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Chapitre III: 

             Le gemmage et l’utilisation des  

          produits résineux dans la Montagne

                           de La Teste

                

I- Les témoignages anciens (XVII° et XVIII° siècles)     

 

 Pour connaître la façon dont étaient gemmés les pins avant que les usines de distillation ne s’installent, il faut mobiliser les témoignages anciens.  Mais avant le XVIII° siècle, les témoignages sont succincts d’autant que rares sont les mentions d’outils dans les actes notariés de succession.

 

J’ai pu cependant relever le testament de Jean Daicard, laboureur, habitant de la paroisse de Gujan, quartier de La  Ruade qui, le 13 Juin 1702, laissait« un habchot de résinier avec un palot et … pour peler les pings, trois sarcles, trois tariers »[1] les tariers semblent être les instruments de charpentier appelés tarières)

 Quelques années plus tard le 30 Novembre 1727[2] sont inventoriés dans un acte: « deux haches à gemmer, une petite pelle à gemmer et un barresquit »

Nous pouvons donc affirmer que les outils appelés hapchot, sarcle de pela, barrasquit et palot ou pelle existent depuis cette époque.

 

Déjà, en 1672, J.Lombard[3] décrivait ainsi les opérations : 

« A l'âge de 25 ans il (le pin) commence à fluer les gommes, qu'il continue à donner pendant l'ordre des saisons, et l espace d'un temps considérable, même durant plus de cent années, qu'il donne du profit à son maître: Il est vrai que l'ouvrier doit lui rendre ses assiduités pour le travailler, afin que par l'ouverture qu'il faut fréquemment renouveler avec la cognée… »

 

Nous avons aussi deux textes du début du XVIII° siècle qui, s’ils ne précisent pas expressément qu’il s’agit de la Montagne, décrivent plus précisément les techniques qui y étaient alors utilisées.

Le premier est du géographe Masse [4], en 1708, dans son article intitulé  "Bois de pinada"

 

« Quand ces arbres ont 18 à 20 ans, d'une grosseur et hauteur convenable, les résiniers donnent un coup de hache ou de serpette pour enlever l'écorce et un peu du vif de l'arbre, d'où il sort quand il fait chaud une gomme blanche qui distille insensiblement dans une petite fosse ou bacquet, que les résiniers amassent et qu’ ils portent dans leurs cabanes qui sont établies de coté et d'autre dans ces bois…

Ils tailladent ces arbres dans tout le pourtour en différentes années jusqu'à ce qu'ils aient tiré la substance »

 

Le second date de 1709[5]. Il s’agit des « Eclaircissements apportés à Mr De Fenelon député à la Chambre de Commerce de Bordeaux sur la manière de faire rézine »:

 « On commence ordinairement à travailler au mois de Mars et on continue jusques à celluy d'Octobre ou de Novembre; l'ouvrier coupe le pin d'un côté, à la hauteur de 2 ou 3 pieds (0,325 =0,65 à 0,97 cm (en pieds bordelais),il en tire l'écorce et les copeaux comme s'il voulait rendre l'arbre carré mais cela se fait peu à peu, ne manquant pas, au moins une fois la semaine, d'y donner quelque soin ou de faire quelque copeau selon que l'arbre en a besoin (NDLR: piquage)Il fait un creux, crus, au pied du pin, sur la racine, où la liqueur tombe. On a le soin de la ramasser tous les mois ou dès que le creux est  plein. »

 

Ces deux textes datent de l’époque, on le verra, où l’on n’utilisait pas de pots pour recueillir la gemme.

 

II- Les opérations et les outils de gemmage

 

Selon les auteurs les outils utilisés pour telle ou telle opération changent de nom.

En fait deux éléments sont à considérer : d’abord la plupart des grands traités concernent les Landes et d’autre part chaque résinier façonnait ses outils afin qu’ils soient le mieux possible adaptés à sa main et précisait au taillandier, l’artisan qui fabrique des outils tranchants, la façon dont il voulait que les lames soient façonnées. Le choix de l’artisan était important, à preuve ce témoignage du fils d’Alexis Baillon, résinier testerin de la fin du XIX° siècle : « Quand les outils avaient besoin d’être réparés ou changés, mon père allait chez le taillandier. Il utilisa d’abord les services de celui de Sanguinet puis leur préféra ceux du taillandier de Biscarrosse. Il se rendait chez eux à pied en suivant les bords du lac et rentrait que très tard, le soir, après une marche de 45 à 50 kilomètres. »[6]

 

 

                     1-  Les outils en 1864 (Eloi Samanos)[7]          et             2-   en 1974 (Col. R.Aufan)

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C’est pourquoi les notes ci-dessous ne concernent que la forêt usagère de La Teste, même si, en complément, j’évoque parfois les techniques landaises.

 

 

A-  L’écorçage :

                                                                                                                                                                                        

Nous avons vu que dès le début du XVIII° siècle, le « sarcle de pela » est utilisé en Buch, ailleurs c’est l’espourguit  (Mimizan).

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                                                3-        Ecorçage au sarcle (Ph.R.Aufan)                 et            4-            Lame du sarcle de pela (Col. R.Aufan)

 

Ces deux outils agissent du haut vers le bas. Il s’agit, avec ce sarcle  d’enlever l’écorce afin de pouvoir préparer l’entaille ou « care » que sa  lame courbe permet de tailler en creux pour faciliter l’écoulement de la gemme. On dit aussi « peler » le pin puisqu’on commence par enlever l’écorce.

 

B- La care :

 

Elle est pratiquée avec une cognée (terme qu’emploie  le « français » Lombard en 1672) qu’on appelle ici « hapchot » dès 1702 et certainement  avant. Thore, médecin chef de l’hôpital de Dax, le décrit, en 1810,  comme    une    « hache au tranchant acéré, en gouge, de 6 cm de large»

                       

 5-   Hapchot testerin et bridon landais (Col. R.Aufan) 

    

Cette lame courbe permet de pratiquer dans l’aubier une entaille en creux, la care, ce qui facilite l’écoulement de la gemme                                                                                                                                                                                   

S’y substitue vers 1910, un outil plus simple, le « bridon », importé des Landes, qui possède à l’opposé de sa lame tranchante un petit appendice dit « place-bire » destinée à faire sur les bords de la care des entailles où placer les « bires » qui guident la résine ; celles-ci sont le plus souvent constituées par un « galip » ou gemelle (le long copeau qui a été enlevé de la care et qui servait traditionnellement d’allume-feu naturel à tous les habitants).

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La première care ouverte au pied du pin, le « basson », ou « bassot », se fait sur la partie la plus robuste (la « teneille ») ; elle est orientée au nord-est car les pluies arrivent de l’ouest. On utilisait ici, selon  le gemmeur, soit une hache, soit le « hapchot ». En effet, la longueur du manche du sarcle ne permettait pas le mouvement de haut en bas.

 

             6-     Ouverture du basson au hapchot (Photo. R.Aufan)

 

       7-   Piquage au bridon (Photo R.Aufan)

        

Ailleurs, dans les Landes, on pouvait  aussi utiliser deux autres outils de forme différente et de sens inverse (maniés du bas vers le haut), la petite  pelle (ou palot) qui permettait aussi de nettoyer le crot (Landes -1847),

La deuxième année sa hauteur double c’est le « doubley ».                                                          

Le pin ne peut être « mis en œuvre » que lorsqu’il atteint 1,17 m. de circonférence à 1,30 m. du sol, chaque care doit durer au moins 6 ans et l’on ne peut carevirer qu’au bout de 4 ans. De même, la largeur de la care, que l’on rafraîchit régulièrement (piquage) pendant toute la période de taille, du 25 Février au 25 Octobre est à La Teste, en 1882, de 10 centimètres (9 cm la dernière année), contre 9 à 12 ailleurs. Telles sont les règles édictées par le « Règlement sur le gemmage en forêt usagère de La Teste » adopté le 26 Décembre 1882 par l’assemblée des propriétaires.[8] L’amende prévue pour les contrevenants était de 5 francs alors que le prix du pain était alors de 0,418 francs et le salaire horaire moyen en province de 0,235 francs.

Sa hauteur dépend des outils utilisés (pitey ou rasclet) et du  statut des forêts : dans les forêts usagères (La Teste et  Biscarrosse) où seule la gemme appartient au propriétaire du sol, le pin étant usager, il faut la porter plus haut pour exploiter l’arbre le plus longtemps possible.

 

                   1864 (Samanos)        1882 (La Teste)    1911 (Ricard [9]):                

 Année 1 :                  0,55                                    0,65                                        -

           2                    1,30                                     1,35                                   1,15

           3                    2,20                                     2,10                                   1,80

           4                    3,10                                     2,85                                   2,50

           5                    4,00                                     3,60                                        -

           6                      -                                        4,35                                        -

                             

9-                            Gemmage au crot avec  hapchot et  pitey, en 1839

 (in. Comte André de Bonneval : « Tableau pittoresque des landes du bassin d’Arcachon »)

 

 

Le résinier utilise donc un « pitey » que Thore en 1810 décrit ainsi : une échelle d’une seule pièce aux coches en cul de lampe de 5 à 6 centimètres de haut,   pouvant atteindre 5,50 mètres.

Le plus grand pitey que je connaisse m’a été donné par Fernand Ballion dont le père, Alexis (1864-1938), résina les pièces de La bat du loup et des Tioules en 1911. Il mesurait, car trop long pour être stocké dans son hangar M.Ballion en avait coupé le bout…, 5 mètres 25 ce qui permettait de porter la care jusqu’à une hauteur de 6, 25 mètres                                                                                                                    

                                                                                                                                                                                                                                 

  10 - Résinier au pitey au début du XX° siècle                                                                                                                               

 

En 1825, un touriste bordelais[10] en vacances chez Legallais[11], qui visitait en arrière de l’établissement de bains la cabane située sur la parcelle d’Eyrac, s’étonne de la façon dont les résiniers « se guindent –se hissent- à chaque instant comme des écureuils…se servent admirablement de leurs pieds nus dont ils font une espèce de pointe d’appui, tandis que la jambe enveloppe l’échelle  pour l’empêcher de glisser le long de l’arbre »

 

 

 

Le pitey dont certains étaient équipés à leur sommet d’un crochet, ce qui facilitait sa stabilité fut ensuite abandonné et remplacé par un rasclet à long manche, signalé à La Teste dès 1904 par Durègne de Launaguet.

           

             

            11-     La  taille au rasclet (Photo. R.Aufan)                         12-      Evolution : du rasclet testerin au rasclet landais (Col. R.Aufan)                            

 

Les premiers comportaient une ou deux marches (comme pour le pitey) qui permettaient de se hausser quelque peu le long de l’arbre pour utiliser le hapchot. Mais le rasclet testerin ayant l’inconvénient de tordre le galip, sa lame fut changée d’orientation  afin qu’il puisse glisser.                                                                        

 

 

                  

 

 

 

 Certains outils pouvaient d’ailleurs, au gré du gemmeur, être équipés, comme le bridon, d’un place bire.

 

 

13-Rasclet avec place-bire (Col. R.Aufan)                                                   

 

 

                                                                                                     

Tous ces outils étaient encore utilisés il y a une trentaine d’années, cependant des tentatives de modernisation eurent lieu, en particulier l’utilisation d’une « rainette ». Cet instrument auquel était annexé un vaporisateur servait, selon la méthode américaine importée après la 2° guerre mondiale, à pratiquer une petite care sur laquelle on aspergeait de l’acide afin d’intensifier la production de gemme. Les anciens gemmeurs locaux l’utilisèrent très peu mais les deux systèmes coexistèrent cependant (voir plus loin)

 

Tous ces outils devaient être aiguisés avec beaucoup de soin. Pendant la journée, le gemmeur emportait avec lui, dans une petite sacoche, des pierres à aiguiser, appelées « agresses » par les originaires du pays voisin de Born. Il utilisait aussi une espèce de rasoir à lame courbe, dit « coupe-fer », pour redonner plus de mordant à l’outil.

Mais c’était surtout le soir, au retour à la cabane, qu’avait lieu l’opération destinée à donner du fil au tranchant (le talh) des outils

On utilisait pour cela des pierres de lest (ahile) sur lesquelles, après les avoir mouillés, on frottait délicatement le métal, ces frottements provoquaient sur la pierre, la formation d’une ou de plusieurs gouttières.

Ces pierres venaient de l’extérieur, en effet, quand les bateaux testerins revenaient de Bretagne où ils avaient livré leurs barriques de brais et goudrons, ils étaient obligés, s’ils n’avaient pas de cargaison de retour (céréales…) de lester leurs bateaux avec des pierres ramassées sur le rivage. Débarquées au port du « caillaou » (à l’abri de la pointe de l’Aiguillon) ces pierres servaient à la construction des maisons.                       14-

 

                

C- La réception de la résine

 

Jusqu’à l’apparition du pot, au milieu du XIX° siècle, la résine s’écoulait le long de la care jusqu’au crot, petite fosse creusée au pied de l’arbre.

Les descriptions en sont parfois confuses ; ainsi, en 1839, Bonneval dit simplement que « la résine tombe dans un récipient  placé au pied de l’arbre », mais c’est ce système qui prévalait en forêt usagère de La Teste.

Ailleurs il semble que d’autres techniques furent utilisées : des pots en osier aux XV° et XVI° siècles[12], des auges en bois à Biscarrosse signalées par Monsieur de Caupos en 1755[13], ou, à la même époque, des cornes de bœuf et des seaux en bois ( cités par « La Maison rustique »[14]) en Pays de Gosse et Maremne.

Plus tard, en 1839[15], avant l'invention du pot en terre cuite, l'Administra­tion des Eaux et Forêts (bien qu’il  ne s’agisse plus de la Montagne mais des semis, cette notation est intéressante) prévoit que «si l'adjudicataire a besoin de bois pour la confection des augets nécessaires à l'extraction de la résine, il lui en sera déli­vré par l'agent forestier» .

Ces auges ou augets n'étaient-ils que le crot tapissé de planchettes pour éviter la perte de la résine comme l'affirme le Docteur Aparisi-Serres[16] ? Comme le terme d'auge désigne simplement une «pièce de bois creusée»[17] , ce peut donc être le pied de l'arbre, mais c'est aussi un récipient! Si l'on s'en tient à la tradition, c'était un trou dont la paroi postérieure était taillée verticalement dans le tronc de l'arbre et dont la forme générale était celle d'un «angle dièdre», le plan antérieur étant oblique pour faciliter le vidage à l'aide d'un outil appelé «pelle».

Pourtant en 1836, Hector Serres utilisait le même mot d’auge pour les récipients en terre cuite qu'il préconisait.

15- Pot, crampon et bire (Photo. R.Aufan)

 

          

Y aurait-il eu déjà, au XVIII° siècle, dans le sud des Landes, des tentatives empiriques de rationalisation qui se seraient heurtées à la force des traditions et n'auraient pu surmonter l'archaïsme des méthodes locales ou bien les produits que l'on désirait obtenir, dans l'ancien système de gemmage, ex­cluaient-ils, comme on le verra, l'emploi de récipients mobiles

Le pot en terre cuite vernissée fut en effet proposé en 1836 par le pharmacien dacquois Hector Serres puis mis au point par son ami Pierre Hugues  qui en 1845 déposa son premier brevet.

 

Les pots les plus anciens avaient un couvercle et un trou supérieur, pour passer le clou ainsi qu’un trou opposé, parfois  un bec, pour l’écoulement de l’eau de pluie; ils étaient souvent recouverts d’un palot en bois

 

 

 

  16-    Pot  fixé par un clou supérieur                                           17-                 Pots reconstitués antérieurs à 1860

          (dune du Pilat R.Aufan)                                                              trouvés sur la Dune du Pilat (Col. R.Aufan)   

                                                                                                                   

Mais le poids de la gemme rendait ce système d’accrochage  très fragile, aussi en vint-on  très vite au pot soutenu par un clou inférieur                                                                                                

                                                            

D’après Dorgan[18] en 1846, « ce système a déjà prévalu du coté de La Teste où l’on a doublé la production »Cela ferait donc de La Teste un pays en pointe. Pourtant dans un « rapport à la société des propriétaires de la Forêt Usagère de La Teste »[19], en date de 1863, on lit qu’ « il sera impossible d’adopter le système Hugues tant que le libre parcours du bétail existera » !

Cette déclaration, en contradiction avec le texte de Dorgan me semble plus dictée par la polémique, ce qui est souvent le cas à La Teste, que par la réalité du terrain.

 

Ailleurs il y eut des difficultés à vaincre les habitudes : ainsi, au carnaval de Mont de Marsan un pot fut-il  attaché à la queue d’un âne et les premières « résines Hugues » n’apparaîtront  qu’en 1858 sur le marché de Dax[20] soit 13 ans plus tard, tandis que, sur celui de Mont de Marsan, les deux types coexisteront jusqu’en 1894 avec une différence de 12 francs sur la barrique de 340 kg.

 

Contrairement à ce qui se passait avec le gemmage au crot, où la résine coulait tout au long de l’arbre, perdant ainsi en qualité, le pot pouvait être  remonté au fur et à mesure de l’allongement de la care.

Pour les pins très penchés, on utilisait un plat rond, posé sur le sol, dans lequel les gouttes de résine tombaient à la verticale.                                                                 

 

 Le pot a entraîné l’apparition du « crampon »

en zinc, dont les premiers exemplaires portaient 5 dents pour mieux les fixer (et de la  « bire » pour les pins penchés), du « pousse-crampon » et du « maillet de houx » (parfois de chêne) ainsi que  de la curette ou « palinette » pour curer le pot

 

                                                   18-         Palinette (Col. R.Aufan)                                                                 

                                                                                                                                      19-            Utilisation du pousse crampon et maillet de houx

                                                                                                                                                                                   (Photo R.Aufan)

 

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                                                                                20-    Évolution du  pousse-crampon et plante-bire  (Col. R.Aufan)

 

L’évolution du « pousse crampon » va du complexe au plus simple :

A l’origine, courbé, il est doté, sur sa face externe ou interne, de 3 pattes de fixation pour glisser le crampon ; il n’y a donc pas besoin d’entaille préalable. Ces pattes de fixation furent ensuite réduites à deux puis supprimées.

Cela évitait de nettoyer l’instrument mais le pousse crampon ne servait plus qu’à faire une entaille préalable dans laquelle était, à la main, enfoncé le morceau de zinc.

Quant à la fixation des bires (galip ou crampon droit) on utilisait pour l’entaille un pousse-crampon droit : « le plante-bire ».

Un autre instrument fut aussi inventé : « l’enlève pot à coulisse » qui permettait d’aller chercher  le pot installé sur les parties hautes

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   21-                   Enlève pot (dimension déployé : 3,30mètres  Col. R.Aufan)                                                               22-               Poches (Photo R.Aufan)    

 

 

  Plus récemment on essaya d’introduire des poches en polyéthylène agrafées à la base de la care dans lesquelles la gemme s’écoulait, un système de soufflet empêchant l’orifice supérieur de se refermer. Mais je n’en ai vu utiliser qu’en dehors de la Forêt Usagère qui resta un « conservatoire des techniques anciennes ».                                                                                           

              Dans le même temps, dans les années soixante-dix, on  expérimenta la technique dite du « gemmage à l’acide ». Il s’agissait de  vaporiser sur  la care de l’acide sulfurique diluée afin d’augmenter de près de 20% la production de gemme et de diminuer le nombre de piques

         23- Rainette et vaporisateur d’acide  (Col. R.Aufan)                    

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Le vaporisateur était équipé d’un système de poignées actionnant deux  pattes qui, serrant la bouteille, faisaient sortir un  nuage d’acide. Cela permettait au gemmeur de vaporiser de loin en limitant le risque.

Dans ce système, on n’entaille plus l’aubier,  la care n’est plus en creux mais a l’aspect d’une surface plane. L’outil pour la préparer, la rainette, est donc à lame plate et comporte, aussi, à l’opposé, un place-bire.

 

De même, le crampon en zinc prend une nouvelle forme, il a un côté concave sur sa longueur ; il est  alors surnommé « blieck » du nom des vulgarisateurs du système. Les effets de cette technique, qui, selon certains écologistes, pouvaient être négatifs  pour les oiseaux, n’ont pu être mesurés car le gemmage s’est arrêté quelques années plus tard.

 

On essaya aussi des pots en matière plastique mais je n’en ai jamais vu dans la Montagne.

 

                                        

D- Le transport de la gemme.

 

         25-Escouarte en châtaigner, Landes début XX °s.

                                                                                                                                

Lors de l’amasse, toutes les deux à trois semaines, le pot est vidé dans une « escouarte » en bois de châtaignier puis, plus tard, en métal (La Teste) ou en  chêne- liège dans sud des Landes. Le cerclage supérieur étant aménagé de façon à y glisser la palinette.

 Elle est ensuite vidée dans un « tosse » en pierres ou en briques, plus tard dans un « tosse » en ciment, creusés dans le sable et recouverts d’un toit en planches.

                             

  26-Tosse en forêt usagère (Photo R .Aufan)

 

                                                                                                                                                                                                                               

 

Dans les dernières années, certains fixaient leur escouarte sur une roue

de bicyclette afin d’en alléger la charge. Cet engin était appelé « la claudine ».

Le contenu était ensuite transvasé à l’aide d’une grande louche, le « cache », dans une barrique juchée sur le « bros » ou après la disparition de ces attelages, directement dans des barriques en bois, puis en métal,

 disséminées dans la forêt.                                                                                                                                        

 

       27-Barrique (Col. R.Aufan)                                                         28-Fût métallique et claudine (Photo R.Aufan)                                    30

 

Ces barriques en bois de 336 litres avaient sur le flanc une ouverture de 30 cm sur 20 sur laquelle on disposait parfois une sorte d’entonnoir  pour faciliter le vidage.

Plus tard ce furent des barriques métalliques qui furent utilisées

                                                             

 

 

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                                                                                        31-   Tosse, cache, et barrique sur le bros (Kaufmann 1891)

 

E- La dernière amasse :

 

Après la dernière amasse, à  la mi-automne, on raclait la gemme solidifiée sur les bords de la care (c’est le barras) à l’aide du « barrasquit »  auquel, après l’invention du crampon, on  adjoindra une « curette » destinée à le nettoyer.

                                                                                                                                            34                                   33-  Barrasquit à curette

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        32-      Barras récolté (Ph.R.Aufan)                                                                                                                                          (Col. R.Aufan).                                                                                                                                               

 

Pour récupérer le barras sur les cares les  plus hautes on pouvait aussi utiliser  le « pousse »  au manche beaucoup plus long (2,40 m. dans les  Landes en 1857)[21]. Le barras tombait dans une toile, parfois appelée « estral » puis était transvasé dans une barrique remplie aux 2/3 de résine pour y être par malaxage, mélangé.

 

 En forêt usagère, les pins ne pouvaient servir qu’à l’usage ou au gemmage, seul profit du propriétaire du sol. C’est pourquoi ils étaient gemmés jusqu’à épuisement et pouvaient ainsi  porter plusieurs cares, voire en être entièrement ceinturés quand ils étaient « gemmés à mort ».

Alors les « ourles », nom donné à ce qui reste de bois entre deux cares, sont fragilisées, éclatent et s’ouvrent, donnant au pin la forme si caractéristique du « pin bouteille »  arbre emblématique de la Montagne qui sert souvent de nichoir.

 

Le gemayre (gemmeur) devait se déplacer de pin en pin. Etant donné la rapidité avec laquelle la végétation se développait, noyant souvent les sentes, il utilisait un « sabre à fougères » et, pour

couper les brandes, une sorte de faux «la dalhe » ou une serpe à long manche, le « bedouch »

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 36- Bedouch (Col. R.Aufan)                                                          

           38

                                                                                                  37-  Griffes (Col. R.Aufan)                           

       

Certains, enfin, pour s’élever le long des pins pouvaient se faire forger des griffes qu’ils attachaient aux jambes par des lanières.

 

                     

III L’utilisation des produits résineux.

 

   A-  Les témoignages anciens

 

Commençons par les textes anciens.

 

Au début fut Ausone[22], professeur, poète et homme politique bordelais (477-394). Il  possédait un domaine boïen,  près d’un étang (Cazaux ?) et faisait négoce de poix et de résine. Il fut le précepteur du futur St Paulin, (dit Paulin de Nole né à Bordeaux en 354, mort évêque de Nole en Italie en 431) qui, dans une lettre, parla des « piceos boïos », des boïens hommes de poix, c'est-à-dire  fabricants.

Poix et résine étaient aussi utilisées par les bituriges vivisques (peuplade celtique qui, au III° siècle AC, fonda Bordeaux - Burdigala), pour infuser le vin.[23]

 

En 1581, Jacques Auguste De Thou, conseiller au Parlement de Paris, profite d’une mission à lui confiée par le Roi Henri III pour faire une escapade touristique et gastronomique sur les bords du bassin. Dans ses mémoires[24] il raconte ce repas d’huîtres et parle du « rivage de la mer bordé de pins très élevez, dont on tire la poix ou la réfine…Du temps d’Ausone on donnoit le nom de Buchs & Bayonnois aux habitants de ces côtes ; pour lui, il les nomme tantôt Buchs & tantôt Poissez, fans doute par rapport à la poix qu’on tire de ces pins dont l’écorce fournit encore de nos jours à ces peuples de quoi se chauffer et s’éclairer ». De Thou fait ici allusion à Paulin de Nole car on a parfois traduit son expression par « poisseux » et confond d’ailleurs les produits tirés du pin.

 

Par contre, en  1616,  les Lettres patentes du Roi[25] parlant des « manans et habitants de la juridiction de La Teste de Buch et Hâvre d’Arcasson », disent « qu’ils ne recueillent aux dittes montaignes que les poix et résines dont ils font trafic et qu’ils peuvent transporter (sans payer de droits) ez lieux de Marensin, Buch, Médoc, Born, Landes ,Nérac, Bazats, Condom, Mezin (près de Nérac), Casteljaloux, Bourriac, Gaurrec, Dax et autres lieux circomvoisins au dit lieu de La Teste ». Ce texte prouve non seulement l’activité de production des Montagnes de La Teste, mais aussi le négoce important auquel se livraient les bourgeois et armateurs locaux exportant, par La Teste, les produits résineux landais.

 

En 1669, Claude Perrault, médecin, architecte et frère de l’auteur des Contes, effectua, du 9 au 12 Octobre, une visite à La Teste[26] . Il la raconta dans  son « Voyage à Bordeaux » et précisa : « dans ces forêts de pins, il y avait de tous temps des manufactures pour les résines de ces arbres qui s’y en prennent et découlent comme la térébentine, le galipot, l’encens ou qui se font par la cuisson du galipot comme la poix noire de la résine… » Dans ce texte assez imprécis quant aux techniques, il faut prendre le terme de manufacture au sens premier de travail fait à la main.

 

Lombard en 1672 est assez évasif, il parle de « distiller » la résine, précisant que « par le moyen du feu, la chaudière la réduit en diverses sortes de marchandises toutes d'un prompt débit ».

 

Masse[27] en 1708 est par contre plus explicite :« Quand ils ont amassé une grande quantité de cette gomme, ils la font bouillir dans des chaudières, ensuite de quoi elle est assez cuite, ils la font couler avec une petite dalle dans des trous qu'ils font dans le sable pour en faire des pains ronds d'un pied ou deux de diamètre sur dix huit à vingt pouces de hauteur, plus ou moins selon l'idée des ouvriers. Quand elle est séchée et dure, on la rompt par morceaux et se vend à la livre. Elle sert à faire le brai dont on enduit les vaisseaux de mer et d'eau douce tant pour empêcher la pourriture, boucher les trous, que pour empêcher que le vaisseau ne sèche par l'ardeur du soleil .Cette résine sert à plusieurs autres usages en la faisant cuire davantage. »

 

Quant à M. de Fenelon[28] en 1709 il décrit ainsi les opérations :  On a le soin de la ramasser tous les mois ou dès que le creux est  plein. Aussitôt qu'on en a une quantité raisonnable, on la fait cuire dans des chaudières de cuivre faites exprès, pendant l'espace presque d'une journée, dès que la cuite est faite, on verse cette matière dans un grand arbre qu'on a creusé comme une auge et on y mêle de l'eau qu'on bat quelques temps ensemble et, le mélange étant fait ,on fait couler cette liqueur dans des creux qu'on a eu le soin de faire dans la terre grands ou petits selon la grosseur des pains de résine qu'on veut faire."

Le grand arbre creusé en auge est un  « couladuy » le système est déjà attesté à La Teste en 1623[29].

 

Enfin en 1786, l’abbé Baurein[30] écrit : «  il y a dans cette partie de la forêt de pins (dans la paroisse de Cazaux)  40 fours à résine, 12  servant à faire de la gemme, du goudron, du brai sec, qui tous appartiennent à des gens étrangers à la paroisse. »

Il faut se rappeler qu’à cette époque, le pot n’existait pas.

 

Quant au Cahier de doléances de La Teste, en 1789, il revendique le maintien des exemptions fiscales pour le transport de « leurs gommes résineux comme térébentines, brais gras et sec, résines jaunes et goudrons »

Tous ces produits évoqués parfois maladroitement mais dont la production est attestée localement depuis l’époque gallo-romaine doivent être reclassés en produits bruts ou produits cuits

 

B- Les produits bruts

 

1-   La gemme au crot, le galipot et le barras.

 

La  gemme au crot était récoltée puis utili­sée telle quelle ou bien cuite ou encore exposée au soleil. Remarquons une différence essentielle entre le gemmage avec pot, dans lequel on récolte surtout la résine molle destinée à être distillée, ce qui n’advint qu’à  partir du milieu du XIX° siècle, et le gemmage antérieur, au crot. Dans ce cas, la gemme qui doit descendre jusqu'au pied de l'arbre se solidifie en coulé­es blanchâtres le long de la carre dont on la retire avec un instrument appelé barrasquit. Elle porte alors le nom, selon sa qualité et la durée de son séjour sur l'arbre, de galipot ou de barras, appelé, au XVII° « gomme blanche ». Ailleurs, au XVIII°, on la nommera «encens blanc» (1755) ou «poix de Bourgogne».

 

2- La résine molle

 

La résine molle récoltée dans les temps anciens sous le nom de poix blanche   s'écoulait donc jusqu'au pied de l’ar­bre.

Ce produit très appauvri en essence, à cause de son long séjour à l'air, était beaucoup moins utilisée faute d'un appareillage de récolte spécifique : il  s'écoulait dans un crot d’une capacité d’un demi-litre, et servait cependant, après  filtrage sur des claies de paille  et cuisson à la chaudière, à produire une téré­benthine plus riche en essence.

En 1810, le rendement de 3.000 pins était ainsi de 8 à 10 barriques de résine molle, ce qui, en prenant comme référence la barrique de 275 kg (dont 33,5 de futaille) donne de 1932 à 2415 kilogrammes, et de 25 à 50 quintaux de barras soit 1250 à 2500 kg, rendement qui, en rete­nant les chiffres supérieurs, s'équilibre donc à 2,5 tonnes pour chaque produit.

 

 3 Le franc encens,

 

Les premiers témoi­gnages notariés sur ce produit remontent à 1497, il fut l'objet, à Bordeaux, de chargements épi­sodiques dans la première moitié du XVI° siècle[31]. Cette extrême rareté s'explique par son origine. Lombard la décrit très bien en 1672 : c'est le pin «arrivé à la décrépitude qui, dans la fin, ouvre son tronc d'où il se tire encore de l'encens suave et aromatique qu'on mêle pour augmenter celui d'Orient» et que «les droguistes recherchent avec empresse­ment pour en faire des voitures - des expéditions - considérables».

Une autre raison de sa rareté tient dans le fait que les pins arrivés à décrépitude dans les Montagnes usagères de La Teste et de Biscarrosse, les plus grandes zones de production, étaient réservés aux habitants comme bois de chauffage. Cela explique la faiblesse des exportations : 0, 14% du total des résineux chargés à Bordeaux de 1493 à 1520 ou 3,4 tonnes en 27 ans.

  

4 La tormentine de soleil

 

Le produit essentiel était donc le galipot qui était ensuite transvasé dans un « barque » afin d'obtenir  la tormentine ou térébenthine de soleil. La description la plus ancienne du barque  fut donnée en 1810 par le docteur Thore et fut souvent reprise.

39-   À droite le puits et la cabane appartenant à M. Lalesque, à gauche, un peu plus loin, le barque  (AM Bordeaux)

 

En 1825, le touriste dont nous avons déjà parlé, s’arrête, au bas de l’escalier conduisant à Notre Dame d’Arcachon,  « à côté d’un puits devant une grande caisse où l’on porte la résine. De cette caisse, dit-il, coule naturellement à travers le plancher, une liqueur très épaisse et très odorante qu’on appelle la thérébentine de soleil. C’est la meilleure et la plus estimée, on la reçoit dans de grands vases de bois de pin creusés à cet effet. » En 1848 la « caisse » était toujours là, dans la parcelle appelée « Bos », sur la gauche de l’allée dessinée par Léo Drouyn.

 

En 1829, Gustave de Galard, dans une lithographie où la résinière est représentée de manière idyllique, nous en a, lui aussi, donné une image fidèle et, puisque l'Encyclopé­die  en parle au XVIII° siècle dans les mêmes termes, on peut penser que la même technique était utilisée auparavant.

                                 40-Gustave de Galard : le barque      

                    

Il s’agit, comme dans l'Antiquité, d’exposer la gemme au soleil afin que s'en évapore «l'huile essentielle ». En 1559[32] et 1576 [33]on précise, dans des actes notariés,  «tormentine non cuite à la chaudière»

Les chargements de cette  tormentine au départ de Bor­deaux sont fréquents: même si cela  ne représente entre 1500 et 1520 que 134 tonnes, soit 5,53% du total des résineux exportés.

Le terme de barque apparaît aussi dans les actes notariés : en 1596[34], 1623[35]  et 1657[36] , des barques sont ainsi mentionnés dans des actes de vente en forêt de La Teste.

  Ces barques étaient des réservoirs en madriers de pin de 2 à 2,5 mè­tres carrés. Ils avaient un double fond : l'un, supérieur, était horizontal et ajou­ré afin que le produit s'écoule entre les madriers  disjoints ; l'autre, inférieur, légèrement incliné - 20 cm de dénivelé sur l'ensemble de la pente - était constitué de madriers bien joints ou d'un carrelage en terre cuite.

 

Recouvert de planches, ce réservoir était exposé en plein soleil, rempli de galipot, si bien que, sous l'action de la chaleur, une liqueur rousse, la tormentine, se dégageait et coulait sur le plan incliné jusqu'à une auge extérieure d'où elle était transvasée dans des barriques entreposées ensuite chez les négociants de La Teste.

 Comme les techniques évoluent peu, on peut même imaginer que les entrepôts du XVI° siècle étaient semblables à ceux des Testerins de 1810 : des barriques stockées sur deux plans carrelés et légèrement inclinés vers un canal central afin de récupérer la liqueur suintant entre les douelles, la térében­thine dite alors «de Venise». C'est ce type de magasin qui est évoqué dans la location par Guillaume Desbiey (1725-1785)   responsable en 1772 des fermes du Roi à La Teste [37], au lieu dit Lavie, à La Teste, d'une maison dont  «le chai à bois est attenant au magasin haussé pour les térébenthines»[38]

Cette tormentine, utilisée pour la fabrication des vernis, des solvants, des cires à cacheter, était le plus important des produits tirés du pin vif

 

C Les produits cuits

Mais après la séparation du galipot et de la liqueur, restaient, au fond du barque, des résidus. Ceux-ci, mélangés avec du barras et de la gemme non filtrée, étaient cuits dans une chaudière, la caoudere ou caudeira, et donnaient d'autres produits.

 

1 Les térébenthines cuites à la chaudière.

 

Il s'agit d'un sirop doré, issu de la cuisson du galipot et de la résine molle ce qui, dans ce dernier cas, donne une substance plus chargée en essence.


2 La rousine ou brai sec.

 

Appelé plus tard arcanson ou colophane, vendu en pains de 150 à 200

livres-poids, ce produit servait à fabriquer les vernis, peintures, papiers mais aussi à enduire les cordes des instruments de musique, et surtout au carénage des coques de bateaux. Cette utilisation dans le carénage explique l'importance des expéditions de résine et rousine dans la période 1497-1520: 91,2% des ex­portations, voire 94% si l'on y ajoute la «gemme en foyer» soit 2282 tonnes.

C’est certainement ce produit qui fit l’objet du fermage[39] accordé en 1777 par Nicolas Taffard, Conseiller à la Cour des Aydes de Guienne, à Bernard Dessans pour les pièces de Péchuys (Péchious) et Pettoulets (Taulette) à charge de remettre chaque année «  7 milliers[40] de résine cuittes belles et de satisfaction prises au four », Dessans pouvant disposer en outre  des « brays et terbantines (térébenthines) qu’il fera venir. »

Les fours ou les chaudières en cuivre (caoudeyres) servent indistinctement pour cuire le brai ou la poix ainsi aux Courpeyres en 1815 ou au Courneau en 1835.

 

3 Le brai clair ou résine jaune.

 

Il est obtenu après deux heures de cuisson  suivies d'un mélange avec  de l'eau dans un  tronc de chêne évidé, le couladuy[41] , afin de l'éclaircir. Utilisé dans la savonnerie, l'encollage du papier, on l'emploie aussi pour vernir les mâts et superstructures des navires.

41-Gustave de Galard 1835 (la composition est située sur les bords du basin représenté au fond).

Un atelier :

-à droite le couladuy ;

-derrière la fumée, un four à goudron ;

 -plus loin le barque à tormentine ;

-contre le pin, un résinier sur son« pitey » s’élève le long du pin pour  le gemmer.

 

4 L’huile de térébenthine.
 Il s’agit de la liqueur rousse obtenue dans les barques, seul système attesté en Buch, en particulier par Rostan, qu'on peut qualifier de procédé de distillation naturel, la chaleur solaire permettant de séparer du gali­pot une térébenthine plus pure qui s'écoule par le bas.

Pourtant les alambics de distillation pour obtenir l’essence de térébenthine existent depuis déjà longtemps : dès 1709 en effet la Chambre de Commerce de Bordeaux évoque «l’esprit  de térébenthine» précisant qu'on utilise pour cela «la liqueur qui a découlé de l'arbre » (résine molle) qu'on fait cuire afin de la fondre, puis bouillir un quart d'heure avant de la mettre dans un alambic. En 1749 à Escource, en 1755 à Biscarrosse, dans les Landes en 1815, en Marensin en 1823, on signale des alambics

Cette huile figure encore en tant que telle dans les comp­tes d'exportation pour l'année 1717 à desti­nation de l'Angleterre, de la Hollande et du Nord[42] On en charge d’ailleurs 30 à 40 tonneaux par an à Bordeaux.

 Il y avait donc au XVIII° siècle distillation en alambic, c'est ce qu'atteste d'ailleurs l'abbé Desbiey  qui distingue la térébenthine au soleil, la térében­thine à la chaudière au feu ordinaire, l'essence grasse qu'on recueille sans alambic en faisant cuire la résine molle et enfin l'essence de térébenthine distillée à l'alambic.

 42-(Il s’agit vraisemblablement du Hourn Somart ou de Labat de Ninot )
Mais ces techniques ne sont pas encore utilisées à La Teste  ce que, après l’abbé Baurein en 1786, confirme Thore. Il précise en effet que la térébenthine de soleil n'est obtenue qu'à La Teste et dans ses environs où il n'y a pas d'atelier de distillation. D’ailleurs même après la création des distilleries, on continuera, comme l’attestent, vers 1850, les dessins de Léo Drouyn, d’y faire de la térébenthine de soleil.
Il y a donc eu, pendant toute la première moitié du XIX° siècle, coexistence entre les ateliers « urbains », les distilleries et fabriques du bourg, et les ateliers forestiers, les premiers prenant le dessus avec l’apparition des « machines à vapeur » dont la première est autorisée en 1864.[43]

 

D- Tableau des  produits tirés du pin vif-43-

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                                                        Tableau des produits tirés du pin vif et de leur utilisation (R.Aufan)

 

Le tableau ci-dessus reprend les différentes techniques qui étaient donc utilisées aux XVIII° par les « arrousineys », fabricants de rousine et de produits cuits dont la traduction française a donné improprement le mot « résinier » alors que, on l’a vu, celui-ci aurait dû garder le nom de gemmeur.

 

Mais une autre catégorie de produits étaient obtenus à partir du pin mort, ce sont les pègles, poix noire, brays gras et goudrons.

 

 

IV Les produits résineux tirés du pin mort

 

 Depuis l’Antiquité, certaines parties des pins, une fois abattus, ont toujours été utilisées pour fabriquer des produits appelés ici poix, pègle ou goudron de caillou, ailleurs goudron subtil ou coulant.

 

A- Les techniques de fabrication

 

1-   Les témoignages anciens

 

Comme précédemment, même si, en ce qui concerne les utilisations, il mélange un peu les produits, Claude Masse, en 1708, a donné une bonne description de la technique utilisée : « Quand l’arbre est vieux, on le coupe puis on le scie par billots de deux pieds de long ensuite de quoy on fend ces billots en petites billettes ou estelles qu’on dresse debout dans des fourneaux fait exprès dans le fond desquels il y a une petite grille de fer. Quand le fourneau est plein de ces estelles, les résiniers y mettent le feu qui, consumant le bois, fait couler le reste de l’humeur grasse à travers la grille dans des bacquets ou chaudières qui sont au côté, où elle demeure liquide épaisse et noire que l’on nomme godron qui sert à divers usages , sçavoir : pour faire des feux d’artifice, pour faire le bray gras, pour oindre les cordages de vaisseaux, le fil pour coudre les voiles, les cables qui tiennent les vaisseaux à l’ancre, le tout pour qu’ils durent plus longtemps. Il sert aussi à goudronner les mâts (il confond ici, on l’a vu, avec la résine jaune ou brai clair) et presque tout ce qui compose un bâtiment».

  Ce texte décrit un four à goudron tel que, d’après l’auteur, ils furent introduits en 1660 par des suédois. Mais cette description pourrait très bien convenir pour les fours traditionnels utilisés depuis très longtemps dans la montagne de La Teste ce que Masse semble ignorer puisqu’il dit qu’avant cette date on tirait le goudron des Pays du Nord.

 

 

2-Fours suédois ou hourns traditionnels ?

 

Il est exact que le premier four « suédois » ou « hourn de gaze » fut construit en 1663, sous la direction du sieur Lombard, dans la forêt de La Teste, sur une parcelle appartenant à Monsieur de Caupos appelée « Sanglarin » près de la pièce des « Deux Hourns ». L’emplacement de ce four, que Lombard a décrit en 1672,  a été retrouvé mais l’installation n’existe apparemment plus.

Il s’agissait d’ «un bassin en forme de pain de sucre renversé ayant en sa superficie quatre toises de diamètre et une toise et demie de pro­fondeur», duquel partait «un canal pour conduire le goldron dans le récepta­cle». Dans cette cavité fut disposée la valeur de «vingt charretées de bois de pin mort et du plus sec...réduit en billes de trois pieds de long» autour d'une «grande perche toute droite en forme de bourdon ». Ce bassin était «pavé de carreaux ou parement de brique cimenté avec de la chaux, terre grasse et bien jointoyée». Une fois rempli, il fut recouvert de gazon puis le feu y fut mis «tout ainsi qu'à une charbonnière». «Pendant trois jours et deux nuits le bois s'est consommé à écouler la matière» et «le premier essai a rempli 12 barils de goldron bien coulant».

                       

         44-Hourn de gaze, méthode suédoise, dessin de Desbiey (XVIII siècle)[44]

 

Comme je l’ai montré dans l’ « Histoire des produits résineux landais »[45] les auteurs régionaux qui ont suivi, ont tous, peu ou prou, repris le même type de description : le bordelais Monsieur de Fenelon en 1709, le Commissaire des classes de La Teste Rostan en 1725 sans oublier Monsieur de Caupos correspondant en 1755 de Duhamel Dumonceaux auquel il donne son témoignage pour son « Traité des arbres qui se cultivent en France»[46]

 

On produisait pourtant du goudron dans la forêt de La Teste à preuve la toponymie : le nom de Hourn Peyran apparaît dans un acte notarié en 1500 ( il est possible que ce four soit celui que nous avons retrouvé sur le flanc ouest de la dune du Pilat), Les Deux Hourns en 1521[47], le Hourn Laures en 1639, le Forn Somard (près des Abatilles) en 1559[48] , à preuve aussi les ventes de parcelles comportant des fours ou encore les pièces de monnaie que j’ai retrouvées à l’emplacement de certaines fouilles (1641 à 1650 à Mouréou, 1558 à 1650 au Pilat)

 

Mais la forêt étant usagère, les « ayant-pins  » ne disposaient pas, sauf en cas d’incendie ou d’ouragan, de beaucoup de bois pour fabriquer du goudron. C’est ainsi qu’après l’ouragan du 11 Frimaire An X (2 décembre 1801) [49] qui abattit 1270 pins dans ses parcelles des Estageots et des Montauzeys, Taffard de la Ruade « donna tout le bois abattu à son résinier » et « fit construire un four à goudron  dans la seconde ». En temps normal la quantité de bois disponible était beaucoup plus faible, or le four suédois de 1663 qui mesurait 7,79 mètres de diamètre et 2,92 mètres de profondeur consommait pour une seule cuite 20 charretées de bois !

 

        C’est pourquoi cette technique fut, comme l’écrivit Desbiey en 1776, abandonnée dans les forêts usagères de La Teste et de Biscarrosse, où subsistèrent longtemps des goudronnières dont la capacité, constatée par le suédois Elia Alh en 1666 était « faible et médiocre » ce que confirmait Desbiey en 1776 disant que les fours de La Teste, dans lesquels on fabrique du goudron sont « trop resserrés » et sont « naturellement destinés à l’extraction de la poix ou pègle dans la langue du pays ». Cette pègle, de moins bonne qualité, était d’ailleurs entre 1757 et 1779[50] vendue au 2/3 du prix du goudron

 

      N’ont donc fonctionné localement du XVI° au  XIX° siècle que des "hourns traditionnels" destinés surtout à brûler les résidus du gemmage pour obtenir des poix, pègles, goudrons de caillou (terme créé en 1810 à cause de l’utilisation de la pierre comme matériau de construction) et bray gras même si, d’après le rapport Lombard, une dizaine de fours « suédois » furent construits entre 1663 et 1672 aux lieux-dits Sanglarine, Nottes, Batsegrètte, Boy, Labat de Quité, Menoy, Galouneys et Taulette. Mais ces constructions furent éphémères puisqu’en 1686, sur tous les fours en activité au temps de la Manufacture royale de goudrons des Landes, il n’en reste plus qu’un ou deux en activité vers Pissos.[51]

 

Cependant il est fort probable que certains d’entre eux furent réutilisés ou que de nouveaux furent construits quand la quantité  de bois utilisable fut  importante, ainsi la perte de 2.700 hectares de forêt incendiée en 1716 a dû provo­quer un apport de bois que les techniques traditionnelles n'auraient pas suffi à absorber ; cela explique pourquoi la description maladroite faite en 1725 par le sieur Rostan, Commissaire des classes à La Teste, concerne bien des fours suédois : «un grand trou dans la terre dans lequel on pratique un canal et à côté un fourneau en cul de lampe qui communique à ce canal par de petits trous. On garnit de carreaux de briques la sole du fourneau, on le remplit sans aucun vide de ces morceaux de bois - le cœur - puis on y met le feu qui réduit tout ce bois en charbon après en avoir extrait toutes les gommes qui ont découlé dans le canal par les petits trous pratiqués au bout du fourneau».

Certains continueront à être  utilisés pour la fabrication du charbon de bois comme, on le verra, celui de Sanglarine en 1844.

 

3-Les techniques au XVIII° siècle

 

Le tableau ci- dessous explique les deux techniques utilisées dans la région landaise au XVIII°

 

                                                               45-Tableau de la fabrication des goudrons au XVIII° siècle (R.Aufan)

                                                                      En Pays de  Buch,                                en Born et Marensin

                                

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2-   Les Hourns Traditionnels du Pays de Buch : description et fonctionnement d’après les fouilles archéologiques.[52]

 

Le premier four à poix fut trouvé sur la dune du Pilat en 1975 par Mrs Flies et Labourg en même temps que les «  sols à débris de cuisine » qu’ils étudièrent entre 1975 et 1977.[53]

 

46-Four à poix (dune du Pilat 1975) Photo M.Flies)

 

C’est ensuite grâce à la vigilance de PJ Labourg que je pus en 1981, mettre à jour et fouiller celui du Pilat.

   

 

 

 

 

 

 

 

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                                           47-  Hourn traditionnel fermé            et                              ouvert 48-

                                                            La Teste de Buch : Dune du Pilat. (Gironde) Photo  R.Aufan 1981

 

 

 

 

 

          49-Le Pilat : schémas   (R.Aufan -1981)                               

                                                                            

                 Ces mamelons étaient en pierre, garluche le plus souvent, grès fossilisé constitué de sable et d’oxyde de fer,  avec parfois des pierres de lest apportées par les bateaux, (comme au Pilat). Ils avaient, dans la partie supérieure, un foyer creusé en entonnoir dans lequel étaient disposées les bûchettes. En partait une canalisation interne qui, à ciel ouvert, se dirigeait ensuite vers un réceptacle extérieur.

Celui du Pyla avait, sur le côté est, un conduit qui devait servir à l’allumage puis à l’oxygénation du foyer. Sur les autres fours le conduit était remplacé par des orifices latéraux beaucoup plu petits.

 

                                                                                                     50- « Le Pilat : conduit d’ d’allumage et d’oxygénation » (R.Aufan 1981)

 

              

Certains de ces fours étaient, à l’ouest, protégés des   vents dominants par un mur

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 51- Mur ouest du four de Baillon)                    52-Louche (Le Pilat ; collection R.Aufan)         53- La cuve de combustion du hourn du « Becquet» La Teste de Buch

                                                                                                                 (-photos  R.Aufan 1977

                               

   Le foyer, après remplissage, le canal et le réceptacle étaient recouverts d'un mélange d'argile et de débris de tuiles puis découverts  après la cuite.

                                                                                      

Une fois le goudron du réceptacle vidé à  l’aide d’une louche   et  le foyer nettoyé du charbon de bois résiduel, les voûtes  étaient, après remplissage, reconstruites pour la cuite              

 

54-Mamelon de charbon de bois en arrière du four du Pilat.

 (Photo. R.Aufan 1981)

 

 

Le charbon de bois était ensuite répandu dans les environs du four (Mouréou, Baillions, Batlongue-les Nègues) ou stocké (Pilat) autour de l’installation   

 55-L’étanchéité du réceptacle de Baillons maintenue

      après plusieurs siècles (photo R.Aufan 1978)

 

L’intérieur du foyer était tapissé de briquettes ou de carreaux

de terre cuite jointoyés à l’argile. Celle-ci pouvait venir des

braous les plus proches ou, pour les sites voisins des côtes,

des couches d’argile, actuellement recouvertes, qui

affleuraient à l’époque, le niveau de la mer étant plus bas.

 

 

 

Ces opérations longues et complexes faisaient que la production restait artisanale  et domestique.

 

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56-Hourn traditionnel de “Mouréou” LaTeste1980   (Photo R.Aufan)                                         57-Plan et coupe (J.Seigne)                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     

 

              Dans ces installations le réceptacle est toujours désaxé par rapport au four. Il faut en effet veiller à ce que, dans la partie enterrée du canal d’évacuation,  le goudron reste toujours bien « coulant ». On y passe pour cela  une tige de fer rougie au feu à laquelle on imprime un mouvement de va et vient ; pour effectuer ces manœuvres, il faut donc un espace, dans l’axe du four.

Quant à la canalisation, elle est constituée de tuiles renversées ou bien elle est creusée dans une assise de pierre et, pour pouvoir effectuer le débouchage, la partie la plus proche du four est découverte.

 

Outre les sites que j’ai fouillés (Le Becquet qui existait déjà en 1775, Mouréou, Le Pilat- Hourn Peyran, Baillons, le Jaougut), j’ai pu en repérer d’autres (Le Brana, Laouga[54], Batlongue) tandis que la toponymie (Le Hourn Laurès) ou les archives indiquent d’autres parcelles (Courdeys de haut, Petnau, Les Estageots, Les Courpeyres, les Montauzeys).

Pour avoir une idée plus précise de la taille de ces installations, j’ai reproduit ici la synthèse des mesures obtenues (en mètres) lors des fouilles effectuées en forêt de La Teste ou de Biscarrosse (Vincent) qui à l’époque n’en faisaient qu’une.

 

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B- L’utilisation  des produits[55]

 

 Sans prêter foi aux rêves de Phéniciens venus sur nos rivages chercher poix et résine, ni aux étymologies qui tentent de relier Arcachon, pays de l'Ar­canson ou colophane, avec la ville ionienne de Colophoon qui est à l'origine de ce mot (alors que le lien entre Arquasson et cass-anus évoquant la chênaie-pineraie ancienne est plus vraisemblable), on a, on l’a vu, depuis les boïens, toujours fabriqué et utilisé chez nous ces poix-goudrons.

 

1 L'étanchéité.

La poix enduisait, il y a peu, en Pays de Buch, les bâtiments, cabanes, chais, hangars construits avec le bois de la Forêt Usagère, protégeant ainsi le matériau de l'humidité, comme c'était le cas dans l'Antiquité et comme ce le fut aussi dans toute l'Eu­rope médiévale.

Ces produits résineux avaient aussi servi  à l'étanchéité des récipients, amphores, outres en cuir, tonneaux de bois .Cette utilisation s'est perpétuée jusqu'à nos jours puisqu'en 1917, à Beliet, c'est la poix noire, gou­dron issu de la combustion du pin mort, qui est achetée pour servir au «colma­tage des fûts de bière »[56] .On trouvait déjà cette tradition dans l’Antiquité ainsi qu’au Moyen Age puisque au XIIIe siècle, le «Livre des Métiers» nous apprend qu'on ajoutait, pour «efforcer la bière…, baye, piment et pois résine». On pourrait encore citer le revêtement interne des gourdes en cuir du Pays Basque, enduit résineux qui donnait un goût au vin tout en assurant l'étanchéité de l'enveloppe.

 

2 La pharmacopée

 

Les usages médicaux très fréquents de la poix dans l’Antiquité (épilation, dermatologie, ulcérations, maladies respiratoires et nerveuses…) se sont perpétués : au XV° siècle, Ambroise Paré utilise des emplâtres constitués de poix liquide et de poix noire, et plus près de nous, en 1880, l'Officine, Répertoire Général de la Pharmacie Pratique, préconise les goudrons végétaux de Norvège ou des Landes pour les gales, lèpres, psoriasis, porrigos, furoncles, catarrhes vésicaux, gastrites et phtisies pulmonaires.

Un peu plus tôt, le docteur Lalesque[57] préférait aux appareils britanniques « propres à faciliter les émanations goudronneuses» appelés «boîtes à goudron ou goudronnières», les cures libres dans les pins d'Arcachon, sta­tion climatique et médicale réputée pour soigner, grâce aux «senteurs balsami­ques et térébenthinées», les scrofuleux, les tuberculeux et les nerveux .

Les vieux résiniers nous ont enfin confié l'action bénéfique de la poix pour cicatriser les plaies occasionnées aux mules par leurs colliers, tandis que d’autres se souvenaient de son utilisation pour extraire les échardes de leurs pieds souvent nus et de son effet bienfaisant contre les rhumatismes.

 

D'ailleurs, l'officine Durvaut, manuel de pharmacopée, préconise toujours à notre époque le goudron de pin purifié pour les sécrétions bronchiques sous forme de capsules, pilules ou sirops de goudron. Elle mentionne encore les goudronnières anglaises, le recommandant aussi en applications externes contre l'eczéma sec, la séborrhée du cuir chevelu et le psoriasis, ou bien dans les affections des voies urinaires. Quant aux vétérinaires, il leur est toujours con­seillé d'utiliser contre les affections de la peau et les parasites le liquide « fluide, brun et empyreumatique» qui, après la distillation per descensum, surnage au-dessus du goudron.

La poix-goudron fut donc bien un «remède-miracle» de l'Antiquité jus­qu'à nos jours !

 

3 La construction navale

 

Il en est de même pour ce qui concerne la construction navale où les goudrons, poix et brays gras ont été de tout temps indispensables jusqu'à ce que les coques métalliques, puis plastiques, et les produits chimiques, ne viennent les supplanter.

Bray épais coulé à chaud pour bou­cher tous les intervalles entre les pièces de bois, à l'intérieur de la carène, pour assurer, outre le collage, l'étanchéité de l'ensemble ; utilisation par les « calfats » d'étoupe goudronnée pour garnir les joints et interstices des bordages de la coque ; ou, une fois les bateaux terminés, enduit de la coque extérieure de goudron végétal fin tant chez  les Grecs que chez les Romains,

 

En Buch, cela nous fait penser à la «pinasse»,« noire du colta d'autre­fois » que célébrait le poète testerin Gilbert Sore[58], à ce« pinus », comme au­raient dit ses lointains maîtres Virgile et Horace , lui aussi « coltaré » comme tout ce qui était en contact avec l'eau. Remarquons au passage que si Gilbert Sore précise « colta d'autrefois », c'est qu'il pense bien au goudron végétal et non au coltar-coaltar, de l'anglais coal, goudron de houille, apparu au XIX° siècle. C’est en effet en 1845 qu’ouvre à Bouliac près de Bordeaux, la première usine de « goudron de houille »

 

Ces coques coltarées, brayées, comme on disait à Bordeaux au XVI° siècle,  devaient être régulièrement raclées et les anciens récupéraient d'ailleurs ce vieux goudron pour, le réduire en une poudre qui servait encore à résorber les abcès.

 

Mais les coques n'étaient pas les seules à recevoir la bienfaisante poix, voiles et cordages aussi en étaient imprégnés, c’est d’ailleurs pour alimenter la corderie royale de Rochefort, qu’on tenta, on l’a dit, en 1663, d’introduire, sans succès, dans la forêt usagère la technique suédoise du hourn de gaze, qui se développa en Born et Marensin dans des forêts non usagères où le bois était abondant.

Les cordages, après avoir été desséchés dans une étuve, y étaient goudronnés par immersion dans une chaudière en cuivre rempli de goudron chaud puis placés sur un égouttoir. Si leur résistance aux tractions était moins forte que celle des cordages « blancs », elle était plus grande pour ceux qui devaient passer de l’eau au sec.[59] Cette activité de construction navale qui était localement très ancienne fut florissante au XVIII° siècle, comme en témoignent les deux tableaux ci-dessus, l’un concernant le nombre de bâtiments du quartier de La Teste[60], l’autre les professionnels utilisant ces produits.

 

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               59-   Bâtiments du quartier de La Teste 1719-1791               60-   Professionnels de la construction navale (1725 – 1813)

                             

On constate une forte proportion de petits bâtiments, chaloupes non pontées de 10 à 12 mètres à deux mâts inclinés vers l’arrière. portant à la pêche un équipage de 12 hommes et faisant du cabotage une fois la saison terminée,  (bien que La Providence, de 8 tonneaux signalée en 1763 soit certainement la première chaloupe pontée de l’histoire du bassin). Les autres bâtiments sont de taille moyenne, seuls se détachent 5 bricks, voiliers à deux mâts, muni d’une brigantine à l’arrière, 1 chasse-marée de 35 tonneaux (1783) petit voilier à 3 mâts, originaire de Bretagne, servant à la pêche et au cabotage et une barque de 72 tonneaux (1772).

On constate aussi que sur ces 74 années où furent construits 198 bâtiments,

20 se passent sans aucune construction, 23 avec une seule et que les années 1760 et 1763 connurent 10 lancements. La moyenne des années restantes s’établit donc à 6 par an, ce qui est peu, pour occuper tous les professionnels de la construction navale.

Les bateaux testerins avaient, en effet, une durée de vie importante, et quand ils ne cabotaient plus (2 à 3 voyages par an) ils étaient à la pêche. L’entretien de ces flottilles était donc important d’autant qu’il faut y ajouter les bateaux non immatriculés, le traitement des cabanes et de tous les édifices en bois des paroisses riveraines.

En 1725 le commissaire Rostan signalait 800 pinasses construites à clin, système dans lequel les bordages se recouvrent l’un l’autre, servant pour la pêche à l’intérieur du bassin, qu’il fallait aussi « brayer », auxquelles il ajoutait 13 barques de 12 à 20 tonneaux et 13 chaloupes pour la pêche en mer. Accrue par l’abondance de bois due à l’incendie de 1716, la production de brays, poix et goudron devait alors avoir assez de débouchés entre le bassin et Bordeaux et les autres ports.

 

 4-Importance économique.

 

Les produits résineux n’étaient pas consommés que sur place, ils étaient exportés soit directement par le port de La Teste (qui commercialisait aussi les produits venus du nord des Landes)  soit par Bordeaux[61]

61-

      Cabotage testerin de février à Décembre 1780

(2) nombre d’escales

     Cabotage testerin entre 1780 et 1817

1-   nombre d’escales

 

 

Le port comptait alors une trentaine de négociants au lieu de 3 au début du siècle et des  armements eux aussi en augmentation (42 de plus de 8 tonneaux entre 1771 et 1791 contre 12 entre 1712 et 1729.

Comme on le voit sur cette carte,[62] les exportations vers la Bretagne étaient les plus nombreuses, en particulier avec le port de Redon qui, avec celui de La Roche Bernard, connaît une activité de construction navale intense et dont les liens avec le bassin étaient étroits.

 

62-Les exportations de résineux à partir du port de La Teste à la fin du XVIII° (R.Aufan)

 

 

La forêt générait  donc une grande activité comme en témoigne cette dernière statistique concernant la période révolutionnaire[63] :

 

                                                    1780/89                         1796

Résiniers et charbonniers                   35                             95

Charpentiers de navire                          4                               8

Cordiers                                                2                               4

 

5- L’importance de la production au XVIII° siècle

 

Que produisait la Forêt Usagère ? Il est difficile, pour les époques anciennes, de l’appréhender. En effet les relevés d’expédition maritime, au départ de La Teste ou de Bordeaux sont toujours difficiles à interpréter car La Teste, on l’a vu, réexpédiait  des poix et résines issues des Landes, du Lot et Garonne et du Gers,[64]et que tout ne partait pas par la mer.

Au XVIII° siècle, une seule source est détaillée,

-la déclaration des « propriétaires » de 1751 à propos de l’affaire des fenêtres[65], qui indique une production de 1500 milliers, soit 15000 quintaux

Etant donné qu’à cette époque 40 pins sont nécessaires, en moyenne, pour obtenir un quintal de résine,( chiffres avancés par Villers en 1778[66]) cela donnerait une estimation de 600000 pins exploités

On voit à ce seul exemple combien il est difficile de se faire une idée car en extrapolant, d’après le nombre de tiges à l’hectare soit environ 143, cela nous donnerait, pour un massif qui, avant le grand incendie de 1716 représentait près de 7866 hectares, une superficie de 4195 hectares en 1751.

Cela paraît logique car il n’y a plus que la partie testerine , l’incendie ayant « coupé les deux montagnes »[67]

Pourtant, les calculs effectués d’après leurs dires (une fenêtre de 422 mètres carrés, c’est une perte de 4 quintaux) donneraient, pour obtenir la production totale qu’ils indiquent (1500 milliers soit 15000 quintaux) une superficie de …158 hectares ! chiffre invraisemblable d’autant que d’autres sources affirment qu’en 1746 la production avait repris même si Mr de Ruat, dans sa réponse[68] dit qu’il y a encore dans la Montagne « énormément de places sans pins où les fenêtres sont abandonnées »

Cet exemple montre bien la difficulté qu’il y a pour estimer la superficie du massif er donc sa production

 

C- L’évolution de la production aux XIX° et XX° siècles

 

1- Les ateliers testerins.

 

Il y a eu, on l’a dit, pendant toute la première moitié du XIX° siècle, coexistence entre les ateliers « urbains », les distilleries et fabriques du bourg et les ateliers forestiers, les premiers prenant le dessus avec l’apparition des « machines à vapeur » dont la première est autorisée en 1864.

L’évolution de la construction navale (fer puis de nos jours plastique) , l’apparition des produits chimiques (première entreprise fabriquant du goudron de houille à Bouliac en 1845[69], première fabrication de coaltar d’origine pétrolière en 1855 à Cenon)[70], la mise au point de nouveaux produits pour assurer l’étanchéité, y compris dans la construction en bois traditionnelle, ont donné un coup fatal aux productions traditionnelles même si, on l’a vu, quelques ateliers artisanaux se maintinrent assez longtemps en forêt.

Si l’activité fut encore importante durant tout le XIX° siècle, elle se déplaça de la forêt vers le bourg où les ateliers de distillation s’installèrent.

 

Le premier  « atelier de distillation » testerin, qui fut aussi le premier dans la région, apparaît vers 1810, aux Pigues, (entre les rues Gaston de Foix et Henri Dheurle). Il est créé par  Lesca fils aîné qui avait déjà, en 1808, lors des adjudications effectuées par la Commission des dunes, acquis des « escoubils » servant à faire le goudron (c’étaient, d’après Moureau[71],  les filtres de paille dans lesquels passait le galipot avant d’être transféré dans le barque), il avait aussi fabriqué de la térébenthine et mis au point la « colophane de plateau » ou « de soleil » en exposant ses brais secs au soleil pour les éclaircir, technique qui était encore utilisée après la seconde guerre mondiale

      

  

 

 

 

 63-Colophane en plateau exposée, au soleil pour la décolorer vers 1946. Contrairement à la légende, il s’agit bien de l’ensoleillement des plateaux de colophane, « l’enfutaillage » est à l’arrière- plan, à droite.[72]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Son atelier  ne fut  officialisé qu’en 1817, le 22 Février, par une ordonnance royale car au début il n’avait pas respecté le décret sur les installations classées : le décret date en effet du 15 Octobre 1810, en Novembre 1811 on y a ajouté les distilleries d’huile de térébenthine et tout cela a été repris dans une ordonnance de 1815.

           Suivront en 1821 la distillerie d’huile de térébenthine  de Bayle et Duha (au Baou, à l’ouest de l’église), celle de Dejean en 1824 (à l’angle de la route de Bordeaux et de la craste d’Arriet)[73], de Dumora en 1825, (au Cousseau, près de la craste d’Arriet,) et de Castera en 1826 (au lieu-dit Péllèle où il est propriétaire entre les rues Lhermitte et Pasteur).

Ces ateliers « distillaient » donc la résine mais il n’y a pas de description des installations

On sait que Castera possède un « alambic à essence de térébenthine », et que son entreprise et celles de Dejean et Dumora  comportent toutes des « fours à goudron »

 

En 1826 ces ateliers traitaient chacun 1265 tonnes de résine molle et de barras et exportaient vers la Bretagne leurs résine cuite, essence de térébentine et brays gras.

Plus tard d’autres industriels recevront des autorisations, reprenant souvent les ateliers existants : Conseil en 1863, Lestout en 1864 au Haou (il brûlera en 1889), Moureau (reprenant en I865 celui de Duha), la coopérative (en 1897 sur l’emplacement de l’atelier Dejean démoli en 1882), Boisot (en 1921 près de la gare).

Outre les résines issues de la forêt usagère, ces établissements traitaient aussi celles qui venaient des forêts privées . C’est ainsi que les résines des forêts Lesca, sur la presqu’île, traversaient au début du siècle, le bassin en bac à voile pour être ensuite déchargées sur le port de La Teste eafin de rejoindre rejoindre la distillerie située chemin latéral (rue André Lesca actuelle).

 

 

                                                       64-   Photo Gaby Bessières (collection « mémoire en Marensin »

 

 

2- A quoi servaient les produits résineux au XIX° siècle ?

 

La réponse la plus complète que j’ai trouvée est contenue dans une « Enquête du Ministère de la guerre sur   la reprise et le développement de la vie industrielle dans la région landaise »[74]. Rédigée en 1917, elle donnait une liste très détaillée de l’utilisation des produits résineux :

 

 

 

Essence de térébenthine 

-vernis, couleurs, peintures, cires, encaustiques, mastics, cuirs, graissage des étoffes                                                                                                                                    -médecine (hémorragies, rhumatismes, gouttes, coliques hépatiques, calculs, névralgie biliaires, ténia)

-art vétérinaire                                                                                                                                                   

Colophanes et brais :                           

-frottement des crins d’archet des violons

-encollage des papiers

-savons  

-encres d’imprimerie, noir de fumée

-lutte contre les gelées (en les faisant brûler)

Huile de résine pyrogénée                     

 -graisse végétale

 -revêtement des tonneaux de bière pour empêcher la fermentation                                                             

 -injection des bois

 -encres d’imprimerie et peintures

Résine jaune                         

-torches et chandelles

-collage des papiers

-soudure des métaux étamés

Pâte de térébenthine et galipot             

-vernis et cires à cacheter

-ocres lithographiques

-pharmacie (emplâtres)

-marine (peintures)

Brais noirs, brays  gras et goudrons  

-cordages

-coques et bois

-papiers et cartons « cirés »

Produits issus de mélange                 

-mastic de fontainier               (colophane+graisse+brique pilée)

-mastic de greffage                  (colophane+poix+suif+ocre en poudre)                                                           

-cire à cacheter les bouteilles  (colophane+poix+cire)                                                                                                                  

-luter les récipients en bois     (résine jaune+poix noire+suif)                                                      

 

La dernière distillerie à se maintenir fut la  Coopérative : l’usine située à l’emplacement de l’actuelle rue de la Gemme fut créée en 1897 à l’initiative du Dr Louis Lalanne assisté d’Edmond Castéra, d’Oscar Moureau et de Paul Daussy sous le nom de « Société coopérative des  propriétaires  forestiers de La Teste », elle ferma le 1° Mai 1977 et fut  remplacée, en 1982, par… un lotissement.

                       

                                                                 65-La coopérative des résineux de La Teste en 1954 (AM LT)

                          Sa cheminée  fume à droite de l’avenue du Général de Gaulle ; en arrière les tas de planches de la scierie Boisot.                                              

 

Les  deux productions de la Coopérative des résineux de La Teste de Buch qui traitait aussi bien la production de la forêt usagère que celle des semis, étaient la térébenthine et la colophane.

La première était utilisée comme solvant pour les peintures, vernis, encaustiques et cirage et on l’employait aussi dans l’industrie chimique

(terpines, huiles de pin, camphre…) ; quant aux colophanes elles étaient destinées aux savonneries, aux colles de papeterie, aux peintures, vernis, cires et poix.

 

4- Production et revenus des intervenants.

 

            a –les propriétaires,  usagers ayant pins.

 

Pour les périodes anciennes, il faut distinguer  l’ayant-pins qui travaille sa propre parcelle dont le genre de vie est assez proche de celui du résinier, et le bourgeois, souvent négociant, qui possède la parcelle et la fait travailler par un fermier. D’après les archives cela semble le cas le plus fréquent et de toutes façons c’est cette catégorie qui se manifeste la plupart du temps et mène les autres.

Au XVII° la seule indication est contenue dans une supplique  des habitants de Gujan qui se plaignent, le 3 mars 1639,[75] du montant de la taille par rapport à ce que payent les testerins alors que certains marchands de La teste (Caupos,Taffard) achètent les biens des gujanais et monopolisent production et négoce. Ils disent,  dans un autre document non daté, « on tient que  le seul  Caupos a 80 milliers de résine de revenu » ce qui, en tenant compte des prix pratiqués à Dax en 1631 (1 livre 5 sols le quintal) et en 1651 (2 livres 10 sols) ferait, selon la rumeur publique, un revenu compris entre  1213 livres 4 sols tournois et  2240 livres 8 sols selon les variations de prix des résines soit convertis en euros (valeur 2006) entre  1744 et 3314 euros[76].

 

En 1751, on a vu que les propriétaires disaient, que la forêt produisait 1500 milliers de résine ce qui, au prix de 30 livres le millier (en 1752) représente 45000 livres (soit 35100 euros) sur lesquelles la part du résinier s’élèverait au « 1/3 ou aux 3/4 » . Desbiey, quant à lui, parle de la moitié et le curé Brissac dit en 1779 que « 2/3 en sus va au résinier[77], sans compter la térébentine et le bray qui valent presque un tiers pour les résiniers » »!

          Quant aux goudrons et autres pègles et brays gras, leur part est infime  car les pins morts qui restent aux « ayant-pins » ne peuvent être que des pins abattus par les tempêtes (chablis) ou les pins incendiés. Dans tous les autres cas ils sont usagers. C’est pourquoi, si la fabrication des poix, pègle et goudron de caillou, utilisant les résidus du gemmage, était courante et vraisemblablement laissée, quand il y en avait,  au résinier-fermier, (bien qu’aucun texte ne le confirme), celle des goudrons coulants ne devait être active que dans des périodes limitées ; ce fut le cas après l’incendie de 1716, ce dut être aussi le cas après l’ouragan de 1802 qui abattit 5039 pins[78]à la suite duquel, Taffard de la Ruade déclara qu’il laissa au résinier « j’ai donné tout le bois abattu -de sa pièce des Montauzeys soit 570 pins- au résinier et j’y ai bâti un four à goudron », ce qui peut laisser penser que le revenu du four irait au résinier.

         Les difficultés quant aux estimations concernant ces périodes, outre l’absence de comptes individuels, c’est l’impossibilité de connaître, on l’a vu, la superficie de la forêt et le nombre de propriétaires,

C’est aussi le fait qu’on ne sait pas toujours  si les montants avancés sont des montants bruts ou des montants nets part du résinier et gemayre déduites.

 

              Nous possédons aussi la déclaration de Fleury Aîné, faite en 1791[79] pour le calcul de son imposition foncière. Il déclare environ 180 hectares[80] dont la totalité est affermée pour 80,5 milliers de résine. En reprenant les chiffres précédents cela représenterait près de 25740 pins gemmés et un revenu, le millier se vendant 65 livres,[81] de 5235 livres, soit 29 ,06 livres par hectare. Si l’on prend comme référence pour la valeur de la livre, celle de 1785, cela donnerait 21,79 euros par hectare.

Mais, la valeur de la monnaie ayant déjà chuté en ces premières années de la Révolution, c’est la comparaison avec les salaires perçus pendant cette période  qui permet d’avoir une idée de ce que cela représente : la même année, un ouvrier employé sur les semis de Brémontier touche 24 sols (2 livres, en prenant la livre bordelaise de 12 sols) par jour et un scieur de long d’Andernos 14 sols ; quant au garde des semis il touchait, en 1787, 350 livres par an.

 

 

Pour le  XIX° siècle un premier document intéressant, mais à prendre cependant avec précautions car en matière fiscale le contribuable a, de tous temps, tendance à minorer, est la protestation contre les taxes foncières faite en 1814, le 14 mai, par le Conseil Municipal. Elle détaille en effet les frais incombant aux  propriétaires  à savoir :

 

1 cabane pour le résinier (moyenne de 5 à 6 enfants)   …………  500

1 atelier pour stocker la production…………………………….. .   100

1 four pour cuire la résine………………………………………..     120

1 puits nécessaire au résinier et pour cuire la résine……………  500

                 soit un total de 1220 francs pour ces quatre objets qui peuvent durer 20 ans

Sur une production par an de 4 milliers de résine, à 45 francs le millier, cela donne sur 20 ans un revenu de 2380 (3600-1220) soit 119 F/an.

A déduire

Le louage d’une grande chaudière pour cuire la résine (3 F. /millier)…12

Le transport depuis la forêt chez le propriétaire..……………………       30

Le pesage pour l’octroi (1 F/millier)………………………………….          4

                  soit 46 francs par millier (500 kg ou 10 quintaux)

 

Ce qui, d’après ces conseillers, souvent  propriétaires, laissait un revenu net de 73 F par an, seule somme à considérer d’après eux pour le calcul des taxes, à quoi il faut ajouter les prélèvements pour l’usage (chauffage et construction).

Si l’on admet une stabilité du franc germinal au long du XIX° siècle, cela donnerait 56,20 euros. Pour produire ces 4 milliers il aurait fallu, en extrapolant  d’après les chiffres précédents, dans les 4000 pins soit un peu moins de 28 hectares soit une estimation de  2 euros par hectare ! Ce qui semble sous estimé.

                 Un autre calcul est possible à partir des chiffres de revenus (1681,33 francs) donnés en 1823 pour les 136 hectares incendiés l’année précédente[82]. Cela ferait  12,31 francs de l’époque par hectare soit, toujours selon les mêmes tables de conversion, l’équivalent de 9,47 euros.

                 Nous savons d’autre part qu’en 1836/37 la parcelle de Binette, dans la Petite Montagne d’Arcachon, rapportait à sa propriétaire Nelly Robert la somme de 300 francs soit un revenu en résine de  10 francs l’hectare  (7,69 euros): cela représentait rapporté à la valeur moyenne des parcelles  de forêt usagère[83], un rapport de 10 % par hectare.

                 En 1850, le revenu moyen imposable à l’hectare est estimé à 6 francs (4,61 euros) en forêt usagère[84] et la même année Bertrand Daisson, propriétaire à Labat du Porge (31 hectares) déclare un revenu brut de 4000 francs (soit 133 francs par hectare ) Il en déduit 1952,50 pour l’entretien ce qui lui fait un revenu net de 2047,50 pour trente et un hectares ou 66,04 par hectare (= 50,58 euros), chiffre qui semble élevé  à un moment où la barrique de résine ne vaut que 35 francs.

                Pourtant en 1860 où la barrique vaut 66 francs, un autre document donne un revenu net de 52,50 francs par hectare pour le propriétaire,(6,88 euros) ce qui, avec une densité de 150 pins par hectare, correspond à 3000 pins gemmés.

                 En 1862, le « rapport des propriétaires à la Commission de cantonnement » (déjà !) donne une production de 941919 kg soit 9419,19 quintaux et un revenu global de 117739 francs ce qui représenterait, en tablant sur la stabilité du franc au XIX°, environ 90648 euros, mais il faudrait avoir des résultats personnalisés pour se faire une idée.

Le rapport estimant la superficie à 3900 hectares de pins, cela donnerait un revenu par hectare de 23,24 euros. Mais le prix de vente de la résine est à cette époque au plus haut puisque la barrique de 340 litres est à 165 francs. Et le quintal de prosuits secs (brais et colophane) à 52 francs.

La guerre de sécession a en effet commencé aux Etats-Unis d’Amérique

tarissant du même coup les exportations de produits résineux que faisaient les états du sud, si bien que la barrique montera en 1864 jusqu’à 242 francs pour retomber ensuite très vite (45 francs en 1869), tandis que le quintal de produits sec se négociera alors entre 6 et 7 francs.

 

Ces sondages montrent que  la résine rapporte mais que  les revenus fluctuent selon les années car les cours sont très variables. D’autre part cela dépend aussi du rendement obtenu qui ne doit pas être uniforme : le nombre de pins gemmés, la façon plus ou moins intensive de le faire doit varier selon les parcelles. Enfin, il faut rappeler que la monnaie est, jusqu’au Franc germinal, souvent dévaluée.[85]

 

Un autre aspect à envisager c’est la valeur du capital forestier. L’examen d’actes notariés portant sur l’année 1846 donne les résultats suivants :     

 

                                   

66-                                      

 

Si la valeur du terrain en forêt usagère  est faible, c’est que les pins n’appartiennent pas au « propriétaire » qui ne  peut en retirer que les revenus  du gemmage. Par contre quand il s’agit de parcelles situées dans la Montagne d’Arcachon, leur prix, bien qu’il s’agisse toujours de forêt usagère, commence à s’envoler puisque, bien qu’illégales, les constructions de la future commune commencent à proliférer (on en compte déjà 32)[86]

 

 

 

 

b- Les  « gemmeurs ».

 

    -Leurs revenus

 

Que sait-on par contre du revenu des  arousineys ? Peu de choses pour les périodes anciennes où le produit sortant de la forêt était la rousine cuite dans une chaudière.

 Les 46 gemmeurs testerins représentaient, en 1746, 12,77 % des chefs de famille présents pour ratifier la nouvelle transaction. Même s’ils n’étaient plus que 35 dans la période  1780/89, ils représentaient encore 16,9 % des métiers masculins et leur nombre monta à 103 en 1796, dont 8 résinières.

Ils étaient pour la plupart liés aux  propriétaires, souvent négociants,  par des contrats de fermage. Ainsi en 1755 Jean Baptiste Peyjehan donne à ferme à Jean Taffard dit Lahillone, la pièce de la Montagnette, avec la cabane et ses dépendances, lequel doit fournir 4 milliers(1956 kg) de résine par an, pour une valeur de 100 livres.

Ces contrats prévoient  parfois l’obligation de se fournir en « bleds » chez ce même propriétaire. C’est le cas en 1777[87] de Bernard Dessans devant, pour les pièces des Péchious et des Taulette, à Nicolas Taffard, Conseiller en la Cour des Aydes de Guienne, 7 milliers (3423 kg) de « résine bonne belle et de satisfaction » prise au four chaque année et qui devait se fournir chez lui de 8 boisseaux[88] de blé par an, « dont le prix sera retenu sur le compte des résines » mais pouvait par contre « disposer des brays et térébentines qu’il fera venir ».

Autre contrat, celui qui lie le même Nicolas Taffard à Jean Senturenne pour les pièces de Chicoy Bougès, Broustics et Monscitrans[89], affermées pendant 5 ans pour la somme de 195 livres. Il doit fournir 10 milliers (4890 kg.) de résine par an et acheter chez Taffard 10 boisseaux de blé seigle.

Plus tard, en 1844[90], Joseph Desgons afferme, pour 9 ans, ses pièces des Deux Hourns et Braouet avec  « cabanes, barques, fours, chaudières puits et autres » aux conditions suivantes :

-« ils cultiveront et soigneront en bons ménagers et père de famille »

-ils livreront au I° janvier, 3700 kg de résine cuite pour les deux Hourns et 750 pour le Braouet « bonne, pure et marchande »

-deux paires de bécasses par an à la Saint Martin.

Il est noté que le four des Deux Hourns fait partie du bail, à charge pour  les preneurs de le tenir en bon état de réparation locative et de fournir en Juillet  8 stères de charbon de bois en provenant soit en nature soit  en argent au choix de Desgons.

Comme un four traditionnel n’aurait pu fournir de telles quantités de charbon de bois, il s’agit donc toujours du four de type suédois construit à Sanglarine en 1663 !

En outre il se réserve le droit de faire payer tout individu qui puisera de l’eau au puits des Deux Hourns.

 

Le fait de donner des paires de bécasses se retrouve souvent, les bourgeois se comportant ainsi comme l’ancien Captal…et, quand les pièces affermées se trouvent en bordure du lac, ce sont souvent des poissons qui sont ajoutés : ainsi la même année, JM. Ostinde  Pontac et J. Dejean exigent en plus des 650 kg de résine et des 2 paires de bécasses portées à leur domicile pour la St Martin, 20 kg de  brochets pour la pièce de Maubruc[91]. L’ensemble étant estimé à 80 francs par an.

Comme on le voit ces contrats de fermage prévoient souvent, en plus du loyer en nature (milliers de résine) des compléments en argent. Le résinier disposait en général des autres produits (thérébentine de soleil ou poix) qu’il pouvait donc vendre (le plus souvent au même négociant-propriétaire) et des produits de la chasse ,bécasses (24 sols la paire en 1761) et autres gibiers. Mais, les prix étant fixés par le négociant, ils se trouvent de plus en plus sous sa coupe et leur rythme de travail est conditionné par les quantités qu’ils doivent livrer : souvent aidé de sa femme et de ses enfants, un résinier peut, d’après le naturaliste Jean Thore (1862-1825), « sortir » il  2500 Kg par an de résine.

 

Nous ne savons pas grand chose du mode de vie de ces résiniers mais quelques témoignages permettent cependant de s’en faire une idée

 

-Portraits et mode de vie.

 

Au début du XVIII° siècle, Claude Masse décrit ainsi ceux de la Montagne de Lacanau :

 « Les résiniers sont des hommes, à faire peur à voir tant par leurs habits que par leur langage rustique et sauvage. Parlant d'un mauvais gascon ils sont ordinairement jam­bes et pieds nus et ont sur la tête une toque ou baret n'ayant ni cravate ni collet. Ils se couvrent le corps d'une dalmati­que brune avec un capuchon et au dessus un juste au corps et une culotte le plus souvent de peau. Ces pauvres mal­heureux habitent les bois de pins dans de petites maisons ou cabanes bâties de planches ou de colombages avec de la terre, ne croissant point de pierre dans toute la côte du Médoc. Les plus aisés ont quelques cochons, chèvres, va­ches, bourriques, petits chevaux et quelques mouches à miel qui est le grand revenu du pays. Mais la plupart manquent de fourrage pour la nourriture de leurs bestiaux, ne crois­sant pas d'herbe dans les pins. Ils ont peu de volailles par­ce qu'elle se perd dans les bois ou que les renards, fouine ou oiseaux de rapine les mangent. Les œufs de ces volailles sont d'un mauvais goût et sentent la résine. En un mot ces pauvres malheureux sont dignes de compassion de même que leurs familles. Il n'est point étonnant que leurs fem­mes et enfants se cachent quand ils voient des hommes avec leurs chapeaux ne voyant du monde que les diman­ches quand ils vont au service divin; souvent leurs parois­ses sont éloignées d'une lieue ou deux; il n'y a que le curé qui est en chapeau.

Les résiniers se nourrissent aussi mal qu'ils sont ha­billés, ne mangeant que de très mauvais pain de seigle et quelque peu de bled d'Espagne. Ils font la soupe avec de l'eau et du sel et pour graisse de l'huile d'olive puante qu'ils trouvent la meilleure et quand ils ont de l'ail et (ou) de l'oignon, ils s'estiment très heureux car ils mangent peu de viandes. Quand ils viennent à Bordeaux ils achètent un pain blanc qu'ils mangent avec leur pain noir au lieu de fromage ou de viande et quand ils aperçoivent quelqu'un qui mange le pain blanc seul sans le mestre avec le pain noir, ils l'appellent : « gourmandasse qui maindge le choigne sans pain», c'est à dire gourmand qui mange le pain blanc sans le mettre avec le pain noir qui est le plus mauvais. Il y a de ces peuples qui n'ont jamais mangé de beurre ni de fromage, ne le sachant pas faire, surtout celui de vache ; ils en font quelque peu avec du lait de chèvre ou de brebis qui est très mauvais. Ils mangent généralement tout à l'hui­le puante comme il est dit cy devant et ils disent de l'autre huile «Ah quel holi ne vaut rien en sant pas» qui veut dire que l'huile ne vaut rien parce qu'elle ne sent pas (mau­vais), ce qui est très mauvais ragoût pour les pauvres étran­gers »

 

Bien qu’étranger au pays, ayant tendance, comme souvent, à considérer les indigènes comme des sauvages, Claude Masse n’était certainement pas loin de la réalité car deux siècles plus tard, à la fin du XIX° siècle, voici le père du poète Gilbert Sore[92] :

 

Très jeune Landais de Moustey            La cabane sent la résine ;

Mon père s'en vint à La Teste              Six jours de semaine durant

Loué par un « arrousiney »                 Il vit de pain, d'eau, de sardine

« Sec coum un paou, la came leste.    Dans un silence murmurant.

Alors, le pitey sur l'épaule,                 Il est vaillant, il ne complique

Des matines à l'angélus,                     Ni son esprit, ni sa raison,

Son hapchot chante, siffle, miaule     Fait couler soixante barriques

Pour couper les pins du Natus.          Dans le cours de chaque saison.

 

                             Mais le dimanche tout l'attire

                            Au bourg: il fréquente le bal,

                            Il sait danser, plaisanter, rire.

                            Ah! ce dimanche quel, régal !

                           Il voudrait prolonger la fête.

 

 

Voici un autre témoignage celui d’Alexis Baillon qui résinait à la fin du XIX° siècle[93] :

« Mon père…pica les pins d’abord à La bat du loup ensuite aux Tioules. Il avait une maison à La Teste au quartier du Dadé…mais nous n’y venions que tous les quinze jours, vivant le reste du temps dans notre cabane de la Grande Montagne.

Certaines nuits, pour améliorer le pauvre ordinaire du foyer, mon père partait de la cabane pour aller à la côte pécher à pied à la « haille », c'est-à-dire au flambeau. Portant sur son dos lou haillas (grill muni d’une longue tige sur lequel brûlait un feu de tède pour attirer le poisson, cet instrument était fixé au pêcheur par des courroies), lou salé ( foëne à six ou sept dents , un sac rempli de tède ( partie la plus résineuse du pin), un autre sac pour mettre le poisson, une bouteille d’huile qui lui servait à calmer la surface de l’eau quand la mer était agitée, enfin un petit casse croûte. Après avoir effectué dans la nuit six à sept kilomètres sur les chemins tortueux de la forêt, il arrivait à Dulet et n’avait plus qu’à escalader la dune pour être sur la plage, car c’était au pied de la grande dune du Pilat qu’on prenait les plus belles soles. Il marchait toujours pieds nus et la plante de ses pieds n’était plus qu’une corne dure….

Ma mère travaillait aux pins comme mon père.

Tous les quinze jours, nous faisions les dix kilomètres qui séparaient la cabane de notre maison de Dadé, mon père un fagot de bois sur le dos et ma mère portant un sac de pignes et de galips…. Le soir venu, tout le monde regagnait la cabane dans la nuit chargé des provisions pour la quinzaine. Le foin pour la vache, le grain pour les poules et le vin étaient apportés par mes grands parents paternels…qui avaient un mulet…

Notre pauvreté obligeait ma mère à supprimer toute gourmandise de nos repas sauf …à Carnaval (un grand plat de crêpes) et à la Pentecôte (une tarte avec de la crème au lait)…cependant de temps en temps nous avions une cruchade. »

 

Des gens pauvres donc mais pas des « sauvages » bien que ceux du dehors aient continué de les voir d’un œil citadin, ainsi, en 1839, le baron De Mortemart[94] dit que le résinier « est presque aussi sauvage que le berger landais mais sa maison de bois, au milieu des forêts de pins, est entourée d’une vigne qui vient festonner sa corniche ; son petit jardin a quelques pêchers, un puits d’eau potable sert à désaltérer sa famille ;il a parfois une vache qui fait la richesse de sa demeure et toujours des porcs sauvages qui vont, le jour, chercher leur vie dans la forêt et rentrent avec lui, le soir, dans l’habitation commune …

Cet homme est ordinairement agile et adroit, sans ces deux qualités il ne pourrait remplir son office (utiliser le pitey)

C’est aussi l’opinion, la même année du Comte de Bonneval qui écrit  « il existe encore une autre espèce de sauvage qui habite les forêts de pins (mais) l’intelligence des résiniers est plus développée que celle des bergers » ![95]

Le sommet sera atteint, en 1906, par François Daleau[96] qui, visitant la cabane de Courpeyres y voit « un de ces hommes, nu-pieds, assis près de l’âtre sur un escabeau rudimentaire  (qui) prit un tison avec ses orteils, le porta à sa main, le saisit et en alluma sa pipe » et le voyageur note « préhension simienne » (semblable à celle des singes !) ajoutant « ces primitifs m’ont fait entrevoir ce que devaient être, il y a quelque mille ans, les lacustres de l’âge de la pierre polie » ! 

Il est certain que le physique des  résiniers se ressentait de la dureté de leur travail, c’est ce qu’avaient remarqué les médecins locaux, Jean Hameau qui, en 1807[97], les décrit « petits, maigres, d’un teint basané » contrairement au « beau coloris et aux formes agréables que l’on voit aux marins » et Auguste Lalesque, en 1835[98], ce sont des êtres « pâles, maigres, terreux, presque imberbes, petits et débilités, vieillis prématurément »

 

En ce qui concerne leurs cabanes, outre les dessins toujours précieux de Léo Drouyn, comme celui-ci de 1851, il y a, par l’Abbé Mouls, en 1860, l’évocation de la cabane « proche de Notre Dame d’Arcachon » telle qu’elle était au début du siècle. « chaumière, mi bois mi moellons ferrugineux du pays, à peine crépis, couverte de tuiles…une porte basse au sud, deux pièces séparées par une mauvaise cloison de bois. » L’une, la cuisine, comporte une cheminée sur le mur ouest, sans pieds droits elle est soutenue par un manteau de bois. Les chenets sont « deux pierres des landes » c'est-à-dire des garluches. Comme mobilier il n’y a que des étagères soutenant la vaisselle en bois, un pétrin et un tabouret constitué d’une planche sur 3 piquets. » ; sur le mur nord sont suspendus les outils : « pitey, hachettes, pelles »

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                                                          67-Cabane en forêt- Léo Drouyn 1851 (CLEM)

 

Quant à la chambre, il y a « aux deux encoignures deux lits en forme de coffre sans rideaux avec une paillasse, un drap de serge grise et une couverture de coton. ». Il ajoute que la charpente est à nu et qu’il n’y a pas d’entablement à la jonction avec les murs, ce qui donne « lumière et circulation d’air ».

 

Quarante ans plus tard, en 1904, Durègne de Launaguet, à son tour décrit une cabane et ne constate guère d’évolution. J’ai illustré son texte par une gravure de Kauffmann publiée en 1890 dans  son « Tour du monde »

 

 « L’habitation se compose en général de deux pièces, l’une servant de dortoir, l’autre de salle commune où l’âtre rustique est alimenté à profusion. C’est dans cette pièce tapissée de naïves images ou de journaux illustrés que sont suspendus les outils du résinier ainsi que sa vaisselle primitive où figurent des cuillers, des plats, des récipients fabriqués par l’habitant lui-même en bois de chêne ou d’arbousier.

A côté un abri rustique pour la vache ou l’âne ; le poulailler est installé dans un arbre à cause du dangereux voisinage des renards, les lapins gambadent tout autour en liberté, un petit jardin potager, quelques arbres fruitiers, des ruches, l’ombrage de quelque gros chênes complètent ce tableau. »

Visitant la cabane des Ledouneys, il signale une chambre de plus avec 2 ou 3 lits faisant corps avec la charpente et le tchitchoun (le lard) pendu dans la salle commune.

Le mobilier et les ustensiles étaient rudimentaires, c’est ainsi que François Daleau ne remarque dans la cabane des Courpeyres que des objets fabriqués par les résiniers eux-mêmes « la thieure, cornet d’appel, tube cylindrique conique en bois de pin creusé grossièrement ; le saley de boy, écuelle soupière en bois de chêne et les peychottes, cuillères en arbousier à manche plat

Rien n’a beaucoup changé au fil des temps, ce qui explique en grande partie l’évolution  de ce milieu autrefois testerin qui a, on va le voir, a compté de plus en plus d’immigrés.

 

 

 

5-  La fin du gemmage.

 

a- L’évolution de la production

 

Au XX° siècle , les statistiques publiées ne concernent que la période 1946/1977 date de la fermeture de la Coopérative des résineux de La Teste et montrent une production irrégulière.

Cette fermeture a été le résultat de l’évolution du commerce international et de la concurrence de certains producteurs étrangers tels que la Chine, le Portugal et l’Amérique du Sud : la France important alors des produits résineux, par exemple mexicains, qui revenaient moins chers que les produits locaux !

 

      

                   68-Graphique de l’évolution de la production de gemme de 1946 à 1977 (R.Aufan)

                      

 

De plus les produits qui sortaient de l’usine de La Teste (colophanes et térébenthines) étaient de plus en plus concurrencés par les dérivés pétroliers, ainsi le white spirit de moins bonne qualité mais bien moins cher que la térébentine !

 

 

b- L’évolution démographique

 

La fin du gemmage  est donc le résultat d’une situation économique qui laminaient les revenus des « ayant-pins » et ne laissaient que peu de revenus aux gemmeurs souvent étrangers.

Seules 58% des 140 parcelles étaient gemmées en 1970, elles n’étaient plus que 34 % en 1977.

D’après les chiffres fournis par le SRAF, il y avait 23  propriétaires – exploitants  contre 120 résiniers salariés en 1960, nombres réduits à 6 et 8O en 1970 puis à 2 et 31 en 1977.

Une autre source, celle du syndicat des résiniers[99], donne pour la même période  77 résiniers (mais elle englobe, en plus des chefs de famille, tous les membres qui travaillent, ce qui explique la différence). Elle ne relève toujours que 2  propriétaires exploitant  et seulement 12 français soit 15,5 % de l’effectif.  Quant à l’âge moyen des résiniers  encore en activité il était de 60 ans pour les français contre 35 à 40 ans pour les étrangers.

Cette situation traduisait le peu d’attractivité d’une profession dont les revenus permettaient à peine de vivre.

 

c- L’évolution économique

 

Entre 1969 et 1978, d’après l’étude menée en 1979 par la SEPANSO et l’UER L’homme et son environnement, les salaires bruts par hectolitre du gemmeur s’élevaient en francs à

 

 1969-70         52                                           1973-74        77,16

  1970-7I         54,60                                       1975-76        97

  1971-72        60                                            1976-77      115

  1972-73        65,80                                       1977-78      120

 

 

Ces chiffres correspondaient au salaire brut augmenté des congés payés et de l’indemnité correspondant au I° Mai et diminués des cotisations sociales. Leurs fluctuations dépendaient du prix de vente de la gemme calculé en fin de campagne, le gemmeur recevant en cours d’année des acomptes.

Une moyenne de 6000 pins gemmés et une production de 120 hectolitres donnait au résinier un revenu net de 2200 francs par mois.

Quant aux  « ayant-pins », l’effondrement des cours fait que pendant la dernière campagne 1976-77 ils ne touchèrent que 11,56 francs par hectolitre.

A titre d’exemple voici les revenus d’une parcelle de forêt reconstitués d’après des archives privées .Les sommes indiquées sont en francs et le bénéfice devait être partagé, par le gérant, en… 17 parts inégales. Il est d’ailleurs  intéressant de remarquer l’augmentation importante de la production lors de la dernière campagne

 

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En 1976, la décision du gouvernement de limiter autoritairement la production  afin de décourager les exploitants de continuer dans cette voie provoqua une crise qui entraîna en 1977 la fermeture de la Coopérative testerine.

La situation continua à se dégrader , c’est ainsi qu’en 1982, d’après un reportage du journal Sud-ouest, un des derniers gemmeurs de la forêt qui produisait 18000 litres par an en exploitant 6000 cares, gagnait tout compris 2,81 francs par litre soit un peu plus de 50.000 francs par an .

Quant au propriétaire le même article disait qu’il lui revenait 20 centimes par litre, soit, sur la même base 3600 francs.

Cette gemme était traitée par la coopérative de  Biscarrosse qui l’achetait 2,64 francs le litre, le coût de production revenait à 3,88 francs et le Fonds d’Organisation et de Régularisation des Marchés Agricoles garantissant un prix de 5,03 francs, comblait la différence  entre le prix « français » et celui, plus bas, du marché mondial.

Après 1977 et  pendant quelques années encore, la gemme testerine fut donc transportée à Biscarrosse puis le gemmage s’arrêta définitivement

C’est cet arrêt du gemmage qui donna le coup de grâce à l’ancien statut usager de la forêt.

 

En effet ce systèmes était économiquement basé sur l’équation suivante : aux uns, les «  ayant-pins », le sol, les cabanes et la gemme, aux autres, les usagers non ayant-pins, le bois.

La disparition de la gemme faisait que ce statut devenait irrationnel, l’ayant-pins qui n’avait plus de revenu continuait à payer les cotisations de la Défense Forestière Contre les Incendies et l’impôt foncier. Des sommes certes modiques (14 francs par hectare pour la DFCI en 1998, et 7 francs pour la taxe foncière)  mais le refus des autres parties prenantes de tirer les conséquences de cette situation en trouvant pour les  propriétaires  un revenu de remplacement poussa une majorité  d’ayant-pins à préférer, face à cette impasse, exploiter la forêt pour le bois.

 

Mais pour cela il fallait cantonner, c’est à dire, on le verra, supprimer le statut usager ; or la procédure judiciaire qui fut alors lancée n’est, 30 ans plus tard, toujours pas terminée… !

Cette décision hâta d’ailleurs la fin du gemmage. En effet comme il fallait prouver que la forêt ne rapportait plus rien, la plupart des résiniers furent remerciés comme en témoignent de nombreuses lettres quasi identiques reçues par les résiniers entre  décembre 1977 et Janvier 1978.



 

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Notes du Chapitre III

 

[1] AD Bordeaux. Archives du notaire Taffard-13 Juin 1702

[2] Bibliothèque Nationale, fonds Lacroix.

[3] J.Lombard, Commissaire à la marine à Bordeaux, Procès verbal de visite, 1672

[4] Masse : « Mémoires et remarques que le sieur Masse, ingénieur ordinaire du Roi, a fait en levant les cartes de partie de la Basse Guienne… » Bibliothèque de l’armée de terre. Vincennes.

[5] AD Bx C 4267 Folios 203 à 206

[6] Témoignage de Fernand Baillon. SHAA, Bulletin N°35. Le taillandier de Biscarrosse s’appelait M. Dubos.

[7]  Eloi Samanos, « Traité de la culture du pin maritime » BM Arcachon.

[8] AM La Teste.

[9] J.H.Ricard « Au pays landais, exploitation des produits résineux » 1911. BM Arcachon.

[10] Anonyme : « Une saison chez Legallais » manuscrit édité par la SHAA en 1997. (Collection particulière)

[11]  Voir Robert Aufan «  La naissance d’Arcachon, de la forêt à la ville1823-1857 » SHAA 1994

[12] Pierre de Crescenzi « Livre des profits champêtres » Bibliothèque de l’arsenal. Ms 5064. Paris.

[13] Henri Louis Duhamel Dumonceaux, « Traité des arbres qui se cultivent en France » 1755. BM Bordeaux.

[14] « La nouvelle  maison rustique » 1755 T.1page 996. Cité par Ch. Beauredon –Bul. de la Société de Borda -1910-11.

[15] « Cahier des charges pour l’extraction des résines »   1839- BM Arcachon

[16] Dr Aparisi Serres : « Centenaire de l’invention du pot à résine par Pierre Hugues » Société de Borda-Dax-1946

[17] Dictionnaire de langue française d’Emile Littré, article « auge »

[18] Dorgan « Histoire des Landes » 1846 – BM. Arcachon

[19] Bissérié : «  Rapport de la commission de cantonnement à la société des propriétaires » de Forêt Usagère. BM Arcachon.

[20] Cuzacq « Prix des matières résineuses sur le marché de Dax » Société de Borda 1901.

[21] Amédée Boitel « Mise en valeur des terres pauvres par le pin, maritime » 1857 Paris. V.Masson- BM Arcachon.

[22] Ausone. Epitre IV à Théon.

[23] Dion. « Histoire de la vigne »

[24] Le récit de son excursion sur les bords du bassin a été publié en Mars 1928 par la Revue Historique de Bordeaux

[25] Citées par l’abbé Petit « Le Captalat de Buch pendant la Révolution française » Bordeaux, Féret, 1909

[26] Claude Perrault « Voyage à Bordeaux », édité par C. Bonnefous, 1909. BM Arcachon

[27] Op.cit.

[28] AD Bx C 4267 Registre des délibérations de la Chambre de Commerce, Juin 1709

[29] Notaire Mesteyrau, 28 Novembre 1623. Sentence arbitrale de 1792, annexe.

[30] Abbé Baurein. « Variétés bordelaises » 1786. Edition Féret Bordeaux 1876

[31] Jacques Bernard « Navires et gens de mer à Bordeaux vers 1400-1550 » (appendices). Paris  1968.

[32] AD Gironde 3 E 8373

[33] AD Gironde 3 E 4800

[34] AD Gironde 3 E 2485/87

[35]  Cité dans la sentence arbitrale de 1792

[36] AD Gironde 3 E 2483/98

[37] Il publia en 1776 un  « Mémoire  sur la meilleure manière de tirer partie des landes de Bordeaux »

[38] Location  du 23 Juillet 1772 à M de Verthamon d’Ambloy.

[39] AD Gironde 3 E 29637

[40] Le millier représente 10 pains de  rousine ou de brai soit 489 kg, il équivaut à 10 quintaux de 48,5

    Kilogrammes  chacun ou à 1 cas.

[41] AN D 250 Marine, Mémoire du Sieur de Rostan, 13 novembre 1725.

[42] Ch. Huetz de Lemps « Géographie du commerce de Bordeaux à la fin du règne de Louis  

    XIV »Paris 1975

[43]  AD Gironde 5 M 421.

[44] AM Bordeaux Fonds Delpit Ms 612 (ph. AM Bx)

[45] R.Aufan et F.Thierry « Histoire des produits résineux landais » SHAA I990.

[46] Henri Louis Duhamel Dumonceaux « Traité des arbres qui se cultivent en France » 1755. BM 

    Bordeaux.

[47]  J.Bernard, op.cit.

[48] AD Gironde C 8371

[49].Les ravages de l’ouragan sont relatés dans AD Gironde M 16 Correspondance Préfet

[50] AD Gironde C 1640

[51]  Mémoire du sieur Martin  AN Marine B 355

[52]  Les résultats des fouilles archéologiques ont été publiés dans les bulletins de la SHAA N° 15

     (1978 Le Becquet) 21 (1979 Les Baillons), 30 (1981 Mouréou) 33 (1982 Le Pilat). La fouille du

     four du Jaougut  (XIII° siècle ?) n’a pas été publiée.

[53] Pierre Jean Labourg « Les sols à débris de cuisine de la grande dune du Pyla » SHAA bulletin

    N°3, 1973.

[54] Ces derniers grâce à M. Claude Lafon

[55] Le texte qui suit est repris de celui que j‘avais composé pour l’ouvrage, aujourd’hui épuisé, sur

     « Histoire des produits résineux landais » (SHAA.1990)

[56]  « Enquête du Ministère de la Guerre sur la reprise et le développement de la vie industrielle dans

     la région landaise » 1917 – BM Arcachon.

[57] Dr F.Lalesque « Arcachon ville de santé »Paris 1919. BM Arcachon

[58] Gilbert Sore « Le parc d’Arams » in « Une voile sur un pin » Taris, Bordeaux, 1965

[59] Jacques Gay. Université francophone d’été - Jonzac 1987.

[60] D’après les relevés de bâtiments dans les archives de la Marine à Rochefort (12 P 2)

[61] Ce tableau  a été établi d’après une lettre de G.Desbiey (AM Bordeaux fonds Delpit Ms 132) et

    l’indication de production de 1751.

[62] Carte établie d’après les rôles d’armement au cabotage conservés aux Archives de la Marine de

    Rochefort.

[63] D’après J.Cavignac « Le bassin d’Arcachon à la fin du XVIII° » FHSO - Bordeaux 1977

[64] Lettres patentes du Roi en date du 14 Janvier 1616 ; citées par l’Abbé Petit in « Le captalat de

    Buch pendant la Révolution française »Bordeaux Féret 1909.

[65] AD Gironde C 3671. Il s’agit d’une protestation des ayant-pins contre les résiniers accusés de détruire beaucoup d’arbres en faisant des fenêtres.(interdites depuis 1718 pour, après le grand incendie, reconstituer la forêt. Les résiniers  sont soutenus par …le captal ! En effet il récupère sur chaque fenêtre  « 2 paires de bécasses vendues 24 sols la paire »

[66] BM Bordeaux, Manuscrits 828 XLIII Mémoires de Charlevoix de Villers

[67] AM Bordeaux Recueil des plaidoyers 1818-20 :Indication donnée un siècle plus tard lors d’un procès entre Peyjehan et Lauzac de Savignac, le 22 juillet 1818.

[68] AD Gironde C 3671 lettre du 28 janvier 1752.

[69] AD Gironde 5 M 349

[70] AD Gironde 5 M 375

[71] Op. cit.

[72] AM La Teste

[73] AD Gironde 5 M 421

[74] BM Arcachon

[75]  AD Gironde H Jésuites collège 120

[76]  Ces calculs ne sont que des estimations mais qui donnent cependant des ordre de grandeur. Ils ont été obtenus en prenant les équivalences établies en 1982 dans le N°50 de la revue l’Histoire (valeur de la livre tournois en francs de 1803 (franc germinal), par M.J.Monvoisin dans « Découverte du monde contemporain »pour l’équivalence entre le franc germinal et le franc de 1981 (multiplicateur de 2,35) enfin par l’INSEE  pour l’équivalence entre le franc de 1981 et l’Euro (multiplicateur 0,32762).

[77] AD Gironde C 308 lettre du 22 Juillet 1778.

[78] AD Gironde, M 16 Correspondance Préfet.

[79] AD Gironde, 4 L 157.

[80] Estimation d’après la superficie de ces mêmes parcelles sur le cadastre de 1822 .

[81] AD Gironde 4 L 135

[82] AM La Teste.

[83] Robert Aufan « La naissance d’Arcachon, de la forêt à la Ville 1823-1857 » SHAA I994, page 73.

[84] Expertise cadastrale présentée au Conseil municipal.

[85] Les tables de conversion utilisées donnent les résultats suivants. Ce ne sont peut-être que des approximations, mais comme j’emploie toujours les mêmes cela donne une échelle de valeur crédible :           

                   Valeur de la livre tournois en

 

Année

Franc de 1803

Franc de 1981

euros 2006

 

 

 

 

1493

5,47

12,85

4,21

1513

5,16

12,12

3,93

1519

4,82

11,32

3,71

1533

4,33

10,17

3,33

1561

3,79

8,9

2,91

1577

3,15

7,4

2,42

1602

2,92

6,86

2,24

1615

2,7

6,34

2,07

1641

1,9

4,46

1,46

1666

1,88

4,41

1,44

1702

1,51

3,54

1,16

1713

1,28

3

0,98

1726

1,02

2,39

0,78

1785

0,98

2,3

0,75

                                          

[86] Voir mon site internet « naissancedarcachon@free.fr »

[87] AD Gironde 3 E 29637

[88] Le boisseau testerin est égal à 7,25 boisseaux de Paris soit 92,04 litres

[89] AD Gironde 3 E22656 du 16.09.1775.

[90] AD Gironde 3 E 25166

[91] AD Gironde 3E 2566 6 mai 1844

[92] Gilbert Sore « Une voile sur un pin » Bordeaux-Taris-1965.

[93] Ce témoignage recueilli par M. Edgar Courtès a été publié dans le N° 35 du bulletin de la SHAA

[94] Baron de Mortemart de Boisse-« Voyage dans les landes de Gascogne » 1839- BM Arcachon.

[95] Comte André de Bonneval, Directeur du comité de colonisation de La Teste « Tableau pittoresque

    des Landes du Bassin d’Arcachon »

[96] F.Daleau « Excursion aux étangs girondins » Société Linnéenne de Bordeaux 1906.

[97] Jean Hameau « Etude sur la topographie physico-médicale de La Teste de Buch » Montpellier

    1807.

[98] Auguste Lalesque « Topographie médicale de La Teste de Buch » Paris. Baillères.1835

[99] AM La Teste