négocié portent en effet sur des points que les représentants de la municipalité de La Teste (et nous-mêmes) considéraient comme incontournables, position qui  sera maintenue, à en croire la déclaration de Monsieur le Maire, lors du Conseil municipal du 23 septembre 2010.

 

Les extraits ci-après sont ceux du texte qui avait été négocié avec, souligné, ce que les « propriétaires » ont ajouté ou modifié et en, couleur, le texte qui avait été négocié par leurs représentants. Texte auquel il sera indispensable qu’ils reviennent s’ils tiennent vraiment à ce que la situation actuelle cesse et que la forêt soit régénérée. Mes commentaires sont en italiques

 

INTRODUCTION

 

« La forêt usagère de LA TESTE-DE-BUCH, d’une superficie de 3700 hectares environ, s’étend des bords du lac de Cazaux à la dune du Pyla jusqu’au quartier des Miquelots. Ce massif millénaire, entretenu par l’activité et l’occupation de l’homme depuis ses origines, jouit d’un statut particulier défini par des actes notariés (baillettes et transactions). Ces transactions définissaient deux catégories d’habitants : d’une part, les ayant pins qui jouissent de la résine et d’autre part, les non ayant pins qui jouissent du droit de prélever du bois mort et sec pour le chauffage, de demander du bois vif pour les constructions, du droit de glandage, …

 

Depuis la première baillette en 1468, un équilibre a été trouvé entre ayant pins et non ayant pins, les uns tirant profit du commerce de la résine, les autres disposant de la possibilité de se fournir en bois de chauffage et en bois d’œuvre.

Les transactions qui suivirent maintinrent ces droits d’usage et les aménagèrent pour tenir compte des évolutions démographiques, économiques et sociologiques.

Le type de gestion découlant de ces textes a entraîné une activité importante de l’homme dans le massif et défini un rôle social de la forêt très important pour la population. Tant l’activité de la gemme que l’exercice du droit au bois d’œuvre ont participé à une gestion écologique exemplaire du massif depuis le moyen âge jusqu’aux années 1950.

 

Depuis les années 70, plusieurs phénomènes vont modifier la nature du site :

        - la disparition du gemmage qui entraîne l’abandon de l’entretien du massif et la perte de revenus pour les ayant pins ;

        - la très forte diminution des demandes de bois d’œuvre qui stoppe la régénération du massif ;

        - l’apparition des tronçonneuses, des véhicules à moteur type tracteur forestier ou 4x4, et l’augmentation importante de la population qui facilitent des coupes anarchiques, en particulier dans les feuillus ;

        - le développement d’activités de loisirs (promenade, randonnées pédestres) qui n’existaient pas à l’époque de la signature des transactions.

Depuis 1994, la forêt usagère fait partie de l’emprise classée au titre des sites. Il est donc de la responsabilité des différents acteurs qui la régissent d’assurer désormais la pérennité du massif et de son paysage reconnu au niveau national.

 

Cinquante ans après la dernière transaction (10 mai 1955), la forêt usagère se porte mal, la majorité des pins qui la composent sont sénescents, beaucoup ont plus d’un siècle, nombre d’entre eux sont malades car l’arrêt du gemmage a permis l’introduction d’agents pathogènes, les feuillus mais aussi les plus beaux sujets de pins sont l’objet de trafics peu scrupuleux (sont abattus) en violation de la lettre et de l’esprit des textes anciens, le massif n’est plus entretenu (prolifération de fougères et d’épineux, disparition des sentiers de gemmeurs …) et il présente un risque d’incendie important. La majorité des habitants de LA TESTE-DE-BUCH et de GUJAN MESTRAS n’y a pas accès. Les associations locales et les Communes de LA TESTE DE BUCH et de GUJAN MESTRAS n’ont aucun droit pour y organiser des randonnées ou des manifestations de type patrimonial. Enfin, la forêt usagère n’assure plus, auprès de la population, le rôle social qu’elle a toujours joué dans le passé.

Dans ces conditions, il est dans l’intérêt général des testerins et des gujanais d’instituer de nouvelles règles d’administration des droits d’usage obéissant aux principes et valeurs suivants analysés dans le guide de gestion forestière élaboré par les services préfectoraux et validé par arrêté préfectoral en 2009 :

-    régénération écologique ;

-    équité entre l’ensemble des membres de la communauté des usagers    (les habitants) 

-    vocation sociale ;

-    développement économique durable ;

-    multifonctionnalité ;

-    environnement ;

-    traditions ;

-    opposabilité et transparence.

 

On a vraiment l’impression en lisant l’ajout sur l’abattage des pins, qu’il y a une volonté de provocation.

 

 

GESTION DE LA FORET USAGERE

 

Article 14 (2)

 

Le Guide de Recommandations Paysagères pour la gestion forestière du massif de LA TESTE-DE-BUCH, validé le 16 décembre 2008 et annexé à l’arrêté préfectoral du 14 novembre 2005 modifié le 1 avril 2009 portant réglementation dans le site classé de la dune du PILAT et de la forêt usagère de LA TESTE-DE-BUCH et dans le site inscrit de la forêt de LA TESTE-DE-BUCH, présente des recommandations pour une gestion paysagère des différents types de forêt que l’on trouve dans le site classé, qui sont susceptibles d’évoluer, comme il est dit dans le préambule, en fonction du développement des connaissances sur les sites, de l’expérience de leur mise en œuvre et des prescriptions particulières nécessaires à la prise en compte de la biodiversité par la gestion forestière qui sont à l’étude dans le cadre de Natura 2000.

 

S’agissant de la forêt usagère de La Teste-de-Buch, les parties à la présente transaction s’engagent à mettre en œuvre, chacune en ce qui la concerne, le mode de régénération défini ci-dessous, qui rentre dans le cadre du guide précité, sans préjudice des évolutions dont ce guide pourrait faire l’objet, comme il est rappelé ci-dessus.

 

Le Syndicat des propriétaires s’engage à procéder, par l’intermédiaire de la coopérative des propriétaires, à la régénération naturelle de la forêt usagère, (selon les préconisations de l’association Prosilva, qui assurera la formation du personnel technique de la coopérative).

 

La forêt usagère de La Teste-de-Buch relève, de par sa longue histoire, d’une chênaie-pineraie qui a toujours été régénérée naturellement, sauf exception des semis modernes ayant fait suite à l’incendie en partie Sud du massif forestier.

 

Cette modalité de régénération induit une large biodiversité et se traduit par une forêt en mélange d’espèces (pin maritime, chêne) comprenant un sous-bois diversifié. L’ensemble est généralement reconnu, au final, comme plus résistant aux diverses agressions qui menacent une forêt, tout en lui accordant une forte résilience en cas de situation extrême.

 

Il convient donc de maintenir cette particularité, d’une part, en régénérant naturellement les parties anciennes qui entrent actuellement en sénescence, à partir de leur propre capital génétique et sans importations (les plantations de pins ou de chênes de provenance externe à la forêt usagère seront donc proscrites) et, d’autre part, en orientant les semis modernes du sud du massif vers une plus grande biodiversité, en y favorisant la mixité chênaie-pineraie, aux dépens des « alignements » actuels de pins maritimes.

 

Pour ce faire, et compte tenu de la tenure foncière (morcellement, indivision …), les ayant pins ne pourront intervenir dans leurs parcelles que par l’entremise de la coopérative des propriétaires de la forêt usagère qui sera la seule entité en charge des opérations sylvicoles de régénération et d’amélioration, y compris dans les semis modernes. (De plus, ces opérations seront conduites en modalités « pied à pied », dite aujourd’hui « sylviculture d’arbres », par opposition à une sylviculture de « peuplements forestiers », telle qu’appliquée généralement dans la grande lande.)

 

Alors que leurs responsables avaient accepté des techniques douces conformes aux textes anciens, le texte qu’ils ont adopté revient en fait aux coupes rases (imprudemment préconisées par l’arrêté préfectoral qui n’a aucune valeur règlementaire) et supprime les garanties qu’apportait la participation de l’association Pro silva.

ADMINISTRATION DE l’USAGE (LA FORET USAGERE)

 

Article 15 (3)

Cet intitulé montre bien la volonté de considérer uniquement « l’usage » et non, comme prévu « la forêt usagère ». Il marque la volonté des « propriétaires »  d’être les seuls maîtres alors qu’ils n’ont pas plus de droits sur les arbres que les autres usagers

 

DUREE, REVISION ET ABROGATION

                                                                                    (Article 1)

La présente transaction remplace l’ensemble des transactions précédentes

 (La présente transaction est conclue pour une durée de 20 années (15) à compter de sa signature, au terme de laquelle les parties feront le point sur les résultats de son application et décideront, au vu des conclusions de cet examen commun, de la reconduire, avec, le cas échéant, les modifications qu’elles jugeront appropriées, sous réserve du respect des droits d’usage reconnus aux usagers de LA TESTE DE BUCH et de GUJAN MESTRAS).

 

Le texte négocié tenait compte de la durée éventuelle de la régénération naturelle de la forêt. Les « propriétaires » l’ont remplacé par un texte qui met à bas des siècles d’Histoire et laisse les usagers sans aucune autre  garantie que leur bon vouloir.

 

 

Quant au reste, il n’y a pas eu de modifications, je m’en tiendrai donc à quelques remarques :

-la liberté de circulation gratuite individuelle et « associative » pour tous, usagers ou non, est consacrée, ce qui n’était pas le cas ; la définition d’itinéraires entretenus par la municipalité est une garantie de la permanence de cette liberté.

-le droit d’usage est maintenu de manière illimitée comme en témoigne l’article ci-dessous N°17 :

 

« En tout état de cause, la délivrance gratuite assurée par les propriétaires en application du présent article devra permettre aux deux communes (aux Communes de LA TESTE-DE-BUCH et de GUJAN MESTRAS) de satisfaire intégralement les demandes formulées par les usagers (testerins et gujanais), dans les conditions prévues par la présente transaction. »

 

-le droit de chasse était préservé et les procès en cantonnement devaient s’arrêter, ces deux conditions étaient inscrites dans l’annexe ci-dessous :

 

« REMARQUES

Les articles concernant la chasse ont été enlevés. Le Syndicat produira lors de la signature, une lettre dans laquelle il s’engage à signer avec les ACCA de LA TESTE DE BUCH et de GUJAN MESTRAS  un bail de chasse de 20 ans, le loyer s’élevant pour la première année à 2000 euros.

On rajoutera un article concernant l’abandon par les deux parties de toutes les procédures en cours (cantonnement judiciaire) ».

 

Quelques remarques pour en terminer :

 

- Le texte prévoyait que le bois réservé à l’usage était non seulement le bois d’œuvre (pin) mais aussi le bois de chêne pour le chauffage ce qui satisfaisait une très ancienne revendication des usagers, alors que les textes anciens ne l’avaient pas prévu. Il parut par contre nécessaire de limiter la quantité de bois de feu attribuée pour des raisons de gestion et de maintien de l’environnement.

- Certes le texte négocié mettait un terme au prélèvement anarchique du bois usager en forêt, le remplaçant par la livraison au pôle forestier, ou dans un autre lieu à déterminer, d’un pourcentage du bois coupé. Mais cela découlait naturellement des obligations de gestion : on ne peut  mener à bien cette régénération si tout le monde peut prélever ce qu’il veut sans aucun contrôle.

- Contrairement à nos demandes, les droits des arcachonnais et des habitants de la presqu’île n’avaient pas été évoqués, mais il aurait aussi fallu que les responsables de ces communes se manifestent.

 

Certains auraient préféré un « Grenelle de la forêt usagère ». Le précédent organisé par l’Etat, sur le comité de gestion,  devrait faire réfléchir, car ce « grenelle » local  s’est, on l’a vu, mal  terminé ; quant à ceux qui ont essayé de régler les problèmes de  la circulation et  de la gestion du site classé, ils n’ont fait que compliquer un peu plus les problèmes de la forêt usagère.

C’est la raison pour laquelle la municipalité de La Teste avait, cette fois-ci, préféré un travail préparatoire « en commission », au calme, plutôt qu’une « grand’messe » ou chacun utilise la tribune pour développer des thèses souvent antagonistes, et où, en essayant de donner satisfaction à tout le monde pour parvenir à un consensus de façade, on ne fait qu’augmenter la complexité des questions à résoudre.

Depuis cette dernière tentative de régler les problèmes, rien ne s’est passé. La seule nouveauté c’est la nomination par le conseil municipal testerin des nouveaux syndics qui semblent, d’après leurs déclarations, moins subordonnés à l’ADDUFU que leurs prédécesseurs.

Pendant que se déroulaient ces négociations, un évènement judiciaire important vint, on l’a dit, modifier la situation

 

  2-La fin du cantonnement amiable de Gujan (2002-2010)

 

En 2002, la commune de La Teste, dont la municipalité avait changé, décida de reprendre la lutte contre le cantonnement accordé à Gujan : par une délibération du 7 Février 2002, le Conseil Municipal décida, en effet, d’assigner à son tour les signataires devant le tribunal, suivie par l’ADDU-FU. Malgré l’offre du Maire de Gujan d’un accord amiable avec La Teste pour  « exploiter, mettre en valeur et protéger de l’incendie cet incomparable massif », l’assignation fut signifiée le 25 Juillet 2002.



           Dans leurs mémoires, les avocats de La Teste et de l’ADDU-FU ne contestaient pas  la notion de « propriété » et ce malgré la transaction de 1759 confirmée par le Conseil d’Etat et la Cour d’Appel.

Ils ne remettaient pas non plus en cause les cessions de terrain qui étaient intervenues, renvoyant le problème, une fois la délibération gujanaise annulée, à la décision des contractants.

Leur argumentation portait essentiellement sur la notion, reconnue par la jurisprudence, d’indivisibilité des droits d’usage qui rendait, selon eux, impossible un cantonnement partiel tandis que la commune de Gujan considérait qu’elle était libre de faire ce que bon lui semblait oubliant qu’en 1855, lorsque son Maire, Eugène Dignac, avait proposé de cantonner la petite montagne d’Arcachon, il avait bien fallu l’accord des deux communes.

Un dernier élément  apparut, début 2006 : le bruit courait que Madame la Députée de la circonscription, actuelle Maire de Gujan, promettrait de revenir sur le cantonnement amiable …qu’elle n’avait voté que par solidarité avec l’ancien Maire car, comme elle l’expliquait déjà en 2003, elle était « réservée » et n’avait jamais fortement soutenu ce dossier.

 Son élection à la place de Michel Bezian, démissionnaire pour raisons de santé, eut en effet  pour premier résultat le report de l’audience prévue en Juin 2006, à la demande des avocats de Gujan, dans l’attente d’éventuelles nouvelles orientations municipales.


Mais, selon la rumeur, les invites à négociation formulées par la commune de Gujan en direction de sa voisine ne connurent pas de réponse.

 

Aussi  le tribunal a-t-il, le 21 Novembre 2006, tranché en faveur de Gujan estimant que la commune de La Teste ne pouvait « prétendre assurer la protection des intérêts des habitants de Gujan Mestras qui ont vocation à être représentés par leurs organes municipaux » ajoutant que la transaction entre les propriétaires et la commune de Gujan n’avait pas limité les droits des usagers testerins car « le fond demeure donc en ce qui les concerne assujetti dans son ensemble à l’usage. Quant aux usagers demeurant sur la commune de Gujan Mestras, ils ont renoncé totalement à ce droit, en échange d’une  rétrocession d’une partie de la forêt.» 

Quant à l’ADDU-FU, qui s’était elle aussi portée en justice, elle ne fut pas, cette fois ci, déclarée irrecevable car son intervention n’avait pas « un caractère principal mais accessoire en ce que son objet est seulement d’appuyer les prétentions de la Commune de la Teste de Buch. » En conséquence, la commune de La Teste fut condamnée aux dépens et à payer 6000 euros (à partager entre Gujan et les propriétaires) !

        

 Ainsi, d’après cette décision, les gujanais n’étaient plus usagers et la commune de Gujan était devenue propriétaire du sol, sans pouvoir d’ailleurs toucher aux arbres autrement que dans le cadre strict des baillettes et transactions. 

Mais le tribunal n’avait pas statué sur la demande des propriétaires qui, arguant du fait que les syndics des usagers de Gujan « n’ont plus lieu d’être désignés », sollicitait son approbation pour qu’il ne soit plus désigné qu’un seul syndic des ayant-pins.

Mais, la commune de La Teste, ayant décidé de faire appel (Janvier 2007) la solution du problème gujanais fut encore repoussée.

D’ailleurs, lors d’une réunion publique organisée par L’ADDU-FU  à Gujan Mestras,  le 26 Janvier 2007,  Madame la député Maire a rappelé son opposition au cantonnement de Gujan, demandé qu’on continue à donner du bois aux gujanais, et souhaité  des négociations avec la Mairie de La Teste, précisant que pour négocier il faut être deux mais que pour le moment elle était seule…



C’était oublier que le partenaire essentiel d’une éventuelle négociation n’est pas la commune de La Teste mais les propriétaires dont on peut se demander s’ils auraient accepté que soit remis en cause ce cantonnement et que si le jugement est confirmé, la commune de Gujan ne sera qu’un ayant-pins parmi d’autres. Sa situation sera d’autant plus compliquée que l’usage ne concernant que des personnes privées, elle ne pourra rien faire de sa « propriété ».

Après ce premier jugement, la situation était donc confuse et le problème  toujours pas réglé d’autant que, si l’on en croit le journal Sud-ouest du  29 0ctobre 2007, une autre difficulté existait : seuls 216 hectares auraient été transférés et pour le reste des réticences existeraient chez les propriétaires.

En 2008 la situation évolua encore : le 5 Juillet 2007, la Cour d’Appel avait fixé l’audience au  7 Avril 2008, demandant que les conclusions soient déposées avant le 7 Novembre. La Teste avait déposé les siennes le 12 janvier 2007 mais elle était la seule, en conséquence le tribunal, le 21 Mars 2008, prononça la radiation de l’affaire « en l’absence de diligence des parties ».

Il faudra attendre le 12 Octobre 2009 pour que la commune de Gujan dépose à son tour ses conclusions et, en contradiction avec les déclarations publiques d’opposition au cantonnement du maire, les avocats, demandaient au tribunal la confirmation du premier jugement !!!

L’affaire fut débattue en séance publique le 30 Novembre 2009 et l’arrêt de la Cour d’Appel fut rendu le 25 janvier 2010.

Cet arrêt met fin au feuilleton commencé en 1993 puisqu’il  infirme le jugement du tribunal de grande instance et annule donc le cantonnement partiel de Gujan condamnant aux dépens la municipalité et l’association des propriétaires ainsi qu’à une somme de 3000 euros à verser à la commune de La Teste plus 3000 euros à verser par la commune de Gujan.

Il déclare aussi l’ADDU-FU irrecevable en son action volontaire conformément à l’arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux du 8 avril 2002.

Le principal argument avancé par le tribunal, c’est l’indivisibilité des droits d’usage déjà reconnue par les cours d’appel  (17 mars 1981) et de cassation (18 octobre 1983).

 Comme personne ne s’est pourvu en cassation, les gujanais ont donc retrouvé leurs droits d’usage.

La commune de Gujan, dont le Conseil municipal a, le 7 juin 2010, décidé de nommer un syndic des usagers, va devoir rendre les terrains qui lui avaient été donnés mais cela ne change rien au fond du problème à savoir la nécessité de régénérer la forêt et de rétablir l’équilibre ancestral entre ayant et non-ayant pins, politique à laquelle il lui faudra désormais collaborer.

 

3 La fin de la procédure du cantonnement judiciaire

 

En 2008, on l’a vu, les propriétaires avaient interjeté appel de la décision du Tribunal de grande Instance qui avait rejeté leur demande de cantonnement.

Trois ans plus tard, la Cour d’Appel  de Bordeaux, dans son arrêt du 5 Septembre 2011, confirma le jugement du T G I et condamna les propriétaires ayant-pins à verser, en plus des dépens, 3000 euros à chacune des  communes de La Teste, Lège et Arcachon) et , au nom de « l’équité » la même somme à la commune de Gujan ( revenue dans le jeu après l’annulation  de son propre cantonnement amiable), ainsi qu’à l’ADDUFU. Comme en 2008, le tribunal ne remet pas en cause le rapport des experts et se base sur l’incapacité «  de justifier le nombre des propriétaires et donc d’établir la condition de majorité » (2/3 des propriétaires et 1/2 de la superficie)

Ce chapitre de l’histoire mouvementée de la forêt est donc clos mais le passé nous a montré qu’elle n’est jamais à l’abri.

                                               

 

4 La mise au point du DOCOB (Natura 2000)

En 2012 a été finalisé le Document d’Objectif du site Natura 2000[70], il concerne un territoire beaucoup plus étendu que la forêt usagère mais celle-ci en représente la plus grosse partie.

Ce document très documenté (les études ont duré de Mai 2010 à Décembre 2011) comporte une série de recommandations et expose dans le détail toutes les actions à mener ainsi que leur chiffrage. Invité à participer au groupe de travail, j’ai très vite signalé en séance puis par deux lettres adressées à Monsieur le Maire de La Teste, la difficulté majeure de  cette opération très louable en ce qui concerne la forêt usagère.

Le but de l’opération est en effet de faire signer au propriétaire forestier un engagement de respect des prescriptions du DOCOB avec en contrepartie une aide publique (Etat et Europe) pouvant atteindre  80 % des dépenses. Mais cela n’a rien d’obligatoire.

Si cela ne pose aucun problème pour les forêts privées, j’ai rappelé qu’en forêt usagère le « propriétaire » n’est pas maître des arbres comme l’ont confirmé le Conseil d’Etat (1970) le TGI de Bordeaux (1976 et 1984) et qu’il ne peut donc signer un tel engagement.

Certes cela aurait été possible dans le cadre de la nouvelle transaction négociée en 2010 mais, comme on l’a vu, les ayant-pins l’ont refusée.

On retrouve là encore l’incompatibilité entre les pratiques administratives et la spécificité des règlements de la forêt usagère.

Il n’en reste pas moins que, dans l’avenir, quelles que soient les solutions trouvées, ce document de très grande valeur scientifique, restera comme le modèle de ce qu’il faudra faire.

 



[70] Le dossier complet se trouve sur le site internet de la Mairie de La Teste de Buch à la rubrique « Développement  durable-Natura 2000 »