Robert AUFAN, (robert.aufan@orange.fr) est seul titulaire de l'intégralité des droits d'utilisation et d'exploitation des textes et des  documents personnels (schémas, cartes, photographies…) utilisés sur ce site. Ces fonds sont exclusivement réservés à un usage non commercial. Toute utilisation à des fins d'édition est donc rigoureusement interdite. En tout état de cause, toute diffusion des documents devra comporter l’indication d’origine.

 

 

 

 

Chapitre V : Vers le cantonnement 1963-1985

 

Les conflits qui ont eu lieu  depuis 25 ans dans les enceintes administratives et judiciaires ont complètement

paralysé le système. Le récit que je vais en faire est basé sur ce que j’en ai connu par ma participation aux commissions,

 tant à La Teste qu’à Bordeaux ou  Paris ainsi que sur les documents mis à ma disposition.

Mais  cela reste, tout en essayant d’être le plus objectif possible, un simple témoignage. Beaucoup de choses

se sont sans doute passées « en coulisses » ne laissant aucune trace et  je n’ai pas eu accès à la totalité des informations chaque partie, étant donné les conflits en cours, gardant souvent secrètes ses interventions.

 

I-  Les causes de la demande de cantonnement

 

       L’idée du cantonnement, utilisée pour la première fois pour résoudre le cas très particulier d’Arcachon, fut ensuite reprise deux fois sans succès : en 1863 fut présenté à la « Société des propriétaires » un rapport sur le cantonnement qui n’eut pas de suite[1] et, en 1894, on l’a vu, deux habitants Sémiac et Brannens furent déboutés d’une demande de cantonnement partiel pour des terrains qu’ils possédaient en bordure…du lac de Cazaux.

 

Il fallut donc attendre le 5 Septembre1977 pour  voir réapparaître cette idée sous la forme d’une proposition « amiable » assortie d’un ultimatum : un mois  pour répondre avant le déclenchement de la procédure judiciaire !

Cette attitude intransigeante peut paraître incompréhensible un an après qu’une nouvelle transaction permettant, malgré ses imperfections, de gérer la forêt, ait été établie par une commission mixte (Communes – propriétaires), adoptée à l’unanimité puis votée par les Conseils municipaux.

Mais cela s’explique par des causes extérieures : l’action menée par les « cercles forestiers » régionaux depuis 1963 et le procès de Biscarrosse, et leurs conséquences locales : le changement de responsables chez les  propriétaires ayant pins.

 

A- L’action des cercles forestiers régionaux

 

 

Tout s’accélère en effet à partir de 1963 quand est votée une loi « pour l’amélioration de la production et de la structure foncière des forêts françaises », et que c’est aux Centres Régionaux de la Propriété Forestière (CRPF) qu’est confiée, en 1966, la mission de proposer les orientations.

 

 

1-    1968 : Les souhaits du Centre Régional de la Propriété Forestière

 

         En 1968, Monsieur Pierre Galloy se fait ainsi, auprès du Centre Régional de la Propriété Forestière d’Aquitaine[2], l’avocat des «  propriétaires (dont il fait partie) et de leurs syndics qui souhaitent l’intervention du Centre ». Dans son rapport, après avoir déploré « l’écrémage des pins de dimension convenable pour la charpente et la disparition des pins de pinasse…ainsi que l’interdiction de vendre et d’exporter du bois hors du Captalat » il dit que « cet état de choses découle des droits d’usage » qu’il « en résulte une sylviculture lamentable ou plutôt une absence totale de sylviculture » ce qui n’était pas faux, argument dont la conséquence, si on le suit, doit conduire à leur suppression. Il conclut que  « toutes les conditions sont réunies pour l’installation d’une forêt de pins maritimes à haute productivité »  et que pour satisfaire à la loi de 1963, « la lutte sera longue et difficile, c’est une raison pour la commencer tout de suite »

 

Cependant les conditions n’étaient pas réunies : la gemme rapportait toujours, donc l’équilibre entre ayant-pins, propriétaires du sol et de la gemme, et non ayant-pins, utilisateurs des arbres était maintenu : d’autre part les responsables locaux étaient âgés et préféraient le maintien du statu quo tout en voulant améliorer la gestion. Il fallait donc attendre le moment propice pour déclencher un cantonnement et mieux valait alors négocier un nouveau texte.

 

2-    1970 : Première demande de protection

 

        En 1970, trois personnalités, Monsieur Claude Quancard, Directeur Départemental (puis Régional) de l’Agriculture , Monsieur Guinaudeau, Ingénieur Général du Génie Rural des Eaux et Forêts, Directeur de la station de recherches forestières de Bordeaux et l’historien testerin Jacques Ragot alertent les autorités sur les dangers que courent les forêts testerines (usagères, domaniales et privées) et dans une note complémentaire sur la forêt usagère, déclarent

« C’est une forêt naturelle de chênes en association avec le pin. A signaler l’importance des arbres à baies sauvages, de houx énormes…une flore et une faune très variées. Cet ensemble a une indéniable vocation de réserve » précisant que « c’est le mode d’exploitation qui détermine la particularité du boisement et de la flore et qu’il convient donc de la laisser usagère Mais il faudra la surveiller étroitement. » [3]

Cette intervention resta sans suite mais elle eut le mérite d’alerter  ceux qui se préoccupaient de l’environnement et non pas de la seule production de pin.

Il faut préciser que dans une lettre du 28 Mars 1978, M.Guinaudeau, alors retraité, sollicité dans le cadre des études que menait la SEPANSO,  nuança ses propos en écrivant : « ce type de forêt, unique en France et l’un des plus pittoresques de la région landaise, mérite d’être conservé dans son état actuel. Mais il suffirait à mon avis d’en conserver quelques centaines d’hectares (200 ou 300 ?) sous forme de parc protégé et sur le reste de la forêt il faut procéder aux reboisements nécessaires…et gérer cette partie de façon rationnelle… Cela seul permettrait de satisfaire les besoins des usagers et de donner un certain revenu aux propriétaires (après cantonnement des droits d’usage) dans l’intérêt de l’économie nationale. Je dois dire que cette gestion rationnelle ne saurait être, dans la dune, une ligniculture, elle ne peut se concevoir que dans la lande »

 

          

 

  3- 1971 : Les orientations régionales de production

 

En 1971 le CRPF d’Aquitaine publie, sous la signature du même  Monsieur Galloy, Ingénieur agronome (INA)  Ingénieur des Eaux et Forêts (Nancy) et Directeur du CRPF, ses « Orientations régionales de production ». Ce document est adopté par le Conseil d’Administration du CRPF, dont  deux des cinq vice-présidents sont M. Jean Claude Bussy et Maître Claude Cuvreau, et, le 25 Septembre 1972, c’est le Ministre de l’Agriculture  qui l’approuve.

A partir de ce moment la, ce document a force de loi.

Or on peut y lire ceci à propos des forêts usagères de La Teste (où  Messieurs Galloy et Bussy, futurs demandeurs du cantonnement, possédaient alors  des parcelles : le premier 22 hectares, à  Courdeys de bas, le second  39 ha aux Grand déserts) et de Biscarosse (dont Maître Cuvreau gagnera le cantonnement) : « Le pin maritime est le maître incontesté de cette forêt vierge où il croît dans le plus grand désordre. Les arbres de tous âges s’entremêlent. L’aspect général est celui d’une forêt jardinée ce qui est anormal pour une essence de grande lumière (page 80)»[4] Quant aux méthodes préconisées pour la « futaie de pin maritime déséquilibrée quant à la répartition des classes d’âge des peuplements» c’est (page 226)  le «  réensemencement artificiel des coupes avec labours et engrais, éclaircies…éventuellement ligniculture dans les terrains secs » avec comme objectif la « futaie régulière avec équilibre des peuplements de différents âges et une production maximale à l’hectare. » 

Ce texte devenu gouvernemental qui traite la forêt usagère comme n’importe quelle forêt privée landaise et reprend les arguments maintes fois entendus, servira désormais de Bible à tous les adversaires des droits d’usage.

A-t-il été connu des responsables usagers locaux et a-t-il suscité des oppositions ? A la première question je peux témoigner qu’il n’en a jamais été question dans les discussions qui, au sein des commissions municipales testerines, ont préparé la transaction de 1977, mais, à posteriori, je pense inconcevable qu’il n’ait pas été connu au moins des  propriétaires  qui participaient à ces discussions.

En effet la transaction allait dans ce sens, l’interdiction des coupes rases étant contrebalancée par l’appel à des forestiers qualifiés pour une « exploitation plus rationnelle » du massif. On est donc en droit de se demander si les ayant-pins signataires qui acceptaient le statut usager  jouaient double jeu ou si, en coulisses, se préparait leur remplacement par une équipe plus jeune, équipe de combat, puissamment appuyée par le CRPF et poussant ses réseaux jusqu’à Paris.(dans la nouvelle équipe on retrouvera Mrs Bussy, Galloy et Lallemand mais aussi M. Lalanne ancien syndic des ayant-pins négociateur et signataire de la transaction).

 

A partir de ce moment deux cheminements parallèles vont être suivis, on pourrait schématiser en disant que l’un l’était  par les purs forestiers, l’autre par les environnementalistes, encore que les uns et les autres se retrouvaient sur les diagnostics et ne différaient que sur les méthodes.

 

           4-Les interventions de la MIACA et de la SEPANSO.

 

Ainsi en 1973, la MIACA, Mission d’Aménagement de la Côte Aquitaine, classe la « vieille forêt, poussée sur dunes anciennes » dans les « zones de protection biologique ». Il est précisé que pour certains d’entre ces terrains, il serait souhaitable qu’un « règlement particulier puisse être envisagé en accord avec les propriétaires comme c’est le cas de la Forêt Usagère de La Teste dotée d’un règlement syndical ».[5] Règlement que  cinq ans plus tard les propriétaires ayant pins remettront en cause.

 

L’année suivante, alors que commencent à La Teste les discussions pour une nouvelle transaction, le délégué local de la SEPANSO (Société pour l’Etude et la Protection de la Nature dans le Sud Ouest), moi-même, propose, qu’avant toute décision une étude scientifique soit lancée et qu’en attendant ses conclusions seules les coupes pied par pied prévues par les textes soient pratiquées ce qui n’empêche pas d’abattre un certain nombre de pins et de les vendre pour faciliter la régénération.[6]

Cet appel ne fut pas entendu et au bout de deux ans de discussions les « forestiers » (syndics des usagers et des propriétaires étant alors d’accord) obtinrent satisfaction quant à leur intervention en forêt, l’interdiction des coupes rases n’étant pour eux, cela se vérifiera très vite, qu’une formule.

On a vu dans le chapitre précédent que le texte de la transaction fut cependant, étant donné les risques, limité à 5 ans.

Mais, pendant que les syndics dûment mandatés des  propriétaires ayant pins  négociaient ce texte, se préparait, dans leur camp, un changement de responsables.

 Les nouveaux dirigeants, (Assemblée générale du 2 Octobre 1976 et du 30 Avril 1977), déposeront, le 7 Septembre 1977, un plan de cantonnement amiable et le 24 Septembre décideront d’entamer parallèlement une instance devant le Tribunal.

Pendant ce temps, Monsieur Jacques Ragot, proposait dans la revue Aquitaine de Juillet 1976, l’achat de la forêt par l’Etat et la gestion par l’Office National des Forêts assisté d’un conseil élu des usagers, ce qui aurait eu pour première conséquence, même si certains droits auraient pu être, sous d’autres formes, conservés, d’en finir avec le statut ancestral .

 

B- Le cantonnement de Biscarrosse[7] 

 

Nous avons vu que, dans le passé, les forêts de La Teste et de Biscarrosse ne faisaient qu’un seul et même massif. Mais, comme elles dépendaient de seigneuries différentes, les textes qui en  régissaient l’usage étaient différents.

A Biscarrosse c’est une charte de Regnault Thibaut, prince d’Aquitaine, (fils aîné d’Edouard I Plantagenet, Roi d’Angleterre)  datant du 2 Juillet 1277, qui donne aux habitants des droits étendus : « pacage, cabanes, gommes et résines, blé, vignes, maisons…. » Mais aussi le droit de « construire des fours pour faire la poix, autrement appelée pègle et ramasser encens » Cette charte reconnaît que la Montagne était antérieurement un alleu, propriété collective des habitants, échappant à toute redevance seigneuriale.

Confirmée en 1486, 1557,1615 et 1676, cette charte fut remise en cause en 1680 par Elisabeth de Baleste, veuve de Jean de Caupos, vicomte de Biscarrosse qui, constatant que, postérieurement à la charte initiale, les habitants s’étaient partagé la forêt, distingua désormais les propriétaires des usagers « non ayant-pins ». Ceux-ci  ne gardèrent que l’usage au bois et les droits de glandage, chasse et  pêche.

Au XIX° siècle, comme à La Teste, les Maires se mirent à représenter les usagers.

C’est en 1951 que fut signée la dernière transaction : l’originalité du système par rapport à La Teste, c’était la parité : un bureau de 8 membres (4 propriétaires, 4 usagers), une répartition égalitaire, par moitié, des produits des coupes (incendies…), la part usagère allant à l’entretien, la part des propriétaires ayant pour but de compenser la faiblesse des revenus issus de la  gemme et  un syndic employé communal, pour marquer les arbres et surveiller la forêt.

Mais cela n’empêcha pas la construction sauvage de maisons en bordure du lac (près de 250 lots y ont été loués à des « touristes » d’où la création bien tardive en 1965 d’une association d’usagers (elle existait à La Teste depuis 1921…)

 

Parcellaire de la forêt (en jaune les parcelles appartenant à un seul propriétaire, soit 487 hectares)

D’après le « Rapport préliminaire au classement en réserve naturelle- Sepanso, F.Neuville- 1977)   

 

 

 

En 1974 le dépôt par 22 propriétaires d’un projet de cantonnement amiable laissant à la commune 198 hectares sur 876, fut refusé et cela déboucha sur un procès, intenté par 31 propriétaires (sur 60) totalisant à eux seuls 834 hectares. Il fut perdu par les usagers en Instance à Mont de Marsan (22 Mai 1975) et de nouveau en Appel à Pau. (6 juillet 1976) mais les usagers (c'est-à-dire la commune) n’allèrent pas en cassation.

La justification de la Cour à qui était demandé de dire le droit en analysant les textes anciens fut au contraire essentiellement économique « quelque soit l’intérêt  qui peut s’attacher, d’un point de vue sentimental surtout, à une institution qui remonte à quelques sept siècles, cette seule considération démontre qu’il s’agit d’un système périmé…et il n’est de l’avantage  de personne de laisser la forêt sans exploitation rationnelle ni régénération organisée correctement comme la loi du 6 Août 1963 en fait obligation à tout propriétaire ».

La question environnementale ne fut pas évoquée, l’étude entreprise par la SEPANSO pour le classement en réserve naturelle d’une partie du massif était venue trop tard (Juin 1977), et  les atteintes à la forêt en bordure du lac étaient déjà  conséquentes.

Le tribunal  estima  enfin que la part d’un seul tenant qui était laissée aux usagers, calculée sur la superficie totale de la forêt,  correspondait  donc à ce qu’ils auraient reçu si toute la forêt avait été cantonnée et qu’en conséquence l’absence de  certains propriétaires qui ne totalisaient que 40 hectares n’était pas un motif suffisant pour refuser le cantonnement. Le 31 janvier 1979 un accord attribua  33,33% du massif à la commune, soit 313  hectares.

 

Les thèses du CRPF avaient triomphé, il ne restait plus qu’à faire de même à La Teste mais les élus ne se laissèrent pas faire.[8]

 

 

C- L’expropriation des bords du lac de Cazaux.

 

A première vue cela n’a rien à voir avec l’évolution du statut usager mais il est cependant nécessaire d’en parler car elle a eu pour résultat d’électriser les rapports entre la municipalité de La Teste et l’Association de Défense des Usagers (ADDU) ainsi que de tendre les relations entre cette municipalité et les deux nouveaux responsables des propriétaires ayant pins , membres du bureau de l’Association des propriétaires cantonnants, qui, directement ou indirectement, possédaient des parcelles dans la zone.

Aménager les bords du lac était une idée qui datait de 1964 mais qui ne se réalisa, dans la douleur, qu’à partir de 1973. Trois déclarations d’utilité publique furent nécessaires pour venir à bout des résistances : des  propriétaires d’une part  qui défendaient leurs parcelles et pour certains leurs constructions « les pieds dans l’eau », de l’ADDU d’autre part dont les positions furent  intransigeantes sur la superficie à exproprier.

En effet deux thèses s’affrontaient : celle de l’ADDU qui n’acceptait d’expropriation que sur les emprises (routes, parkings) et celle de la Mairie qui voulait exproprier un périmètre de 40 puis 32 hectares.

La première solution avait un défaut majeur vu les appétits  et la jurisprudence de l’époque : laisser la possibilité à des propriétaires  de parcelles desservies par les nouveaux équipements, de construire. C’est pourquoi la SEPANSO demanda des garanties pour l’avenir à savoir entre autres : une route d’accès terminée en cul de une sac, tracée en arrière du rivage et reliée à celui-ci par des sentiers piétonniers, l’engagement du Conseil Municipal de ne pas se désister des terrains dont il serait devenu propriétaire, le transfert des droits d’usage sur une parcelle équivalente jouxtant la forêt usagère.

Elle avait insisté sur la route en cul de sac parce qu’il y avait eu deux précédents : en 1950, de concert avec celle de Biscarrosse, la commune avait demandé la réalisation d’une route entre Navarosse et Cazaux sur le bord du lac. Seul le tronçon Navarosse-Maguide (Petemale) et la liaison Maguide - route du Pyla fut réalisée, or le 18 décembre  1969, la municipalité de La Teste, lors de la discussion du plan d’urbanisme, avait de nouveau proposé la prolongation de cette voie de Maguide à Cazaux.

Les engagements qui  avaient été  demandés furent votés par le Conseil Municipal le 30 Mai 1974. Le problème le plus délicat était celui du transfert des droits que certains estimaient impossible. Deux ans plus tard, le 16 Novembre 1976, le Maire fut autorisé à signer les actes de transfert sur  une parcelle mitoyenne de la Forêt Usagère, au Courneau, mais cela n’eut pas de suite. En effet sa proposition était subordonnée à l’accord des usagers (alors qu’il était légalement le seul à pouvoir les représenter !), à l’accord amiable entre les « parties » ou à une décision du juge ainsi qu’à l’avis des Domaines, conditions dont on pouvait de douter qu’elles ne pourraient être réunies…

Quand à la partie non utilisée des terrains expropriés, (11521 m2 de plage sur la parcelle de Lauga) la commune choisit  le 23 février  2000 de la rétrocéder à son propriétaire contre la somme de 100.000 francs. Opération à effet nul puisque suite à l’expropriation, la commune, obligée, par jugement du 28. Juin 1982, à verser aux propriétaires  la somme de 158 137 F pour les 68 311 m2 expropriés, n’en avait payé que 58.137 repoussant le paiement du solde à l’établissement des titres de propriété et que 18 ans plus tard…le complément  n’avait toujours pas été réglé !

C’est ainsi qu’une plage devenue publique en 1974 redevint privée en 2000… ! La délibération fut d’ailleurs attaquée en 2002 devant le Tribunal administratif  qui devait rendre sa sentence en Mars 2003 mais depuis la propriété ainsi valorisée a été vendue à un promoteur qui, après avoir restauré la villa a revendu le tout…

                                                                                                                            


II- 1977 : La mise en place des acteurs

 

C’est dans ce contexte que naquit le conflit. Dès l’annonce de la volonté de la nouvelle équipe de  propriétaires de réaliser le cantonnement, usagers et  défenseurs de l’environnement coordonnèrent leurs actions. Dans le même temps, à cause des élections municipales l’affaire devint publique et les futurs élus s’engagèrent tous, à leur demande à défendre le statut en s’opposant au cantonnement et à ouvrir les commissions municipales aux associations.

 

 A- Les propositions de la SEPANSO

 

Dans cet esprit, le représentant de la  SEPANSO, écrivit au nouveau Maire de La Teste, Monsieur Gilbert MOGA  et à tous les élus, une lettre[9]  dont les principaux passages définissaient sa conception du  problème :

« …le cantonnement risque de compromettre définitivement les droits d’usage mais encore il aura pour effet certain de détruire un massif forestier dont la valeur écologique et esthétique est importante. Or le précédent de Biscarrosse montre que les tribunaux n’ont pas pris en compte cet aspect du problème….Dans ces conditions, il dépend maintenant de vous de protéger la forêt avant même qu’une action soit engagée en justice. C’est pourquoi nous vous demandons de voter en urgence les dispositions suivantes :

-       classement de toute la superficie en « espace boisé classé à conserver selon l’article L 130-1 du code d’urbanisme qui interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements.

-       Classement de toute la superficie en Zone d’Aménagement Différé (ZAD) avec droit de préemption communal assorti d’un engagement de ne pas se dessaisir des terrains, afin d’enrayer l’achat de parcelles dans un but spéculatif.

-       Adoption pour Cazaux d’une zone non aedificandi de 200 à 500 mètres selon le relief à partir des rives du lac et de la zone d’aménagement.

-       Ces mesures d’urgence seront un premier pas vers une protection plus stricte qui devra tenir compte des intérêts légitimes de tous : usagers non ayant-pins, usagers ayant-pins, chasseurs, amoureux de la nature, apiculteurs, mais ne sacrifiera pas le massif au seul intérêt privé de quelques-uns …

-       Nous estimons que le choix des syndics des usagers auquel vous allez procéder sera très important….(afin qu’ils ne) tombent pas dans le piège actuellement soigneusement préparé : le plan de production ligneuse…Tout traitement de ce massif selon des méthodes rationnelles rompant avec le système passé du jardinage, c’est à dire visant à la seule rentabilité, détruirait la valeur écologique de ce massif seul obstacle possible au cantonnement…Or les deux projets sont actuellement étudiés et vous seront présentés… »

 

Il faut savoir que la proposition de zader la forêt et de prévoir un crédit annuel « afin qu’à chaque fois qu’il y aura des propriétaires désireux de vendre, la commune devienne propriétaire de ces terrains pour en conserver les droits d’usage » avait déjà été proposée par Monsieur Jacques Bessou lors du Conseil Municipal du 16 Novembre 1976 ainsi que la création d’un Parc National.

Ces idées avaient été étudiées par un Groupe d’Information Municipale dont Monsieur Bessou était président. Malheureusement, la municipalité, arrivant en fin de mandat, n’avait pas donné  suite, l’étude du projet étant renvoyé en commission après que le Maire d’alors, Monsieur Ichard, eut exprimé son accord et précisé qu’il ne voyait que 2 solutions : le zadage ou…le cantonnement !

 

        B- Les premières mesures de protection et l’intervention du SRAF

 

Dans le même temps, le 26 Avril 1977 la Commission départementale des Sites se saisissait, suite aux  demandes de la SEPANSO en date du 24 Mars, d’un projet d’inscription du massif à l’inventaire des sites qui devait être réalisé sous la direction de Monsieur L’Inspecteur Régional des Sites. Elle décidait aussi la création d’un groupe de travail administratif présidé par le Délégué Régional à l’Environnement (DIREN) sous l’autorité duquel la SEPANSO serait chargée d’élaborer une étude scientifique,  historique, ethnologique et économique du massif. Cette étude, financée par le Ministère de l’Environnement, devant servir de base aux protections ultérieures.

 

          Le groupe de travail  décidé par la Commission départementale se réunit le 13 Mai[10]  et 3 « officiels » s’opposèrent à ces décisions, le Directeur du Service Régional d’Aménagement Forestier (SRAF) et deux personnes invitées comme experts, Mrs Bussy, Vice-président du Groupement Régional de la Propriété Forestière et Galloy qui étaient aussi, on l’a dit, propriétaires et demandeurs du cantonnement…, sans oublier les opposants locaux : les syndics des propriétaires et le représentant de… Gujan.

          Afin d’accentuer la mobilisation, la SEPANSO, créa au mois de Mai un « Comité de liaison pour la Sauvegarde de la Forêt Usagère », fort de 7 associations locales dont l’ADDU, le Fusil Testerin, la Société Historique du Pays de Buch, la Société Scientifique d’Arcachon….et 4 associations régionales qui demandèrent les mesures citées plus haut et un vote sur l’inscription à l’Inventaire des Sites.[11]

Ces décisions déclenchèrent une campagne de pressions pour détruire le Comité de Liaison (en direction des chasseurs), pour influencer les élus testerins, pour dissocier la Sepanso-région de ses représentants locaux et déformer les propos qu’ils avaient tenu dans la presse,….mais elle n’eut pas de succès, les élus municipaux votant, le 24 Juin, l’inscription de la forêt à l’inventaire des sites.

 

Une réaction officielle vint alors, dès le 17 Juin, compliquer la situation. Elle émanait de l’Ingénieur en Chef du génie Rural des Eaux et Forêts,  Chef du Service Régional d’Aménagement Forestier, le SRAF[12] 

Estimant, comme il l’avait dit le 13 mai, que l’inscription aux sites était une « décision hâtive » il proposait :

-«de donner la priorité forestière à tous les problèmes indépendamment des solutions foncières ou juridiques à trouver ultérieurement … »

-« d’établir un document d’aménagement (au sens forestier du terme) de la forêt qui tiendrait compte des sujétions écologiques  et déboucherait sur un règlement sylvicole des travaux à effectuer… pour aboutir à une forêt de type souhaitée et en équilibre… »

-(de faire établir ce document) par des forestiers au sens plein de la qualification, au dessus de tout soupçon (à savoir) des stagiaires de l’école des Barres »

Il ajoutait que «afin de ne pas ignorer la loi ce document répondrait…à l’obligation de fournir un plan simple de gestion, la forêt usagère de La Teste, étant, que je sache, et malgré ses particularité, une forêt privée. » Il acceptait enfin d’être le « Directeur de stage ».

 

C’était une réponse négative aux propositions d’un travail en commun que la SEPANSO lui avait faites lors d’une  conversations en date du  24 Juin et, malgré cette prise de position, l’étude décidée par la Commission des Sites, fut, sur la demande de Monsieur le Directeur Régional de l’Agriculture, commandée à la SEPANSO par le  Ministre de l’Environnement, le 17 Décembre 1977.

 Il s’agissait d’un « inventaire des richesses biologiques de la forêt, étude motivée par le souci  de juger les conséquences pour le milieu naturel de projet de cantonnement par rapport au mode d’utilisation traditionnel »[13]

Quant à Monsieur le Directeur du SRAF, il publiait, au dernier trimestre 1977, son étude sur « Les forêts d’Aquitaine »[14] dans laquelle tout en classant la forêt usagère dans les forêts privées, il écrivait, page 24: « l’aspect général est celui d’une futaie jardinée…il s’agit d’une exploitation par pied d’arbre…les trouées étant petites, l’absence de lumière rend la végétation naturelle difficile…les propriétaires reculent devant les travaux onéreux de dégagement. Au pin maritime s’ajoutent les feuillus qui apportent l’humus. .L’avenir de cette forêt, plus ou moins livrée à elle-même paraît compromis .Mais par contre sa résistance aux maladies ; insectes et même aux incendies est remarquable. » Ce texte auquel nous ne pouvions que souscrire laissera malheureusement place à des propos beaucoup moins objectifs.

 

       A partir de ce moment là, face à la proposition du SRAF qui, s’inscrivant dans le cadre de la loi de 1963, considérait, à tort, la forêt comme relevant du code forestier et devant être « en équilibre » les différentes positions commencèrent à se préciser :

-d’un côté, soutenant l’initiative du SRAF et refusant les mesures de protection : les propriétaires  et la municipalité de Gujan.

-de l’autre côté, soutenant l’Inspection Régionale des Sites, la municipalité de La Teste et

le Comité de Liaison

-entre les deux, les services préfectoraux et le Directeur Régional de l’Environnement.

La  SEPANSO,  fit alors, par l’intermédiaire du journal Sud-ouest[15], une proposition publique aux propriétaires leur demandant d’attendre la fin des études en cours pour, en cas de désaccord, déposer leur projet de cantonnement, elle précisait « qu’il était possible de trouver une solution amiable permettant,  tout en respectant l’environnement et les droits acquis, de redonner aux propriétaires le légitime revenu auquel ils avaient droit » .

Après des contacts infructueux, et le dépôt, au mois d’Août de la proposition « amiable » de cantonnement, cette demande fut renouvelée par lettre recommandée et de nouveau publiée dans la presse le 7 Octobre.

Mais elle n’eut aucun écho, les nouveaux responsables ne concevant qu’une solution : devenir propriétaires des bois en supprimant le  statut.

 

C- L’inscription à l’inventaire des Sites    

 

          La décision d’inscrire à l’inventaire national des sites l’ensemble des forêts testerines, dont bien entendu la forêt usagère, fut prise, à l’unanimité, le 4 Octobre 1977, par la commission départementale des sites (le décret fut publié le 27 Janvier 1978).

             Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que la commission des sites s’intéressait au devenir de la forêt. Déjà en 1936, le 23 Décembre, elle avait demandé qu’on modère la destruction des « arbres et des houx », ce dont le Maire de La Teste avait été informé par une lettre du Préfet le 13 Janvier 1937.

             De même le 5 Juin 1943, suite à des plaintes pour dégradations, le Ministre décide de classer la parcelle de Hourn Peyran et une partie de la dune, appartenant à M. Daney, et d’inscrire à l’inventaire les parcelles limitrophes de Menoy, Lartigon, Les Arraoucs et Les Baillons.

Le 7 Juin 1944, cette décision fut rappelée par le Ministère qui précisa que « la partie protégée ne représente qu’une infime proportion [de la forêt car] un examen approfondi de la question a démontré…qu’il ne serait pas opportun d’imposer une réglementation d’ensemble soit en vertu …de la loi de 1930, soit par la mise en vigueur du régime forestier » et il ajouta « que le caractère esthétique de la forêt de La Teste demanderait que son exploitation soit pratiquée avec le plus grand discernement » et demanda au Maire de recommander aux intéressés « de respecter le sous bois…et d’assurer la sauvegarde de tous les points pittoresques ».

     Il est évident, comme le confirma le Maire, que, pendant cette période de pénurie de moyens de chauffage, la population s’était rabattue sur le bois de la forêt et que le sous bois, en particulier, fut l’objet de coupes nombreuses. C’est vraisemblablement cette situation qui entraîna des plaintes et la réaction du Ministre.

 

Mais revenons à 1977, c’est le 13 Décembre que le Ministère de l’environnement confia à la SEPANSO l’étude du massif, en collaboration avec l’UER « L’Homme et son environnement » de l’Université de Bordeaux III  et  c’est en Juillet 1978 que fut  annoncée la nomination de deux stagiaires de L’ENITEF qui, sous l’autorité du Directeur du SRAF devrait étudier la forêt ainsi que  la création d’un Comité Technique qui, toujours sous son autorité, fixerait les directives d’aménagement.

Tandis que le SRAF menait sans problèmes ses études,  bénéficiant de la part des  propriétaires  de toutes les informations nécessaires, la MIACA, qui finançait  l’étude économique de la forêt (6 mars 1978),  dut écrire en décembre aux  propriétaires [16] pour leur demander de bien vouloir ouvrir « les registres d’exploitation de la forêt » au chargé d’études. Cela faisait suite aux  démarches de la SEPANSO du mois d’Août…1977 auprès du syndic gujanais, démarches qui, malgré des protestations… orales de bonne volonté,  étaient restées sans suite.

Quant aux propriétaires ayant pins  c’est le 26 Décembre qu’ils assignèrent les communes en justice.

 

      

 

 

III-La proposition amiable de cantonnement et l’assignation en justice.

 

Le projet de cantonnement « amiable » fut adressé le  5 Septembre 1977 aux communes de La Teste de Buch et Gujan Mestras dont les habitants  jouissaient de la totalité des droits ainsi qu’à celles d’Arcachon et Lège Cap Ferret et à Monsieur De Gabiolle, propriétaire du château de Ruat qui, selon les cas, avaient, on l’a dit, des droits réduits.

Cette proposition amiable fut, suivie d’une assignation devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, en date du 26 Décembre car les communes, sauf Arcachon qui refusa par écrit, n’avaient pas répondu dans le délai d’un mois,

Les communes avaient en effet refusé cette proposition qui prévoyait le transfert aux « ayant-pins », en toute propriété, de la totalité de la forêt, en contrepartie de quoi ceux-ci leur abandonnaient 744 hectares, 69 ares et 72 centiares , superficie  calculée en prenant la moyenne des bois délivrés pour l’usage pendant les 20 dernières années.  En conséquence il était donc demandé au tribunal de procéder au cantonnement judiciaire.

Il était en outre demandé que le tribunal fasse établir la liste des usagers c’est à dire des descendants des familles ayant feu dans le Captalat le 4 Août 1789… et que la superficie à laisser aux usagers soit calculée à partir de cette base ! (Cette demande  ne sera pas retenue).
Etait annexé un plan qui délimitait les parcelles dévolues aux communes uniquement dans la partie nord, de part et d’autre de la piste 214 reliant les routes de Cazaux et de Biscarrosse.

                Les propriétaires qui acceptaient de donner une part (premier nombre) de leur superficie possédée (second nombre): étaient Madame Pautrizel, née Bezian, ( 105/163 hectares), Mmes Vve Duport (14/25) et Doche de la Quintane (34/51), les héritiers Bouyssou (35/279), Mrs Dumora (28/116), Bodin et Marzat (5/5), Belliard (34/45), Bussy (35/59), Larrieu(58/104), Valleau (29/81), Bonpunt (25/42) Fayet (103/108) ainsi qu’une Filiale de la Cellulose du Pin : la Société Forestière de la SaussouzeM.Sechet (138/140).

Ceux qui sont en caractères gras étaient membres du bureau de « l’Association et syndicat des propriétaires », ceux qui sont en italiques étaient les syndics des ayant-pins, copropriétaires de la parcelle offerte, quant à M. Sechet il était syndic suppléant et chef de secteur à la CAFSO (Coopérative agricole et forestière du Sud-ouest) organisme se chargeant, pour ses membres, des travaux forestiers. 

 

                                                                      

 les parcelles proposées aux  communes  (RA)  

                                                                           

 

Par contre rien n’indiquait ce qui était prévu pour la suite (remembrement ? groupement forestier ? indemnisation des propriétaires de parcelles remises aux communes ? …)

Il y avait eu, en application de la loi de 1963 et de ses décrets d’application de 1965, un projet de « Groupement forestier des propriétaires de la Forêt Usagère » mais cela ne s’était pas  concrétisé.

 Rien non plus en ce qui concerne les  propriétaires  opposés au cantonnement puisque 79 des propriétaires cadastrés ne faisaient pas partie des demandeurs.

 

A partir de là, la situation devint de plus en plus compliquée car nombre de problèmes se

croisaient : l’application de la transaction, la poursuite des études, la préparation du Plan d’Occupation des Sols (POS) et des autres mesures de protection ….De plus, la situation devint de plus en plus conflictuelle et des fissures se produisirent dans le camp des défenseurs du statut .

 

IV- 1978 : premières tentatives pour gérer « rationnellement » la forêt.      

Il faut se rappeler que la dernière transaction permettait aux syndics de s’adjoindre « les services de forestiers qualifiés et avertis » aptes à « conseiller toute méthode d’exploitation rationnelle de la forêt »  Il n’était pas besoin de chercher bien loin puisque le syndic suppléant des  propriétaires  était on l’a vu, chef de secteur de la CAFSO dont la principale mission était d’effectuer les travaux forestiers pour le compte des propriétaires.

Mais il faut aussi se rappeler que la transaction précisait « à l’exclusion de toute coupe rase »

 

A- Les coupes sanitaires

 

En fonction de ces impératifs, des travaux avaient été entrepris dans la parcelle de la Grande Cabane d’Arnaud pour enlever des pins malades, et dans les « semis de Cazaux », (parcelle des Avocats, de Bourratsouze et de la cabane d’Arnaud…) travaux nécessaires qui ne furent contestés par personne

 

                                                                                                      Débroussaillage aux Avocats 1977

                                                                                                                               (Photo R.Aufan)

 

 

 --------------------------------------

 

                      

Mais la première véritable application du texte eut lieu chez Mrs Marzat (Le Brana, 5 hectares 48) et Bodin (Les Peychounins, 1 hectare 40).

 

 B- L’affaire du Brana

 

Le 1 Février 1978, un devis fut signé par les deux syndics des propriétaires chez qui allaient se faire les travaux et par le syndic suppléant des usagers de Gujan, M. Lalande, par ailleurs Conseiller municipal et vice président de la commission de la forêt de Gujan. Ce devis était  présenté par la…CAFSO, à laquelle les syndics avaient de leur propre initiative, décidé d’adhérer pour 3 ans…, il prévoyait les opérations suivantes : abattage des bois et taillis, débroussaillement, épandage d’engrais, labour en plein et réensemencement (par semis en ligne).

La réaction du syndic testerin fut de refuser et la commune de La Teste décida d’introduire un référé (16 Février) et d’en informer la presse (18 février), jour que le représentant de la CAFSO choisit pour ordonner le début des travaux qui commencèrent le 19, un Dimanche. ! Le référé fut obtenu le 1° Mars et un expert nommé.

Ces travaux violaient en effet les transactions de 1759 (vente hors du captalat), de 1917 (pas de décision collective des syndics titulaires), et celle de 1976 (pas de coupe rase) ainsi que la loi de 1930 sur les Sites qui, bien que connue de tous, n’était pas encore notifiée officiellement par la Préfecture (l’arrêté ministériel du 27 Janvier 1978  ne le sera que le 18 Mars).

Pourtant la parcelle  du Brana, détruite par l’incendie de 1943, avait été réensemencée en 1959 puis de nouveau en 1961. Afin de favoriser la régénération naturelle, un premier débroussaillage  au rotavator y avait été réalisé en Décembre 1977 sur ordre des syndics avec interdiction de couper les arbres et interdiction de labourer.  Or les nouveaux travaux furent entrepris sans en attendre les résultats de ce nettoyage .

         On peut se demander s’il ne  s’agissait pas, pour les propriétaires et l’élu de Gujan, de voir jusqu’où on pouvait aller et de tester la résistance du « camp » adverse en particulier sur la notion de coupe rase, (car pour eux, le fait de laisser quelques arbres démontrait qu’ils n’en faisaient pas) et surtout de tester les capacités d’action de l’Administration des Sites.

------------------------------

 

L’expert  forestier désigné par le tribunal vint sur place en présence des intéressés dont P.Galloy, conseiller forestier des  propriétaires, et dans son rapport il donna entièrement raison à ces derniers… !

L’affaire en resta là, elle coûta 12718 francs (facture de la CAFSO) à la Caisse syndicale (pour des travaux effectués chez les deux syndics des ayant-pins…) et elle provoqua, en représailles, un conflit entre les syndics : ceux de Gujan ( !) et ceux des  propriétaires ayant pins étant d’accord pour retirer au syndic des usagers testerins ses fonctions de Trésorier de la Caisse Syndicale.

 

 

C- L’affaire des clairières.

Un second conflit éclata en Décembre de la même année 1978 : celui des clairières.

 

Il faut savoir que les Commissions réunies du Conseil Municipal de La Teste venaient d’adopter, le 13 Avril, le projet de règlement du POS qui devait servir de pré-charte au site inscrit  et dans lequel il était prévu entre autre choses d’interdire les semis en ligne et la suppression des clairières.

Informé que des travaux d’ensemencement allaient être menés dans les clairières de Natus, Soussines et Hourn Laurès, la SEPANSO écrivit  le 11 0ctobre aux 4 syndics pour leur signaler que cette disparition des clairières pouvait être de nature à « modifier » le site et pouvaient donc être en infraction avec la loi de 1930.

 

Il s’agissait en effet (selon  l’aveu de l’un d’entre eux) de tester les réactions de la SEPANSO. La lettre resta évidemment sans réponse et les responsables testerins (syndic des usagers et adjoint chargé des forêts) refusèrent de s’y opposer. Le premier estimait que cette clairière n’était pas naturelle puisque créée par le piétinement « des 125 vaches  de son arrière grand-père qui y était parquées chaque soir » … ce qui permet cependant de penser qu’il devait tout de même y avoir au préalable une clairière (carte de 1850), d’autant que les recherches archéologiques que j’y ai menées ont révélé la présence d’un habitat du XVI° siècle et d’installations de fabrication de poix et goudron…, le second acceptait ces travaux à condition que les semis ne soient pas en ligne (alors que les 4 syndics avaient décidé le contraire dès le 30 Septembre et que le Conseil municipal avait, le 16 octobre, confirmé son  vote sur les règlements du POS mais … sans les prescriptions de gestion.,                                                                                         

 

 

Lorsque les travaux commencèrent, le 6 Décembre, c’est donc l’Agence de Bâtiments de France qui sur ordre de M. L’Inspecteur Régional des Sites, fit intervenir la gendarmerie. Malgré cette intervention, les syndics persistèrent ce qui motiva l’annonce, le 28 Janvier, par l’Architecte des Bâtiments de France, de poursuites judiciaires contre chacun d’entre eux.

Cette affaire est intéressante car elle permit de constater qu’un fossé était en train de se creuser entre les associations du Comité de Liaison et certains représentants des usagers : les syndics testerins dont le titulaire estimait qu’il y avait « deux fléaux pour la forêt, les propriétaires et les verts » et son suppléant qui s’insurgeait contre l’intervention de l’administration, mais aussi l’adjoint au Maire chargé des forêts qui  avait proposé en 1977, lors de la réunion de la commission municipale du 12 Mai, le nettoyage complet des bois défectueux non valables pour le gemmage et la construction, le débroussaillage au ras du sol des parcelles pour permettre aux graines de germer et l’éclaircissage, justifié celui-là, des semis de Cazaux .

L’affaire alla donc en justice, le jugement fut prononcé le  5 Juin 1980 mais le Tribunal constata que ni la Préfecture, ni  l’Agence des Bâtiments de France (qui avait pourtant en mains tous les éléments), ni la Direction Départementale de l’Agriculture (DDA) ne s’étaient présentés, et qu’ainsi l’infraction était « insuffisamment caractérisée » .Les prévenus furent donc relaxés.

La Mairie, le POS n’étant toujours pas approuvé, ne pouvait aller en justice puisqu’elle n’avait aucun règlement sur lequel s’appuyer  et le Directeur Départemental de l’Agriculture avait estimé puisqu’il s’agissait de « reboiser » une clairière… que c’étaient des « travaux d’exploitation courante » !

Cette prise de position n’était que le prélude à des oppositions plus fondamentales.

 

V-Les relations avec les administrations et les freins  aux décisions municipales 

 

 

Quant aux décisions prises par le Conseil Municipal de La Teste, elles avaient du mal à voir le jour :

 

A- La mise au point dans les règlements du POS de règles spécifiques de gestion

 

Inspirés des textes des transactions, les règles de gestion insérées dans le projet de POS étaient refusées par la Direction Départementale de l’Equipement (DDE) car ce n’était pas prévu par la loi.

Il fallait donc les faire d’abord adopter comme charte du site inscrit par la Commission Départementale des Sites. La réunion du comité qui devait les préparer fut demandée par l’Inspecteur Régional des Sites le 23 Février 1978 mais ce n’est qu’en Avril, le 13,  que les commissions réunies du Conseil Municipal de La Teste adoptèrent le règlement et après quelques modifications, c’est pour le 26 Juillet que fut programmée la réunion. Mais elle fut annulée le 20 ; les efforts se reportèrent alors, sans succès, sur Monsieur le Sous Préfet, pour qu’il fasse inscrire cette adoption à l’ordre du jour  de la Commission de Septembre. Or ce dernier avait, le 21,  informé le Maire du début de l’étude du SRAF, lui demandant d’y participer

En Novembre, c’est le DRAE qui revint à la charge[17] mais lors de la réunion organisée le 21 Novembre par le Sous Préfet, DDA, DDE, SRAF et municipalité de Gujan prirent position pour un nouveau plan d’aménagement.

Le Maire dut de nouveau insister auprès du Préfet en Décembre 1978, le 11, puis en Février 1979, le 12, de même que l’Inspecteur Régional des Sites, et ce n’est que le 3 Mai 1979 que la Commission Départementale prit « en considération » la pré-charte, décision qui n’avait aucune valeur juridique et qui équivalait à un refus, la DIREN (!) et la DDA se montrant favorables au plan du SRAF, considérant que la loi de 1963 devait s’appliquer.

 

Liée à l’adoption du POS une autre question restait en suspens :

 

 

B- le Zadage et le droit de préemption

 

Le 10 Octobre 1977, le Conseil Municipal unanime, reprenant une délibération antérieure du mois d’Août, préparée en Commissions réunies au mois de Juin, décida de placer le massif en Zone d’Aménagement Différée, ce qui lui permettait d’avoir un droit de préemption.

Le Préfet proposa de mettre plutôt la forêt en « périmètre sensible départemental » car la procédure lui semblait plus adaptée au but recherché. Elle était pourtant beaucoup plus lourde car dépendant du Conseil Général et plus complexe car le droit de préemption était réservé en priorité au département ou à défaut au Conservatoire du Littoral ou enfin à la commune. Le Conservatoire, contacté officiellement le 24 Janvier 1978, refusa, en Mai 1978, de s’engager tant que les procédures judiciaires ne seraient pas terminées …On verra plus loin que, bien que les procédures soient toujours en cours, qu’il a désormais changé d’attitude.

Le Conseil municipal revint à la charge le 25 Mai 1978 décidant de zader la partie sud de la forêt, de prévoir un crédit annuel suffisant au budget et de lancer une souscription publique dans le cadre d’une fondation. La première tentative d’achat ne put réussir car en 1980, le 30 Septembre, la commission de la forêt de La Teste refusa que la commune exerce son droit de préemption sur la parcelle des Avocats (achetée par M. Marzat) car le vendeur exigeait que l’acquéreur demande… le cantonnement !

 

27 ans plus tard, ce crédit n’est toujours pas institué! Quant au  projet de fondation, élargi à l’ensemble du Pays de Buch, il fut relancé, en dehors des structures municipales, mais cela n’aboutit pas.

 

 

C-La non parution du POS.

 

Ce n’est qu’en Décembre 1977 que le Préfet accepta la le classement de la forêt en « espace boisé classé à conserver », ce qui eut pour conséquence d’obliger à demander des autorisations de coupes pour satisfaire le droit d’usage, formalité provisoire destinée à éviter que les « espaces boisés classés à conserver » ne soient détruits. Cela alourdit quelques temps, on va le voir, les procédures mais n’eut pas de graves conséquences, la DDA débloquant rapidement les superficies nécessaires. Ce fut d’ailleurs l’occasion pour le Directeur départemental de préciser aux  propriétaires  dans une lettre du 12 Avril 1978 que « si vous êtes propriétaires des terrains sur lesquels se trouvent les arbres à exploiter, ces derniers ne vous appartiennent pas et que si les usagers ont droit au bois, c’est à dire à la disposition des pins, ils ne sont pas propriétaires du fonds. »[18]

Ce fut malheureusement la seule fois qu’une lecture aussi exacte des textes fut faite par un responsable forestier officiel.

Quand au POS, le groupe de travail l’accepta le 29 Novembre 1978  sans l’article 13, inspiré des transactions, que la Direction Départementale de l’Equipement avait refusé, mais un an plus tard il était encore dans ses bureaux.

Ce retard de publication eut des conséquences sur les coupes de bois usager. En effet le code d’urbanisme précisait que, dans les communes dont le POS avait été prescrit, les coupes et abattages d’arbres sont soumises à autorisation préalable. Cet article valable pour tout le pays avait pour but d’empêcher la destruction par leurs propriétaires des parcs ou forêts que les communes avaient l’intention de protéger. Pour les forêts de La Teste, placées en « espaces boisés classés à conserver » et en particulier pour la forêt usagère, il suffisait de demander une autorisation de coupe ce que firent les syndics le 7 mars 1978. Mais la Direction départementale de l’agriculture refusa de l’autoriser sur l’ensemble de la superficie à cause de l’inexistence d’un plan de gestion ! Elle accepta cependant d’autoriser les coupes sur 117 hectares (22 Mars 1978) renouvelables en fonction du besoin des scieries. Ce furent alors les syndics des propriétaires qui, d’après la Mairie, refusèrent de signer les autres demandes, trouvant là l’occasion de réduire la délivrance de bois tout en se retranchant derrière une lettre du 15 Avril dans laquelle ils demandaient que toute la forêt soit débloquée.

Le résultat le plus tangible fut la fermeture d’une des deux scieries ! Mais la situation redevint vite normale avec la délivrance de nouvelles superficies puisqu’en 1978 cette autorisation concernait trois tranches et 752 hectares et que le Directeur de la DDA indiquait au Maire que la signature des  syndics des propriétaires  n’était pas indispensable pour les demandes d’abattage (Mai 1978).

 

Face à cette situation le Comité de Liaison pour la Sauvegarde de la Forêt Usagère décida de lancer une pétition qui s’appuya sur la diffusion importante de plusieurs numéros du journal « Aquitaine Ecologie »  dans lequel on expliquait aux lecteurs ce qu’étaient la forêt usagère et le projet de cantonnement.

Cette pétition qui recueillit 10723 signatures fut signée, en tête par Messieurs Gilbert MOGA, Maire de La Teste, Michel BEZIAN, Maire de Gujan et Conseiller Général, Robert FLEURY, Maire d’Arcachon et par le député de la circonscription, Pierre LATAILLADE.

Trois d’entre eux tinrent parole, mais, nous y reviendrons, en 1981, malgré la victoire des usagers en Cour d’appel (Mars 1981), le Conseil municipal de Gujan accepta le principe d’un cantonnement amiable (9 Décembre 1981) !!!

 

 

Et pendant ce temps les études se poursuivaient.

 

 

 

 

VI- Les études du SRAF et de la SEPANSO.

 

A- L’attitude du SRAF

 

Comme je l’ai déjà dit, les chargés d’études de la SEPANSO et du SRAF ne furent pas placés sur un pied d ‘égalité d’autant plus que le groupe de travail prévu par la commission départementale des Sites avait été remplacé, à l’initiative du Directeur du SRAF, par un « comité des sages » dont il choisit lui-même les membres ; dans sa lettre du 6 Août, après que le Maire de La Teste eut protesté contre la façon dont il interprétait la présence de son adjoint lors de la séance du Comité, il écrivit en effet : 

« il serait quand même trop facile de dire qu’ils n’étaient là qu’en observateurs…j’ai bien précisé au départ qu’ils étaient là pour dicter les directives d’Aménagement aux chargés d’études ».

On  trouvait dans ce comité, outre des  représentants de l’administration (DIREN, Sites, DDA, ONF) un représentant des propriétaires , deux représentants des communes et le Conservateur du jardin botanique de Bordeaux que le Directeur du SRAF fit passer, y compris dans la presse, pour le représentant de la SEPANSO.

Comme cela lui fut rappelé avant qu’il ne fasse paraître son article[19], celle-ci n’avait pas été sollicitée et son chargé d’études s’abstint, quand il y fut invité, de participer afin de ne pas cautionner le projet.

Deux membres du Comité, le DIREN, et le représentant de l’ONF, participèrent ensuite au jury chargé d’examiner le travail des deux élèves ingénieurs auteurs de l’étude.

                                                                                                            

Dans la préface du rapport, Monsieur le Directeur du SRAF remercia les sages d’avoir répondu favorablement à son appel   pour « donner les directives communes d’aménagement à ceux (les stagiaires) à qui fut confié la redoutable tâche d’en être les artisans » et déclarait « qu’aucune mesure réglementaire de classement ne pouvait être prise sans adoption préalable d’un plan de gestion agrée ou d’aménagement concerté, sous peine de bloquer la situation ou d’aggraver le mal. »

 

Pourtant l’un d’entre eux, le DIREN, venait de demander, oralement, à la SEPANSO de conclure son étude par une proposition de Réserve Naturelle (à l’exclusion des semis de Cazaux) !

 

 

Page de garde de l’étude du SRAF

 

 

 

 

Je passe sur les attaques contre les écologistes : «chaque temple a ses marchands et chaque prêtre ses faiblesses, ô écologie que de crimes on commet en ton nom », sur la photographie caricaturale et  provocatrice censée représenter la forêt qui servit de couverture à l’étude, sur les emprunts (sans citations) faites aux textes de la Sepanso, sur les inexactitudes dont le texte était parsemé, ce qui l’obligea  à diffuser une étude critique du rapport.

 

Il y eut d’ailleurs une polémique publique déclenchée par un article de Sud-ouest, relatant de façon erronée, des propos tenus lors d’un Conseil Municipal de La Teste mais surtout par un article, dans le même journal, le 6 Juillet 1979, de Monsieur le Directeur du SRAF.

 

Cela entraîna trois réactions :

-de la SEPANSO car il affirmait mensongèrement que son représentant local avais eu des contacts avec les stagiaires,                                             

-du Conservateur du jardin botanique démentant représenter la SEPANSO

-de la Municipalité de La Teste qui dut rappeler publiquement que son représentant, M. Lartigue n’avait assisté aux réunions qu’en observateur, ce qu’il persista à contester.

 

Il est intéressant de noter que l’article de M..le Directeur du SRAF était publié à côté de celui de Messieurs Bodin et Marzat qui reprenaient les mêmes mensonges concernant la SEPANSO et attaquaient la nouvelle « association de  propriétaires opposés au cantonnement » dont la création avait été annoncée dans ce même journal le 18 Juin.

         Cela n’améliora pas le climat d’autant que le Directeur du SRAF pesa de toute son autorité sur les communes et surtout sur celle de La Teste [20] pour que son avis « soit connu avant la  décision du Tribunal statuant sur le cantonnement » alors que quelques jours plus tôt[21], il écrivait que « le problème de l’aménagement de la forêt est indépendant du problème du cantonnement ».

Quelques mois plus tard, une fois la polémique apaisée, il expliqua que cette demande faite à tous avait eu pour but que les propriétaires  ne puissent « refuser d’appliquer les règles communes dès lors qu’ils auraient obtenu le cantonnement »[22] ce dont il était d’ailleurs persuadé comme nombre de responsables administratifs dont certains le souhaitaient ouvertement.

 

 

B- Le contenu des études[23] : accords et désaccords.

 

Cet épisode qui aurait pu être évité si une véritable concertation avait eu lieu était d’autant plus déplorable que la comparaison des conclusions des deux études montrait de nombreux points d’accord.

-sur les objectifs : régénération de la forêt sur une période de 60 ans,

-sur les moyens   : futaie régulière par placettes et refus de la ligniculture

-sur le paysage    : maintien des pins bornes et des pins bouteilles

-sur la méthode   : -élimination du sous bois lors des semis par débroussaillage au  

                             girobroyeur et passage du rouleau landais.

                             -coupes sur semis acquis au bout de 3 ans sinon régénération assistée

                             par transfert de plans ou semis à la volée. La Sepanso insistant sur la 

                             qualité des pins autochtones et préconisant l’installation de « vergers à

                             graines ».

                            -éclaircies et dépressage sur les semis de Cazaux.

 

              Mais il y avait deux points fondamentaux de désaccord :

Le premier tenait au fait qu’affirmant que la forêt était privée et relevait de la loi de 1963, le SRAF ne pouvait proposer qu’une division du massif basée sur le parcellaire cadastral avec une gestion par propriété « chaque propriétaire présentera un plan de gestion », alors que la Sepanso privilégiait une gestion globale et une division du massif s’appuyant sur le relief.

Le second tenait à la taille des coupes envisagées comme le montre le tableau suivant :

 

 

                         SRAF                                                                        SEPANSO

 

Série de production : 2851 ha                                             espaces plans 990 ha

      -régénération : 42 ha/an (838 ha /20 ans)                           placettes de 1 hectare

              placettes de 10 hectares                             

     -préparation : (1050 ha) coupes sanitaires                        Pentes< 5% (1900 ha)

     -amélioration : (962 ha)       id°

Chêne : « il faudra le laisser se développer sur                        placettes de 50 ares

les pentes > 45% (4 parcelles dans ce cas)      

             

Série artistique et touristique : 547 ha                               Pentes > 5% (330 ha)

      -régénération : 16 ha/an (328 ha/20 ans)

             placettes de 2 à 4 hectares sur courbes                      placettes de 16 ares

             de niveau

       -préparation : 62 ha  coupes sanitaires                

       -amélioration : 157 ha         id°                                  

                                                                                  

    Réserve naturelle                                                              Aulnaie-saussaie (250 ha)                                                                                                                                                             

                                                                                               coupes pour chauffage (10 ha/an)

  429 ha de marais      pas d’intervention                               de façon à enrayer l’eutrophisation

 

Clairières       138 ha           id°                                              138 ha :

                                                     Pas d’intervention, maintien.

Délai entre 2 coupes mitoyennes 

                               5 ans.                                                         3 ans

Semis de Cazaux

                                                     Eclaircies et dépressages                                                

 Sous bois         préservation entre 8 et 32 ans après la coupe (intérêt pour la faune).

 

 

 La différence portait donc essentiellement sur la taille des  coupes et sur la gestion (individuelle ou globale), ce qui malgré les bonnes intentions proclamées, conduisait à des paysages très différents.

La « zone sensible » préconisée par le SRAF de part et d’autre de la piste 214, empruntée par les touristes, masquait la zone de production… tandis que l’exemple proposé dans l’éventualité d’un cantonnement pour être la part communale correspondait « aux abords de la dune du Pyla qui sera désormais vouée au tourisme »

 

                                                           

                                                          

 

               SRAF : la zone sensible artistique et touristique          SRAF : l’exemple de  zone réservée aux deux

                                                                                                       communes (750 ha) en cas de cantonnement

 

Les stagiaires faisaient très justement remarquer qu’il « aurait mieux valu faire cette proposition de cantonnement après un  aménagement  de façon à ce que les deux parties du massif restent en équilibre »  ce qui n’était pas le cas.  

C’est ce que la SEPANSO avait proposé en 1977, mais c’est peut-être parce que l’idée n’émanait pas, pour reprendre la terminologie de Monsieur le Directeur du SRAF, « de purs forestiers » qu’elle ne fut pas retenue.

Le simple examen des cartes et de la taille des coupes envisagées par le SRAF suffit à comprendre le rejet absolu de ce plan par la population testerine ; les élus gujanais, sauf 1, sur le territoire desquels elle ne se trouvait pas, l’ayant quant à eux approuvé !

Sur le plan financier, la technique de « gestion globale » proposée par la SEPANSO revenait moins cher et  les revenus pour les  propriétaires  étaient plus élevés que dans le cas d’un cantonnement !, mais n’étant pas expert, je ne peux juger des chiffres avancés, tout ce que je peux dire c’est qu’il aurait été souhaitable de les confronter mais que cela n’eut pas lieu.

Le cas se reproduira en 1998 lorsqu’un expert indépendant réactualisera les chiffres du SRAF et, comparant leurs techniques à des techniques plus respectueuses du milieu obtiendra, pour les propriétaires  des revenus supérieurs à ceux proposés par le SRAF. Mais là encore, l’aveuglement passionnel des deux parties et le refus des autorités, qui avaient pourtant sollicité cet expert, de s’engager fit qu’on n’en tint aucun compte.

En 2001, malgré le changement de municipalité à La Teste, la même chose se reproduira avec les mêmes partenaires.

 

 

 

VII- Le jugement du 9 Octobre sur le cantonnement.

 

La procédure judiciaire du cantonnement qui s’était ouverte le 20 Février se termina le 9 Octobre quand le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux accepta le principe du cantonnement de la forêt. Certains ses commentaires méritent d’être cités :

 

-       les usagers ne sont ni copropriétaires ni usufruitiers ainsi que l’a jugé la Cour d’Appel de Bordeaux le 11 Juillet 1894 et le 4 Avril 1853.

-       l’association des propriétaires opposés au cantonnement est irrecevable car preuve n’a pas été donnée de l’insertion de sa création au Journal Officiel.

-       le tribunal n’a pas à prendre parti sur les motifs et les conséquences du cantonnement considérant et « qu’il appartient aux autorités administratives compétentes de prendre le cas échéant des mesures de protection »

-       « l’indivisibilité des droits d’usage doit conduire à l’extinction entière et non partielle des droits d’usage par le cantonnement lequel doit donc être total. »

-       « vis à vis des usagers une telle mesure aura pour résultat d’éteindre complètement leurs droits sur l’ensemble de la forêt et d’y substituer l’attribution aux communes d’une partie »

-       « le cantonnement ne porte que sur le droit d’usage en bois »

-       les experts doivent proposer aux communes, « sauf accord des parties, un lot d’un seul tenant ».

 

Ce jugement fut immédiatement frappé d’appel et ce sont les « autorités administratives » qui durent trancher le problème forestier que le tribunal s’était refusé à aborder.

 

VIII – Les solutions envisagées

 

          A- Réserve naturelle ou forêt de protection ?

 

       C’est en Février 1979 qu’avait été envisagée, le classement de la forêt en réserve naturelle avec maintien de la chasse et des droits d’usage. Après accord verbal du Directeur de la Protection de la Nature (11 mai), la délibération du Conseil municipal fut fixée au 29 Mai afin que le projet puisse être présenté au Comité Permanent du Conseil Supérieur de la Protection de la Nature au mois de Juin.

L’affaire prit du retard car les responsables de la chasse demandèrent à leurs instances parisiennes si le classement de la forêt en Réserve Naturelle était compatible avec l’exercice de la chasse, la réponse ayant été affirmative[24], c’est donc le 14 Juin que le Conseil Municipal se prononça à l’unanimité.

Or le 29 Mars 1979, une circulaire du ministre de l’Agriculture précisait les conditions d’application du décret du 1° Août 1978 sur les forêts de protection et en Juin, le Directeur Départemental de l’Agriculture informait le Maire qu’il avait pensé « soumettre à l’approbation du ministre le classement de cet important massif, la forêt usagère , en forêt de protection »  et lui demandait son avis.[25]

Quant à Monsieur le Sous Préfet de Bordeaux il estimait le 3 Octobre la procédure envisagée par la commune « prématurée et incompatible avec l’instance » !

Le Comité Permanent se saisit le 22 Novembre de la délibération de la commune. Mais le rapporteur du projet ayant été, à cause d’un déraillement de train, dérouté sur…Limoges, la délibération fut donc repoussée.

Le Maire de Gujan Mestras refusa de soutenir le projet écrivant que « le plan du SRAF avait reçu l’aval du Comité Permanent » ce qui était manifestement faux[26].

Le Conseil municipal de La Teste renouvela sa demande le 14 Décembre 1979 et malgré de nombreuses interventions (dont, entre autres, celle de M.Lallemand auprès du Président du Conseil Général[27] et de Monsieur Marzat auprès du Président de la SEPANSO[28] contre la Réserve Naturelle, le projet fut inscrit à l’ordre du jour du Comité du 11 Mars 1980 à Paris. Le représentant de la SEPANSO rapporta  le projet en présence de Mrs Auzanneau (DIREN) et Barets (DDA) qui avaient été invités.

 

Les décisions contenues dans le procès verbal  sont importantes :

« accord sur la nécessité de régénérer la forêt  de La Teste et l’ensemble du massif dunaire. Définir une structure qui permette d’associer à la gestion tous les intéressés, échange de documentation, participation aux inventaires.

 Imposer une gestion globale : des compromis et des arbitrages seront nécessaires.

Monsieur Auzanneau poursuivra, en liaison avec le Ministère de l’Agriculture, l’étude entreprise afin de définir la formule à retenir et le statut le mieux adapté. »

 

Le Ministère de l’Environnement restait donc maître d’œuvre, la gestion basée sur le parcellaire cadastral telle que proposée par le SRAF était refusée au profit d’une gestion globale associant tous les partenaires.

Dans les conversations qui suivirent, sous la pression des représentants du Ministère de l’Agriculture, la SEPANSO accepta que ce soit la DDA, mieux outillée, qui fasse ce travail, tout en respectant les décisions prises, mais, on va le voir c’était compter sans la puissance des adversaires et de leurs réseaux d’influence.

             Le premier changement fut contenu dans une lettre commune des deux Ministres de l’Environnement et de l’Agriculture[29] qui confirmèrent au Directeur Départemental de l’Agriculture l’objectif assigné : « une fois le préalable foncier réglé, une protection du massif à travers une gestion forestière globale,… un projet de règlement de gestion à l’élaboration duquel doivent être  étroitement associées les collectivités locales, les propriétaires forestiers ainsi que les associations  de protection de la nature concernées » .

Ces deux nouveautés : associer à l’élaboration les propriétaires, farouchement opposés à la gestion globale et attendre, pour agir, le cantonnement (« une  fois le problème foncier réglé ») condamnait le responsable du travail à une mission impossible et repoussait l’intervention de l’administration aux calendes puisque le cantonnement avait été accepté par une décision, immédiatement frappée d’appel, du Tribunal de Grande instance en date du 9 Octobre1979.         

 Quant au choix entre forêt de protection ou réserve naturelle qui devait être fait par le Comité permanent après communication des nouvelles études et « rapport complémentaire du Préfet de la Gironde » [30] c’était là aussi de la poudre aux yeux puisque le Préfet avait antérieurement écrit au Maire qu’il préférait le statut de forêt de protection proposé par le DDA, mais que « le ministère étant seul compétent, il lui transmettait la délibération du Conseil Municipal de Décembre 1979. »[31]

 

                

 Enfin, la SEPANSO reçut le 30 septembre (alors que les études de la DDA étaient presque terminées) un modificatif au procès verbal du Comité du 11 Mars[32] rédigé ainsi :

« A la demande du représentant du ministre de l’agriculture, le dernier alinéa doit être lu comme suit :

au lieu de « V.Auzanneau poursuivra en liaison avec le ministère de l’agriculture l’étude entreprise afin de fixer la formule à retenir et le statut le mieux adapté » lire : « la DDA de la Gironde, (M. Baretz) engagera des études complémentaires préalables au classement en forêt de protection, en liaison étroite avec le DRAE (V.Auzanneau), le SRAF (M.Caquet), les collectivités locales concernées, les propriétaires sylviculteurs et les associations de protection de la nature (SEPANSO) »

 

Ainsi les décisions du Comité avaient été modifiées par les cabinets ministériels et le choix entre les deux solutions qu’il avait décidé de mettre  à l’étude[33]  avait été tout simplement  déjà effectué !

 

 

 

B- Les propositions de la DDA et la réponse municipale

 

C’est pourquoi le projet de « règlement de gestion forestière de la forêt usagère de La Teste » présenté par la DDA le 22 Juillet, sans aucune concertation préalable, (c’est seulement le 13 Août que la SEPANSO, pourtant désignée par les ministres, put avoir une entrevue avec cette administration)  précisait dès le 3° alinéa : « aussi est-il urgent de mettre un terme à cette situation (le déclin de la forêt), le classement en forêt de protection permettra d’assurer sa pérennité… » 

                    Ce plan  proposait « un compromis entre le respect d’un certain paysage qui tendrait à vouloir faire de petites parcelles de régénération et une gestion économique du massif » il indiquait que « la définition des séries sera faite en tenant compte des études du SRAF et de la SEPANSO »  et précisait qu’il « sera indispensable d’implanter un parcellaire forestier s’appuyant sur le terrain car le parcellaire cadastral est insuffisant pour permettre une gestion rationnelle qui sera en outre assez délicate »

Après avoir exposé ces louables intentions, il passait à la pratique et reprenait donc les 3 séries du SRAF, gardait les mêmes superficies de coupes, et n’apportait que deux retouches : coupes d’un maximum de 10 hectares dans la 1° série (au lieu de 10 à 30) 2 hectares (au lieu de 2 à 4 !) dans la deuxième série, furetage nécessaire à la survie de l’aulnaie saussaie.

Le comble était atteint dans sa conclusion quand il déclarait « les grandes lignes ci-dessus devront servir de base aux plans de gestion particuliers… le classement en forêt de protection n’est envisageable qu’une fois le préalable foncier réglé » et il faudra alors « une organisation commune » (entre propriétaires  et usagers ou entre  propriétaires  seuls dans le cas d’un cantonnement).

La SEPANSO qui s’était engagée à accepter le statut de forêt de protection si le contenu du plan de gestion lui convenait ne pouvait que refuser ce document, la Municipalité quant à elle présenta un contre-plan qui reprenait la division du massif selon des séries « naturelles » (telles que proposées dans l’étude de la Sepanso), acceptait les superficies de coupes proposées mais se souciait aussi de protection du sous bois.

 

 Comme on peut le constater par la comparaison des deux textes, la commune de La Teste allait très loin dans la voie des concessions mais restait dans le cadre fixé au mois de Mars, quant à la SEPANSO, tout en soulignant que ce plan était très éloigné de ses thèses initiales, elle décida cependant de le soutenir.

Pensant que ceux qui disaient vouloir  protéger la forêt pouvaient s’entendre sur ces bases, la Mairie proposa, au Directeur Départemental de l’Agriculture, une réunion entre la Municipalité, la DDA, la DIREN, la MIACA, le SRAF  et la SEPANSO[34], mais, celui-ci refusa « d’écarter de cette nouvelle réunion de concertation certaines parties en cause » (les propriétaires  et la commune de Gujan) et proposa une nouvelle et dernière réunion de travail pour le 3 Octobre[35].

 

Il accepta cependant de recevoir les représentants de la Mairie le 24 Septembre, mais le 23 il envoya la nouvelle version de son plan « revue et corrigée pour tenir compte de toutes les suggestions et critiques ».

Ce nouveau plan était daté du 15 Septembre ce qui, pour le moins pouvait laisser planer un doute sur la volonté de concertation !

Ce nouveau plan interdisait de manière vague « les techniques pouvant entraîner une certaine banalisation » contrairement au projet du SRAF et à celui de Juillet qui les précisait, il ne laissait qu’un an pour s’assurer de la régénération et supprimant l’idée de transférer des plants existants dans des pochons (préconisée par le SRAF) il prévoyait, en cas de régénération non satisfaisante, de ressemer entièrement la parcelle. Il subordonnait à l’accord des  propriétaires  toutes les activités autres que forestières (promenades…) et seules concessions, parlait des dunes anciennes et acceptait « dans la mesure du possible » les pins bornes et les pins bouteilles.

 

 

 

 

PLAN DDA, Juillet  1980

Propositions La TESTE Septembre 1980

Originalité du massif :

ancienneté, étendue, nature et composition

vestige des vieilles dunes

 

des peuplements

chênaie pineraie

 

et de sa végétation arbustive

oui

Buts

maintien tant pour la conservation des équilibres

oui

 

écologiques, son intérêt social et son rôle économique

oui

Etat actuel

sous exploitation, ecrémage, risques d'incendie, déclin,

oui, menaces si cantonnement

Moyen

forêt de protection

forêt de protection ou réserve naturelle

Mesures prises

insuffisantes

oui

Gestion

régénération et protection autant que possible du paysage

oui forêt jardinée

 Techniques à écarter

ligniculture, semis au semoir...

oui+engrais, produits chimiques

Peuplements

3 types 2860 ha pins, sous étage de chênes (1° série)

2800 et semis(535)

 

            550 ha pins chênes et végétation méditerranéenne (2°)

250 à 300 ha

 

            290 ha d'aulnaie saussaie et 138 de clairières (3°)

oui

Parcellaire

forestier (le cadastral est insuffisant)

surfaces planes, semis:1525 ha (1°s.)

 

       non défini

reste de la forêt:1937 ha. (2° s.)

 

 

clairières et marais 388 ha (3°s.)

Groupes :3

régénération/préparation/amélioration dans 1° et 2° séries

oui plan SRAF

Régénération

nettoyage du sol au rouleau landais

oui     id°

 

régénération naturelle à partir des semenciers

oui     id°

 

coupes des semenciers sur semis acquis (pas de durée)

oui (3ans) id°

 

vides: travail du sol superficiel et semis à la volée

oui, transplantation de plants existants

Taille des coupes

1° série: <10 hectares, coupe mitoyenne si régénération assurée

oui 5 à 8 ans entre 2 coupes mitoyennes

 

2° série < 2 hectares assises sur courbes de niveau

oui pas d'intervention sur pentes>35%

 

3° série furetage dans les marais, coupes sanitaires(clairières)

oui suppression de clairières et zones

 

 

humides interdites

Dépressage

3,6 et 8 ans

oui

Eclaircies

à partir de 12 ans

sous bois maintenu ( 12 à 32 ans)

Chêne

respecté là ou il abonde dans le groupe de préparation

suppression du sous bois

 

 

  uniquement dans la zone de régénération

Pins bouteille, bornes

 rien de prévu

conservation dans la mesure du possible

Promenade

à pied sur sentiers existants ou à aménager

oui

 

id° pour chevaux et cyclotourisme

oui

Chasse

ACCA

oui

Conclusion

 base pour les plans de gestion particuliers

oui soit dans le cadre RN soit FP

 

forêt de protection une fois le préalable foncier réglé

Quelle que soit la décision

 

organisation commune pour l'aménagement et la définition

cantonnement: organisation commune des

 

du parcellaire entre propriétaires ou entre eux et les usagers

propriétaires, si non, nouvelle transaction

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les efforts pour se concilier  les  propriétaires  étaient patents puisque ce plan était plus laxiste que celui du SRAF ; pourtant ceux-ci, fidèles à leur politique jusqu’auboutiste, le refusèrent, estimant que « le texte du 22 Juillet était meilleur » alors que ce jour là ils avaient considéré le plan du SRAF comme « une simple hypothèse d’école » qu’ils refusaient !

Lors de l’examen des différents points les propriétaires demandèrent :

     - la suppression des mesures prises (POS et Sites)

- la confusion des séries 1 et 2  et la liberté de les exploiter économiquement.

- la réduction de la période de régénération à 10 ans au lieu de 20.

- la suppression de tout le chapitre sur le tourisme et les activités non forestières.

La commune de Gujan d’accord avec le premier point, considérait que seules les séries 2 et 3 méritaient une protection, demandait que la technique de régénération ne soit pas obligatoire, s’inquiétait qu’on ne parle pas de l’usage et considérait d’autre part que ce texte arrivait trop tôt, la décision de justice n’étant pas connue !

La réunion de présentation devait avoir lieu le 3 Octobre 1980. La commission municipale de la forêt avait décidé à l’unanimité qu’aucun élu n’y serait et que le représentant de la SEPANSO, qui en était membre, lirait une lettre  de protestation, ce qui fut fait conformément aux décisions prises .

Mais malgré cela, le Maire, première faille dans l’unité d’action, envoya deux représentants.

 

C- La décision ministérielle

 

Ce qu’on pouvait craindre s’était donc produit : la volonté du ministère de l’agriculture de reprendre la main, l’obligation pour les fonctionnaires locaux de respecter les ordres et la loi de 1963 (on a vu qui avait  rédigé les orientations qui lui ont servi de base) ne pouvait conduire qu’à ce fiasco.

La décision était désormais « politique » et la SEPANSO demanda au Ministre de porter de nouveau l’affaire devant le Comité Permanent.

Il se réunit en Janvier 1981 et se conclut[36] par l’adoption du statut de forêt de protection sur la proposition du représentant de la Direction des forêts du Ministère de l’Agriculture qui estimait que dans ce cas « les responsabilités du propriétaire, du DDA responsable du règlement et de l’Etat seraient clairement établies » car « on a de bonnes raisons de croire que les droits d’usage seront cantonnés, les responsabilités seront clarifiées, c’est l’application du droit français de la propriété ! ». Après ce plaidoyer qui témoignait de la méconnaissance du caractère spécifique du statut (ou de la volonté de tout faire pour aider à sa suppression…), le vote fut acquis par 2 voix (dont celle du Président) contre 2 et 1 abstention.  Et la commune n’en fut officiellement informée que le... 12  Mai après qu’elle ait, en Avril, de nouveau délibéré pour réclamer une réserve naturelle.

 

26 ans plus tard le cantonnement n’est toujours pas acquis et le statut de  Forêt de Protection n’est toujours pas en route. La raison en est simple : il y avait incompatibilité entre ce statut juridique et la présence de forages pétroliers. Cela avait été signalé au Comité Permanent et rappelé par écrit au DDA le 5 septembre 1980.

Tous étaient au courant et savaient que ce statut était impossible.

La preuve en est que ce projet vient de « ressortir » en 2004, proposé par la DIREN, parce que la situation identique (présence de pétrole) que connaissait la forêt de Fontainebleau avait été réglée en 1995 par le Conseil d’Etat et qu’elle venait d’être classée en forêt de protection le 19 Avril 2002.

On peut donc légitimement se poser la question de savoir pourquoi ces décisions furent imposées alors qu’on savait que c’était impossible à mettre en place !

Cela permettait-il aux yeux de certains forestiers d’attendre une décision de justice, le cantonnement, qui aurait, selon les vœux de l’Administration, clarifié les responsabilités. Si tel fut le calcul, il n’eut pour résultat que de faire perdre 25 ans à la régénération nécessaire de la forêt, ce qui constitue pour le moins une erreur d’appréciation d’autant plus condamnable qu’il  risque, je le crains, de se passer encore beaucoup d’années avant que tout soit résolu.

 

IX- La « victoire » des usagers ?

 

A- Le jugement du 17 Mars 1981 et ses conséquences

 

Le chapitre de la protection administrative étant clos, restait aux  propriétaires à gagner le cantonnement judiciaire.

Malheureusement pour eux et pour les administrations qui souhaitait une décision favorable, la Cour d’Appel de Bordeaux, le 17 Mars 1981, rejeta leur demande.

Les motifs de rejet sont nombreux : si la Cour confirme le jugement d’instance qui reconnaissait « le droit de propriété des habitants ayant-pins », elle ajoute dans ses attendus que

 -« la servitude de l’usage est un démembrement du droit de propriété…  qui sans en altérer la nature juridique en gêne considérablement l’exercice »

-« l’exercice de l’action en cantonnement est rendue impossible du fait de l’indivisibilité du droit d’usage…et des contraintes collectives qui entravent le plein exercice de ce  droit de propriété »

-dans le cas d’un cantonnement « les usagers ne recevront pas individuellement réparation du préjudice éprouvé contrairement aux droits personnels qui leur ont toujours été reconnu »

-que dans ce cas « les communes auraient la disposition des droits d’usage qui auront d’ailleurs été juridiquement abolis »

-« l’offre méconnaît les droits des propriétaires non demandeurs »

-« la surface offerte aux communes 744 ha est tout à fait insuffisante pour permettre l’usage des 18000 habitants »

-« les droits d’usage …dépassent les limitations habituelles à l’exercice du droit de propriété…définies par le code civil »

-«  le tribunal d’instance a omis de statuer sur les autres droits des usagers »

et pour toutes ces raisons,( il y en a aussi d’autres), rejette la demande.

L’affaire alla donc, à la demande des  propriétaires, en Cassation.

                 Quant à la Municipalité, elle  en profita pour redemander le statut de Réserve Naturelle (3 Avril 198I) puis après les élections de Mai, croyant naïvement que les politiques avaient le pas sur les administratifs, pour solliciter tous les nouveaux ministres et hommes politiques d’influence, s’attirant toujours la même réponse : « j’ai demandé à mes services d’étudier… » ce qui débouchait toujours sur la même conclusion : « le Comité Permanent a décidé…le Ministère de l’Agriculture est chargé…. »

 

Pendant ce temps la vie de la forêt n’était pas un long fleuve tranquille : les syndics des propriétaires excluaient un scieur de la forêt et imposaient le leur, ce qui eut pour résultat d’augmenter le prix de revient pour l’usager comme le montre cette comparaison effectuée à l’époque sur une quantité de 4 m3 de bois :

 

                       Scieur imposé                                           Scierie Lavignasse,         Bois marchand

                   par les propriétaires                                « interdite » de forêt.                                                                                                                           

 

Taxe                           220    francs                                              220

Abattage                     300                                                         2404 (pour le tout)

Débardage                  600

Sciage                       2500

           Total              3620                                                        2634                                   3913

 

 

Le nouveau système rapprochait donc le prix de revient de celui du bois marchand qui, sec, était utilisable de suite au contraire du bois usager.

De plus, ne voulant connaître, comme en 1759, que les usagers, ils supprimaient les permanences de délivrance de bois contraignant ainsi la Mairie à les instruire à leur place mais ils refusaient aux fonctionnaires municipaux le droit de les présenter obligeant ainsi la commune à faire couper directement en application de la transaction de 1759.

Ils augmentaient d’autre part les contraintes voulant par exemple que les bénéficiaires du bois de construction acceptent une inscription hypothécaire afin d’être certains qu’il n’y aurait pas de vente avant les 10 ans exigés. Ils multipliaient aussi les refus : ainsi d’Octobre 1981 à Mars 1982, sur 146 m3 demandés (42 dossiers) ils en refusèrent 46.

Ils ouvraient aussi une caisse syndicale parallèle dont ils auraient seuls la gestion et décidaient tout seuls du devenir des pins incendiés dans l’été 81 au Hourn Peyran, à Dulet et aux Arnaouchots, faisant couper, dans la même fournée des pins intacts sur une parcelle classée depuis 1943 (sans réaction de l’Administration pourtant prévenue). Enfin ils décidaient d’ensemencer des clairières et considéraient qu’ils n’avaient  pas à informer le syndic usager des travaux envisagés car ils étaient « maîtres des bois leur appartenant. »

Ils appliquaient ainsi à la lettre la décision de la Cour d’Appel reconnaissant leur « droit de propriété », incontestable sur le sol, la gemme et les cabanes, mais non sur les arbres, et oubliaient de lire le reste.

Tout cela eut pour conséquence une baisse importante des prélèvements.

Pour essayer de l’enrayer, un projet de « Société coopérative agricole à forme commerciale » fut élaboré en 1984 pour gérer une scierie en louant les installations de celle qui avait disparu. Ce projet  supposait l’emploi d’une secrétaire, d’un ouvrier (en partie financé par la commune sur les terrains de laquelle il pourrait aussi travailler) et  d’un compagnon (mis à disposition par la commune). Mais il ne vit pas le jour et il fallut attendre plusieurs années avant qu’une scierie communale, d’ailleurs éphémère car non rentable, puisse s’installer.

 

 

 

B- La réaction des représentants des usagers

 

1 la « désertion » des gujanais

 

Le 12 Novembre 1981, la Commission de la Forêt de Gujan, , affirma  pour « aider à décrisper le climat » en accord avec les syndics des propriétaires, qu’elle avait invités, « sa volonté d’arriver à un partage de la Forêt Usagère par la mise en place d’un cantonnement » et  le  Conseil Municipal de Gujan  réuni en séance extraordinaire le 9 Décembre 1981, approuva ces décisions !!

Les masques venaient enfin de tomber.

 

 

2-La nouvelle municipalité testerine

 

L’année 1982, émaillée des conflits habituels se passa dans l’attente des … élections municipales qui eurent lieu en Mars 1983 avec un nouveau système électoral qui  changea complètement la donne et aboutit (alors que la précédente majorité n’avait que 2 élus de plus que l’opposition de gauche) à une représentation écrasante d’une majorité beaucoup plus politisée que l’ancienne. En effet, sous la précédente mandature, les élus membres de la commission de la forêt et les représentants d’associations travaillaient ensemble sans se soucier des étiquettes politiques ; sous la nouvelle, le climat de confiance qui avait régné se lézarda.

Certes les élus proclamaient toujours leur volonté de refuser le cantonnement et de préserver les droits d’usage mais l’arrivée, soit parmi eux, soit au sein de l’administration municipale, d’un certain nombre  de nouveaux testerins, changeait la façon d’envisager les choses.

 

Ce n’est d’ailleurs que le 28 Avril que la nouvelle commission, non plus de la Forêt mais des « activités traditionnelles » fut installée, et qu’elle accepta « le principe de ma participation en tant que personne qualifiée » et non plus, nuance lourde de signification, en tant que représentant ès qualités de la SEPANSO.[37]

La première réunion se tint le 25 Juin  pour discuter encore une fois du bois de chêne et de la caisse syndicale mais aussi de l’accord sur le cantonnement amiable entre la commune de Gujan et les propriétaires [38]qui lui promettaient 500 hectares. (350 correspondant à la proposition de 1977 et 150 hectares de « prime » à titre de transaction amiable !)

Mais aucune solution ne fut proposée, la commission se contentant des assurances de l’avocat de la commune affirmant que c’était illégal.

 

B- La « victoire » à double tranchant des usagers et l’offensive des forestiers

 

Le 18 Octobre 1983 la cour de cassation rendit son verdict : elle critiquait les motivations de la cour d’Appel qui « après avoir constaté que les entraves apportées au droit de propriété des ayant-pins n’ont pas eu pour effet d’altérer la nature juridique de ce droit qui subsiste, n’a pu sans une évidente contradiction refuser à ces mêmes ayant-pins la faculté de cantonnement motif pris d’une certaine altération de leurs droits au profit des usagers… » mais « parce que le droit d’usage affecte indivisiblement toute la forêt usagère et que la demande de cantonnement n’a pas été formée par la totalité des propriétaires », la Cour rejetait la demande des propriétaires.

 

La victoire des usagers était à double tranchant car la Cour  avait refusé de reconsidérer la nature du « droit de propriété » des ayant-pins et considérait elle aussi que la forêt usagère relevait du Code Forestier. En fait, seule la constitution d’une association de propriétaires  opposés au cantonnement avait fait pencher la balance.

C’était donc une victoire fragile mais on n’en retint localement que l’aspect positif.

C’est pourquoi les coupes effectuées par un propriétaire sur sa parcelle de Batlongue en Novembre/Décembre 1983 firent l’effet d’un coup de tonnerre.

L’émotion fut à son comble lorsque la municipalité apprit, le 6 Janvier 1984 que le CRPF avait approuvé le 16 Mai 1983 un plan général d’aménagement concerté largement inspiré du plan du SRAF mais sans ses principales contraintes… dans lequel était précisé que « seule la futaie régulière de pin maritime plus ou moins mélangée de chênes  est conforme aux orientations régionales de production approuvées » [39]

        Ce plan ne fut communiqué officiellement à la Commune que le  20 Janvier 1984 lors d’une réunion entre la DDA, le SRAF, le CRPF et les représentants des communes![40]

Le Directeur Départemental de l’Agriculture soutint  ce jour là que « l’arrêt de la Cour d’Appel devenant définitif du fait de la décision de rejet du cantonnement par la  Cour de Cassation ayant reconnu le droit de propriété aux ayant-pins, la gestion de la forêt ne regardait plus les communes et ne concerne que les propriétaires » Il reconnut qu’il aurait été plus correct d’en informer plus tôt les communes et que l’instance introduite par celle de La Teste permettrait de voir qui avait raison ; il oubliait simplement que l’approbation des plans simples de gestion avait précédé de  5 mois la décision de la cour de Cassation.

         Ce plan de gestion fut immédiatement appliqué sur la parcelle de Batlongue ce qui provoqua,  du 22 au 26 Janvier, l’enlèvement par les usagers des bois coupés, une  manifestation dans le centre de La Teste et une réunion publique.

         La SEPANSO écrivit au Ministre de l’Environnement pour s’étonner entre autres choses de ce que,  contrairement aux décisions prises à Paris, les fonctionnaires locaux du Ministère de l’Agriculture « permettent à des gens deux fois déboutés par la justice d’obtenir plus que s’ils avaient gagné leur procès ». Elle lui demandait de reprendre le dossier et au Ministre de l’Agriculture de suspendre les plans de gestion.  Elle renouvelait  ses demandes le 2 Février en lui transmettant les documents adressés par l’ADDU au secrétaire d’Etat à la Forêt.[41]

Le 3 Février lors d’une réunion plénière avec le SRAF, la DDA, le CRPF, organisée par la commune, ces trois administrations, s’appuyant sur des extraits des décisions de justice, maintinrent leur point de vue, acceptant seulement de suspendre l’approbation de nouveaux plans de gestion jusqu’au 15 mars.[42]

 

 

C- La nouvelle politique municipale testerine

 

De son côté le Maire confirma  « l’accord de la Commune pour que les propriétaires aient des revenus sur cette forêt » et  le Conseiller Général, premier adjoint au Maire, revendiqua surtout pour que le produit de la vente des bois soit versé à la caisse syndicale, déclarant « qu’il pourrait y avoir un consensus » sur le plan du SRAF « qui avait été rejeté en son temps dans l’attente d’un décision judiciaire » . Monsieur le Directeur du SRAF lui répondit  que « dans toute cette affaire il y a un  problème sous jacent que l’on n’ose pas exprimer qui est celui de la répartition des revenus et qui doit être réglé en dehors de l’administration. »

Ce qu’on ne savait pas c’est que le 31 Janvier, donc 3 jours avant, le Maire, sans en informer les membres de la commission de la forêt, avait décidé de mettre à l’ordre du jour de son conseil municipal du 9 Février l’adoption du statut de …forêt de protection !

Le représentant de la SEPANSO dut, en conséquence, le 8 Février 1984, lui demander, de revenir sur sa décision, ce qu’il fit, lui rappelant une nouvelle fois qu’en adoptant ce statut, il accepterait :

-la soumission au code forestier,

-la reconnaissance de la gestion privée (art R 412 et suivants)

-l’intervention de l’administration (DDA) seule compétente pour

       -l’accueil du public (R 412-15) et la circulation

       -les infractions (R 412-11)

       -les méthodes d’exploitation (R 411-2)

       -l’établissement des droits d’usage nouveaux (R 412-12) et l’importance de ceux qui existent

-les travaux nécessaires (R 412-18)

Comme on le voit l’époque du travail en commun était révolue,           

Ce changement d’orientation de la municipalité fut confirmé en Février puisqu’elle annonçait son désir de « négocier et de discuter en prenant en compte l’intérêt de tous car il faut s’attacher à ce que cette forêt ne périclite pas  par manque de gestion cohérente. En un mot, il  convient d’assurer la pérennité de la forêt car les propriétaires doivent pouvoir tirer des revenus de la forêt, les usagers obtenir le bois dont ils ont besoin. »

 

Il y était dit aussi que la situation actuelle : 2600 hectares couverts par un plan de gestion n’était pas satisfaisante sur le plan de la gestion « puisque 1200 hectares échappent à toute gestion obligatoire et qu’il n’était tenu aucun compte des baillettes et transactions qui donnent pouvoir de gestion aux 4 syndics ».[43]

 

Ce texte traduisait donc une nouvelle orientation dans laquelle on ne parlait plus d’environnement, c’est d’ailleurs parce que la SEPANSO avait pressenti ce changement d’attitude qu’elle avait, le 2 Février 

écrit au Ministre, Madame Bouchardeau,:

«  Si vos efforts pour sauver cette forêt jardinée et imposer une gestion globale conforme à son statut particulier n’aboutissaient pas, nous demanderions le mise en réserve naturelle de la partie la plus intéressante du massif …» Il fut répondu…au mois de Mars que le mieux était une forêt de protection et qu’elle saisissait son collègue Souchon…Ministre de l’Agriculture.

 

Il faut dire que les rapports entre municipalité et SEPANSO s’étaient particulièrement tendus depuis qu’en Octobre 1983 elle s’était opposée avec succès à un lotissement de 20 hectares prévu par la Mairie. Il était en site inscrit, en espace boisé classé à conserver, face à la zone d’aménagement de la dune du Pilat, classée grand site national, et au débouché de la future route venant de La Teste!

L’affaire dura plusieurs mois, monta jusqu’à Paris mais le lotissement ne se fit pas.

 

 

D- Le jugement de 1984 et la défaite des « forestiers »

 

Quant à l’affaire de Batlongue elle fut plaidée devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, le 1° Mars 1984. Il « interdit toute coupe qui ne serait pas autorisée par les quatre syndics » puis devant la Cour d’Appel le 13 Novembre.

Celle-ci fit très justement remarquer que la transaction de 1759 n’avait été ratifiée qu’après que son article 12 permettant au propriétaire de couper « dans son fonds comme bon lui semblera » ait été amendé lors de la ratification du 21 Octobre , ce qui  « retirait  aux propriétaires ayant-pins le droit de couper comme bon leur semblera » et « entraînait nécessairement l’interdiction des coupes rases sur une grande étendue, mode d’exploitation radicalement incompatible avec le régime juridique de l’usage puisqu’il soustrairait à celui-ci [pendant de nombreuses années]une étendue de sol et alourdirait corrélativement la charge de l’usage sur les autres propriétaires… »

    

 Après cet échec en Appel, les propriétaires  allèrent en Cassation mais ils furent déboutés le 13 Novembre car « aucun mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée n’a été produit dans le délai légal » ! 

   Ces jugements représentaient un démenti cinglant pour les fonctionnaires (DDA et SRAF) qui, prisonniers qu’ils étaient des décisions de 1963 avaient refusé de lire les transactions et l’arrêt du Conseil d’Etat de 1970. Il faut dire, à leur décharge que les avocats de la commune ne l’avaient pas utilisé devant la  Cour d’appel de 1981 … !

      Forts de ces décisions, on aurait peut-être pu, dans ces conditions,  attaquer les plans de gestion devant le tribunal administratif, mais ce n’était plus, on l’a vu, dans la mentalité ambiante.

 

Cette affaire des coupes de Batlongue eut aussi une autre conséquence, le changement de responsables à la tête de l’ADDU et là aussi une orientation nouvelle car la collaboration, très étroite jusque là, avec la SEPANSO connût rapidement un coup d’arrêt.

 

E- Le plan de la SEPANSO et son rejet.

 

Les  propriétaires  ayant perdu sur le cantonnement et la libre disposition des arbres, la SEPANSO

pensa qu’il était temps et souhaitable de leur tendre la main pour trouver une solution de compromis.

Elle décida donc de tenter une dernière conciliation en proposant à la municipalité de La Teste

un projet de plan de gestion et une nouvelle transaction. Elle espérait en effet que celle-ci  pourrait, après discussion et modifications, les prendre à son compte pour le présenter aux autres partenaires.

Ce plan avait été élaboré en tenant compte des éléments suivants :

-décision de la commune, le 29.12.1983, après l’affaire de Batlongue, de contacter le Secrétariat d’Etat à l’Environnement pour élaborer un plan de gestion et d’envoi à chaque  propriétaire de parcelle d’un mémorandum contenant les propositions de la commune (ce qui ne fut pas fait…)

-AG extraordinaire de l’ADDU le 24 Janvier 1984 et vote d’une motion s’opposant à tous travaux « tant qu’un plan de gestion global respectueux de l’esprit des transactions ne sera pas mis en œuvre »,

-accord de la municipalité, lors d’une réunion commune (élus, propriétaires, CRPF, ADDU, SEPANSO) en date du 3 Février 1984, « pour que les propriétaires puissent avoir des revenus sur cette forêt »

 

Que prévoyait donc ce plan ?

Proposition de compromis il supposait que chacun fasse un pas vers l’autre et abandonne une partie des ses prérogatives ou de ses prétentions, il demandait

-       aux propriétaires de renoncer au cantonnement en échange d’un revenu minimum garanti sur les coupes de bois générées par le plan de gestion et du droit de louer sa cabane dans le respect des règles d’urbanisme.

-       aux communes, la possibilité de faire élire les syndics directement par la population usagère et l’obligation de réinvestir tout ce qu’elles percevraient dans la forêt.

-       aux propriétaires et à la commune de La Teste de signer, comme la loi le prévoyait, une convention de libre parcours en échange de l’entretien des chemins par la commune.

-       aux usagers, d’accepter que des coupes soient effectuées en vue de la régénération et que les propriétaires  aient une part de la vente des bois, mais aussi  de renoncer à certaines traditions :

* accepter que les devis soient déposés à dates régulières car le bois d’œuvre

      usager ne devrait être pris que sur les parcelles en  régénération (55 hectares par

      an),

      *accepter que l’usage une fois satisfait, le reste du bois soit vendu au profit de la

      caisse syndicale et qu’un parc de stockage de bois usager soit installé.

      *accepter, en ce qui concerne le bois de chauffage, qu’une taxe modique soit

      perçue sur le bois de chêne (1/6° du prix marchand), et qu’il ne soit permis d’en

      couper que dans des lieux désignés (parcelles en régénération et aulnaie)

-       aux ministères d’apporter leurs compétences et une aide financière.

 

Pour appliquer le plan de gestion global, gérer la caisse syndicale, la scierie, répartir les charges et les revenus : 4 syndics (choisis en dehors des élus) assistés au minimum d’un gestionnaire et d’un garde et au dessus pour régler les conflits éventuels un Conseil de la Montagne composé de

-4 représentants des communes

-4          «           des propriétaires 

-1          «           du Ministère de l’Environnement

-1          «           du Ministère de l’Agriculture

-1          «            de l’ACCA

ainsi que (leur rôle consultatif ou délibératif étant à décider)

-2 représentants des communes d’Arcachon et Lège

-1          «            de l’ADDU

-1          «            de la SEPANSO

 

Quant au plan de gestion, il reprenait ce que la municipalité avait déjà proposé en réduisant la superficie des coupes (5 ha sur les zones planes et les semis, 1 hectare dans la zone des dunes paraboliques ; pas d’intervention sauf sanitaires dans les clairières et les pentes >35% ; furetage par placettes de 10 ares dans l’aulnaie saussaie (5 hectares / an)

Coupes limitées à 10 ares sur les pentes entre 5 et 35% ainsi que dans la réserve de chasse de l’ACCA).

que la position tout à fait légitime, des nouveaux responsables de l’ADDU désirant s’en tenir aux textes de 1759, avaient alors rendu impossible

 

Ce projet devait être étudié par une « sous-commission » municipale avant d’être présenté à la Commission des Activités Traditionnelles puis, après adoption, être diffusé aux autres partenaires par la municipalité.

Il semblait en effet indispensable qu’il y ait un accord préalable  entre la commune, l’ADDU, la SEPANSO et l’association des propriétaires  non cantonnant, pour pouvoir engager ensemble des négociations avec les autres parties : administrations, propriétaires  et commune de Gujan.

Malheureusement la Municipalité prit l’initiative de le diffuser à l’extérieur avant qu’il ne soit présenté et discuté en commission et l’accord souhaitable ne put se réaliser, d’autant que le nouveau président de l’ADDU déclara vouloir s’en tenir, ce qui était son droit, à la transaction de 1759

     

Une négociation fut ensuite entreprise par la seule municipalité non pas avec les syndics des propriétaires ayant pins, mais avec un petit groupe de notables ayant-pins. Ces négociations restèrent secrètes et portèrent sur une nouvelle transaction mais il semblerait, d’après les documents en ma possession, qu’on était très loin du projet que nous avions proposé.

La manœuvre se solda d’ailleurs par un échec.

Et l’affaire en resta là.

 

 

L’attitude de la municipalité qui tranchait avec l’ambiance de la précédente législature se confirma puisqu’il fallut …15 mois avant que nous nous retrouvions, mais en conflit ouvert, à propos de l’utilisation de la forêt usagère pour des compétitions de moto (Mars 1985).

Les protestations  de la SEPANSO auprès de toutes les autorités concernées provoquèrent la signature, le 11 juin 1985, d’un arrêté municipal sur la circulation de véhicules à moteur dans le massif forestier encore que celui-ci entrouvrait la  porte à des manifestations sportives laissant, selon la loi, le soin de les autoriser au…Préfet !

Cela n’empêcha pas  l’adjoint aux sports de l’époque, d’envisager un projet de championnat de France d’endurance moto (Août 1985)…projets contre lesquels l’ADDU s’éleva elle aussi.

Cet arrêté, censé limiter la circulation des véhicules à moteur, autorisait cependant tous les ayant-droits c’est à dire, les propriétaires, les usagers (testerins, gujanais, arcachonnais….), et les chasseurs, à y circuler en véhicules motorisés, ce qui faisait beaucoup de monde !

 

 

F- La poursuite de l’action du CRPF

 

Pendant que le devant de la scène était occupé par ces petites affaires, des choses plus sérieuses se préparaient. Le refus des  propriétaires  d’accepter une nouvelle transaction alors qu’ils ne pouvaient plus cantonner depuis la décision de la Cour de Cassation, aurait du alerter les responsables car cette attitude montrait qu’ils avaient encore des possibilités : le cantonnement amiable, et l’application des plans de gestion.

En fait ces responsables savaient que le CRPF avait commandé une étude complémentaire intitulée « Propositions de reconstitution » portant sur 16 secteurs répartis sur 15 parcelles, avec pour chacune un bilan forestier et financier.  Il s’agissait de 120 hectares répartis sur les pièces de Secary , Bat Bedouch , Bat de Sahuc Nord, Patagn , Lous Déserts, Batsegrette , Courdeys de bas , Lous Pechious , Le Brana, Trafot , Batlongue, Bat de Sahuc, Mouneys, Lauga, La grande Cabane d'Arnaud.

                  

Cette étude avait été réalisée, pendant l’été 1985, par un stagiaire de l’école de Meymac qui dans sa préface remerciait  M. Condou, syndic des usagers, et  Mrs Bodin, Bouyssou, Bussy, Marzat, Mora et Pacault tous propriétaires, pour leur collaboration. Il faut noter que la commission de la forêt n’eut aucune connaissance de ce travail qui n’avait pu rester méconnu des autorités municipales puisque le syndic des usagers y avait participé !!

On pouvait dans les conclusions (pages 23 et 24) lire les affirmations suivantes :

 

"-le caractère original de cette forêt est unique dans le massif landais et il serait sage de le conserver dans une certaine mesure. "

"-le droit d'usage tel qu'il s'applique actuellement entrave toute sylviculture .Mais si on sait l'organiser il peut s'adapter à une gestion cohérente. "

Le plan prévoyait 2 modes de régénération selon les secteurs:

-50 % de zones dunaires en régénération naturelle assistée (avec coupes rases au bout de 2 ans sur semis acquis)

-35 % de zones planes traitées en  ligniculture

-15% inexploitables: clairières, marais, fortes pentes.

Ce travail avait  été réalisé pendant l’été 1985, mais, à moins que le stagiaire ait eu un  don de divination, sa rédaction a été certainement plus tardive puisqu’il affirmait que les articles du code forestier modifiés par la nouvelle loi  permettent d’entrevoir une solution aux problèmes actuels. Or cette loi, dont nous allons parler, date du 4 Décembre 1985 !

Quant à la transmission officielle de ce document aux différentes autorités, dont la Mairie de La Teste elle ne date que du… 22 Juillet 1986 !

Dans sa lettre d’accompagnement le Directeur du CRPF indiquait  que ce travail avait été réalisé parce que  les 33 plans simples de gestion agrées en 1984 pour une superficie de 2350 hectares étaient « restés lettre morte » et que «  sauf évolution de la situation permettant d’envisager sérieusement l’application du plan général d’aménagement concerté et des plans simples de gestion … son rôle est maintenant terminé ».

C’était enfin reconnaître de manière implicite que sans accord sur une nouvelle transaction, les PSG étaient inapplicables sauf « évolution de la situation ».

 

Cette lettre et cette expression « sauf évolution de la situation » aurait dû inquiéter mais confiants dans les décisions des tribunaux personne n’y attacha d’importance et ne comprit ce qui se préparait.

 

 

                                          ____________________________________

 

Notes du Chapitre V



[1] Bissérié. Op.cit.

[2] P.Galloy : « Rapport sur les forêts usagères de La Teste et de Biscarrosse » 14 Mars 1968.

[3] « Inventaire des milieux naturels qui méritent d’être protégés en France » 19 Novembre 1970.

[4] Orientations régionales de production d’Aquitaine, page 80. CRPF- Mai 1971

[5] MIACA, rapport de M. Goursat, 21 Mars 1973

[6] Intervention écrite lors de la Commission de la Forêt du 14 Mai 1974

[7] Pour de plus amples informations voir ;

   F.Neuville  « Rapport préliminaire au classement en réserve naturelle du site constitué par le petit 

  étang de Biscarrosse et d’une partie de la forêt usagère de cette commune » SEPANSO- juin 1977 et

  René Lalanne « La forêt usagère et les droits d’usage à Biscarrosse » in « Les Landes, Thermalisme et

  forêt»-Fédération historique du Sud-ouest -1989.

[8] Les différentes municipalités qui ont eu à s’interesser à ces conflits furent dirigées par messieurs Aristide Ichard ( 1950-1977), Gilbert Moga ( 1977-1989),                       

 Claude Espied ( 1989-1995 et 1997-2001), Jean Marie Schmitt (1995-1997), Jean François Acot Mirande( 2001-2008), Jean Jacques Eroles (2008- …)                             

[9] Lettre au Maire et aux conseillers municipaux du 20 Mars 1977.

[10] Préfecture de la Gironde. Forêt Usagère de La Teste. Procès verbal de la réunion du 13 Mai 1977.

[11] Lettres du 9 Mai 1977

[12] Lettre du Chef du SRAF au Délégué Régional à l’Environnement en date du 15 Juin 1977

[13] Lettre du Ministre au Président de la SEPANSO du 13 Décembre 1977.

[14] Paul Caquet « Les forêts d’Aquitaine, structures et organisations » SRAF 3° trimestre 1977.

[15] Sud Ouest, début Août 1978.

[16] Lettre de M. H.Goutalier à M. Jean Pierre Bodin en date du 5 décembre 1977

[17] V.Auzanneau : « Note sur la Forêt usagère à l’attention de M. le sous Préfet de Bordeaux ». 16 Novembre 1978

[18] Lettre de M le Directeur départemental de l’agriculture à Mrs Bodin et Marzat en date du 12 Avril 1978.

[19] Sud Ouest du 6 Juillet 1979 « le point de vue de M.Caquet, chef du SRAF ».

[20] Lettre au Maire de La Teste en date du 6 Août 1979.

[21] Lettre au Maire de La Teste en date du 12 Juillet 1979.

[22] Lettre du Directeur du SRAF au Président de la SEPANSO en date du 17 Décembre 1979.

[23] SRAF Aquitaine : « Pourquoi et comment aménager la forêt usagère de La Teste » par Sophie

    Broussaud Gravellier et Philippe Sicard. 8 Juin 1979. (2 volumes)

    SEPANSO : « Forêt Usagère de La Teste de Buch,  première partie, Contribution à l’étude  

   écologique et proposition de  classement en Réserve Naturelle » 16 Juin 1979 travail réalisé pour le

   Ministère de l’Environnement par François Neuville assisté de Robert Aufan, Jean Nass et Sylvie

   Prudhommeaux avec la collaboration du Professeur J.Bernard de l’Université de Bordeaux III.

   SEPANSO et UER « L’homme et son environnement » Université de Bordeaux III : « Forêt Usagère

   de La Teste,  étude  économique et propositions d’aménagement » Décembre 1979, travail réalisé pour

   la MIACA par François Neuville et Jean Pierre Lannes assistés de Robert Aufan, Jean Marieu et de

   Sylvie Prudhommeaux.

[24] Lettre de M. Jenny, chef du service  juridique de l’Office National de la chasse (Paris), à Marcel

    Ledru, Président de l’ACCA, en date du 27 Juin 1979.

[25] Lettre du directeur de la DDA au Maire de La Teste en date du 25 Juin 1979

[26] Lettre du Maire de Gujan à celui de La Teste en date du 12 décembre 1979

[27] Lettre à M. Madrelle Président du Conseil Général en date du 18 Février 1980

[28] Lettre de Pierre Marzat, délégué communal du Syndicat des Sylviculteurs du Sud-Ouest au président

    de la SEPANSO en date du 29 Février 1980

[29] Lettre du 4 Avril 1980

[30] Lettre du Ministre de l’Environnement au Maire de La Teste en date du 21 Mai 1980.

[31] Lettre de M. le  Préfet au Maire de La Teste en date du 14 avril 1980.

[32] Compte rendu rectificatif non daté transmis par le secrétaire du comité permanent à la SEPANSO.

[33] PV du comité permanent en date du 7 Juillet 1980

[34] Lettre du Maire au Directeur de la DDA avec copie au DIREN en date du 9 septembre 1980

[35] Lettre du directeur de la DDA au Maire en date du 12 Septembre 1980.

[36] Procès verbal de la réunion du Comité Permanent en date du 21 Janvier 1981 (rapporteur P.Davant,

    exposé de R.Aufan)

[37] Lettre de M. le Maire en date du 13 Mai 1983.

[38] Protocole d’accord entre la commune de Gujan Mestras et l’association des propriétaires en forêt

    usagère de La Teste.

[39] Lettre envoyée à tous les propriétaires de parcelles d’au moins 25 hectares d’un seul tenant, leur

    enjoignant d’avoir à déposer un plan simple de gestion avant le 30 Juin 1984.

[40] Lettre du Directeur départemental de l’agriculture au Maire de La Teste en date du 20 Janvier 1984.

[41] Lettres au Ministre des 25 Janvier et 2 Février 1984

[42] Procès verbal de la réunion de la commission des activités traditionnelles - forêt du 3 février 1984.

[43] Journal d’informations municipales de Février 2004